07 mai 2014

Réponse à Nicolas Dupont-Aignan



Paris, 7 mai 2014
La revue des Anciens de l’ENA a publié dans sa dernière livraison la réponse à un article de Nicolas Dupont-Aignan que je lui avais adressée. En le reproduisant ici, je dédie ce texte à ceux qui hésiteraient à voter le 25 mai.
Réponse à Nicolas Dupont-Aignan
            L’excellent dossier Regards sur 2013 contenu dans ENA hors les murs de décembre 2013 ne contient qu’une seule contribution relative à l’Europe, celle de Nicolas Dupont-Aignan. Elle présente de l’avenir européen une vision totalement négative préconisant la sortie, non seulement de l’euro, mais de l’ensemble des traités européens dans lesquels s’inscrit aujourd’hui l’avenir de notre pays.
            Permettez à quelqu’un qui a consacré une grande partie de sa carrière et de sa vie de citoyen à la construction européenne de contester une thèse qui, proposant de jeter le bébé avec l’eau du bain, reviendrait, si elle devait l’emporter, à ruiner le grand dessein poursuivi, non sans hésitations mais  avec une remarquable continuité, depuis plus de soixante ans, par nos présidents successifs. Les imperfections de l’Union européenne sont évidentes. Elles résultent, pour l’essentiel du refus des Etats membres de lui donner les pouvoirs et les moyens qui lui auraient permis de relever plus vigoureusement les défis de la mondialisation et de faire face à la crise plus rapidement et donc à un moindre coût. S’y ajoute la conversion des élites à un système économique caractérisé par le court-termisme, le primat de la concurrence sur l’harmonisation et un creusement sans précédent des inégalités.
             Pour ce qui est de la France et plus encore des pays du Sud, Espagne, Italie, Portugal et Grèce, la légèreté avec laquelle des gouvernements de tendances diverses ont abusé des facilités offertes par leur adhésion à l’euro pour laisser filer leurs déficits et s’endetter à tout va n’est en rien imputable aux traités européens. On imagine ce que serait l’instabilité monétaire et l’appauvrissement des pays qui décideraient  d’abandonner l’euro. C’est pourquoi aucun ne l’envisage.
            Contrairement à tant de pronostics, dont ceux de Nicolas Dupont-Aignan, l’euro est actuellement hors de danger. La mise en place d’une union bancaire, bien que trop étalée dans le temps, apportera un élément supplémentaire de sécurité. Néanmoins la pérennité de l’euro ne sera définitivement assurée qu’au prix de nouveaux progrès dans la discipline et la solidarité, autrement dit en direction d’une union politique qui se fait attendre. L’Europe manque de gouvernements assez courageux pour combattre un euroscepticisme qu’ils ont entretenu en lui attribuant la responsabilité de mesures d’autant plus impopulaires qu’elles ont trop tardé. Il nous reste à espérer qu’une nouvelle génération d’hommes et de femmes d’Etat proposera à des populations désabusées la vision d’un nouveau pas en avant dans le resserrement les liens, non seulement au plan budgétaire et fiscal mais à celui de la politique étrangère et de la défense.
             Comment, sur un autre plan, ignorer la réussite magnifique que représente la stabilisation des pays sortis de l’empire soviétique et qui tous, sans exception, ont souhaité rejoindre notre Union si imparfaite mais si porteuse d’avenir ? Comment ignorer la contribution de l’Europe à la promotion de l’égalité hommes-femmes, à la protection de l’environnement et des consommateurs et, plus généralement, à la consolidation de la démocratie ? Comment ne pas voir que les défis mondiaux de la prolifération nucléaire, du changement climatique, de l’explosion démographique de l’Afrique, de la pression migratoire, des différentes formes de terrorisme ne pourront être efficacement relevés sans une forme d’organisation supranationale du type de celle que nous construisons laborieusement en Europe et qui nous vaut, malgré nos difficultés présentes, une reconnaissance universelle ?
                                                                       Robert Toulemon
                                                                       Promotion Félix Eboué
                                  
                  

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