14 avril 2016

Les leçons d'un échec



La crise des réfugiés coïncidant avec les concessions arrachées par le Royaume-Uni a mis en pleine lumière l’échec du projet européen tel que l’avaient conçu les Pères fondateurs. Il est désormais admis que l’on peut demeurer membre de l’UE tout en récusant l’objectif d’une « union sans cesse plus étroite ». Plusieurs Etats membres, anciennes « démocraties populaires », largement bénéficiaires de la solidarité communautaire, s’autorisent à la refuser, s’agissant de l’accueil de réfugiés musulmans au nom d’une conception de la pureté ethnique parfaitement contraire aux valeurs européennes. Le référendum néerlandais du 3 avril confirme l’affaiblissement du soutien populaire dans l’un des Etats fondateurs.
L’incapacité des institutions à décider ou à faire exécuter leurs décisions a conduit la chancelière Merkel à exercer, à son corps défendant, un leadership ressenti comme hégémonique par une partie croissante de l’opinion de ses partenaires. Cette situation résulte des faiblesses d’une France dont les performances demeurent durablement médiocres. Elle est aussi la conséquence d’une option de la diplomatie française remontant au général de Gaulle mais poursuivie par tous ses successeurs hostile à tout transfert de souveraineté dans les domaines régaliens. Refusé quand il était proposé par l’Allemagne, le fédéralisme  n’est plus aujourd’hui d’actualité et ne pourra le redevenir qu’après un effort de clarification et une reconquête de l’opinion.
La clarification devra porter à la fois sur les compétences, les institutions et le périmètre. Qu’attendons-nous de l’Union ? Comment peut-elle être gouvernée ? Le périmètre dépendra de la réponse que chaque pays donnera aux questions précédentes. Utilisons le cadre actuel avant de tenter l’adoption d’un nouveau traité. Ne confondons pas l’avant-garde ouverte utile à tous et l’Europe à la carte synonyme d’impuissance et d’éclatement. Une relance s’imposera après le vote des Britanniques au référendum du 23 juin, quel qu’en soit le résultat.
La reconquête de l’opinion est la tâche majeure dont dépend tout le reste. Elle sera difficile tant l’Union s’est laissé caricaturer et, disons-le, a prêté à la caricature par son réglementarisme tatillon et son manque de pédagogie. L’une des carences de la Commission Juncker est sa politique de communication. La Commission ne devrait pas craindre de dénoncer l’hypocrisie des Etats qui reprochent à l’Union une impuissance à laquelle ils la condamnent trop souvent en lui refusant les moyens d’action indispensables comme on le voit aujourd’hui à propos des renseignements de sécurité ou du contrôle de la frontière extérieure.
Enfin le projet européen, pour mobiliser notamment les jeunes ouverts à de plus larges solidarités, ne peut se dissocier du combat pour un ordre mondial démocratique. Je renvoie sur ce point à l’article que je viens de publier dans la revue Futuribles sous le titre « Contre l’anarchie mondiale la démocratie ». 
Editorial rédigé pour le club Europe d'ARRI (Association Réalités et Relations Internationales).