30 juin 2014

La défaite de Cameron



Platier, 30 juin.

La désignation à la majorité de Jean-Claude Juncker comme président de la Commission marque une étape inattendue en direction d’une Europe plus politique et plus démocratique. Inattendue car je n’osais espérer que vingt-six chefs de gouvernement eussent assez de détermination pour imposer une nomination vigoureusement contestée par David Cameron. Faut-il que les Anglais aient lassé leurs partenaires par leur obstruction systématique et la caricature que leurs politiciens et leurs journalistes donnent d’une Union qu’ils ne comprennent pas et dont ils ne partagent pas les finalités. Il existe toutefois une chance d’accord sur un programme qui viserait à donner une priorité aux affaires importantes au détriment de règlementations tatillonnes inspirées par le principe de précaution. Cameron pourrait s’en attribuer le mérite et justifier ainsi un vote positif au référendum annoncé.
En désignant Juncker, les gouvernements ont annoncé leur intention de revoir la procédure de désignation du Président de la Commission. Il serait bon que le Mouvement européen engage un grand débat sur ce thème afin que soient pesés les mérites de l’élection par le Parlement ou de l’élection populaire directe, naguère proposée par la CDU allemande et qui pourrait être précédée de primaires. Transparence et clarté devraient caractériser la formule retenue. Il s’agit de rien moins que de jeter les bases d’un peuple européen encore en devenir.

                   

20 juin 2014

La question des compétences




               Paris, 20 juin

L’opinion s’est répandue, y compris dans les milieux europhiles, qu’il convenait de limiter les intrusions de l’Europe dans de trop nombreux domaines. Il est vrai que les administrations nationales, notamment la nôtre, font une interprétation excessive des directives européennes, comme on l’a vu à propos de la hauteur des échelles pour la cueillette des fruits. Le Premier ministre anglais Cameron prend appui sur ce courant d’opinion pour demander un rapatriement de nombreuses compétences. Tel qu’il est conduit dans le climat d’euroscepticisme qui domine aujourd’hui, ce débat occulte la nécessité inverse d’une intervention accrue de l’UE dans les multiples domaines où, faute de mécanismes de décision appropriés, elle est incapable de répondre aux exigences de l’intérêt général ou aux attentes des citoyens. Trois exemples : l’énergie, l’immigration, la fiscalité. Qu’attend l’UE pour créer une centrale d’achat de gaz que proposent les Polonais ? Doit-on laisser l’Italie seule face aux vagues de réfugiés promis à la noyade en Méditerranée ? Combien de temps devrons-nous supporter le dumping fiscal de pays qui, comme l’Irlande ont bénéficié de la solidarité européenne ?   Dans bien des domaines, le rapatriement des compétences au niveau national aurait pour effet d’éliminer toute une architecture de protection des travailleurs, des consommateurs et de l’environnement qui sont parfois irritantes mais qui fondent la qualité de vie de notre continent.

12 juin 2014

Les Anglais doivent rester




Paris, 12 juin

Ce rappel à la raison d’Arnaud Leparmentier dans le Monde du 12 juin passe mal auprès de ceux qui, comme Michel Rocard, sont prêts à dire chiche à Cameron. Il est vrai que tous les torts qui ont conduit à l’état présent de l’UE ne sont pas imputables à Londres. Mais ce qui est spécifique de l’Angleterre, c’est une hostilité profonde au concept d’une entité politique européenne, l’acharnement à écarter toute forte personnalité de la Commission, hier Dehaene puis Verofstadt, aujourd’hui Juncker, l’absence de tout effort pour développer un sentiment d’appartenance à l’Union et riposter aux campagnes haineuses de désinformation de la presse de caniveau. Aussi bien, avant toute renégociation des termes de l’adhésion, l’Union devrait exiger de Cameron une déclaration de bonne volonté par laquelle le Royaume-Uni s’engagerait se comporter en partenaire loyal. Hors de l’UE, la Grande-Bretagne deviendrait en effet la Petite-Bretagne, mais l’Union n’en serait pas renforcée pour autant.