26 mai 2015

Le refus des quotas, un comble d'hypocrisie

            Paris, 25 mai 2015

            La pression migratoire que les conflits d’Afrique et du Proche-Orient fait peser sur l’Europe explique sans les justifier les palinodies des gouvernements. Comment peut-on à la fois reconnaître l’obligation humanitaire de porter secours à des naufragés, la nécessité de répartir plus équitablement la charge de l’accueil et refuser l’instrument de cette répartition proposé par la Commission, à savoir la détermination, pour chaque pays, d’un quota déterminé en fonction d’éléments objectifs (population, revenu par tête, nombre de réfugiés déjà accueillis). Un moment saluée par le ministre de l’Intérieur comme répondant aux préoccupations françaises, cette proposition a été brutalement écartée par le premier ministre comme par plusieurs de ses homologues. Or sur un sujet aussi sensible, il est peu probable que, sans une proposition de la Commission et un vote majoritaire, les gouvernements réussissent à s’accorder sur la répartition d’une charge qui ne saurait reposer sur les seuls pays d’accueil. Face à l’extrême barbarie qui caractérise le comportement du dernier protagoniste connu sous le nom de Daesh, acronyme arabe d’Etat islamique on serait en droit d’attendre plus de résolution. Les projets tendant à combattre cette nouvelle forme de criminalité internationale et à détruire ou immobiliser les bateaux ne peuvent avoir d’effets immédiats. Faut-il en attendant renoncer aux secours ou laisser se développer un concours à celui qui recevra le moins de réfugiés ?

13 mai 2015

La question du West Lothian et l'Europe

            Platier, 13 mai 2015

            Pendant combien de temps les députés et les électeurs anglais accepteront-t-ils que les députés écossais, gallois ou nord-irlandais participent au vote sur des lois ne concernant que l’Angleterre alors que les députés anglais ne peuvent se prononcer sur les lois concernant l’Ecosse, le Pays de Galles ou l’Ulster ? Cette question posée jadis par un député de la circonscription écossaise de West Lothian se pose avec plus d’acuité depuis les transferts de compétence promis aux Ecossais par Cameron qui s’est engagé à lui donner une réponse. Celle-ci pourrait consister à priver les membres de la Chambre des Communes élus hors de l’Angleterre de se prononcer sur la législation ne concernant que la seule Angleterre. Si, comme il est probable, les négociations que Cameron veut engager avec ses partenaires de l'UE aboutissent à consolider, voire à élargir les dérogations dont jouit le Royaume-Uni, ne serait-il pas logique de priver les membres britanniques du Conseil et du Parlement du droit de se prononcer sur des législations ne concernant que la zone euro, l’espace Schengen et plus généralement les domaines faisant l’objet d’exceptions consenties au Royaume-Uni ? La même question se pose pour les autres pays à dérogations à moins qu’ils ne s’engagent à y renoncer dans un délai à déterminer. Il serait en effet peu raisonnable d’exclure par exemple les Polonais des délibérations concernant l’euro alors que leur intention est de rejoindre l’union monétaire.  

04 mai 2015

Les dérives d'Emmanuel Todd

            Paris, 4 mai 2015

            Dans plusieurs articles de journaux ou entretiens télévisés annonçant la publication d’un essai polémique dont le titre serait « Qui est Charlie ? », le sociologue-démographe Emmanuel Todd s’attaque aux manifestants du 15 janvier dernier. Cette quasi-unanimité nationale lui parait cacher une réaction inconsciente mais perverse d’hostilité envers la minorité musulmane. Ainsi se développe une controverse dont Libération d’aujourd’hui se fait largement l’écho où l’on retrouve curieusement la vieille opposition à propos de la construction européenne qui déchire notre pays depuis le débat des années 50 sur le projet de Communauté européenne de défense. Todd était trop jeune pour combattre la CED mais il s’est opposé vivement au traité de Maastricht et à la constitution européenne. Il se fait l'avocat de l'abandon de l'euro cause, selon lui, du chômage de masse imputable, en réalité aux rigidités de notre marché du travail. Sous l’apparence d’une empathie avec la minorité musulmane, ce qui insupporte Emmanuel Todd dans l’élan du 15 janvier, n’est rien d’autre que la communion d’un grand nombre de Français parmi les plus instruits avec les valeurs d’un monde européen et occidental affronté au défi de la barbarie.