21 avril 2014

Le rêve de la petite Europe
Platier, 21 avril
Les prises de position de Laurent Wauquiez en faveur d’une Europe réduite à six pays, les Six des premiers traités moins le Luxembourg et plus l’Espagne traduisent de manière caricaturale le malaise français face à la grande Europe des vingt-huit. L’accueil consenti aux pays d’Europe centrale, la contribution à leur démocratisation sont le plus grand succès politique dont puisse se prévaloir l’UE. L’erreur ne fut pas d’admettre les nations libérées de la tyrannie soviétique mais de ne pas avoir réformé  l’Union et clarifié ses objectifs avant de l’élargir. Une erreur de même nature avait été commise dès 1995 lorsque trois pays se déclarant neutres avaient été admis sans qu’il leur fût demandé de renoncer à une neutralité évidemment en contradiction avec la solidarité qu’implique l’appartenance à l’Union.
Plutôt que renverser la table, opter pour le protectionnisme et l’intergouvernementalisme, comme le propose Laurent Wauquiez, sans la moindre chance d’être pris au sérieux, notamment à Berlin, il conviendrait d’organiser, au sein de la grande Union, l’avant-garde que constituent les Etats membres de la zone euro. Il est aisé de concevoir des réunions du Conseil et du Parlement où les seuls représentants des Dix-Neuf disposeraient du droit de vote. Plus difficile est l’adaptation de la Commission à cette nécessaire différenciation, les membres de cette institution ne représentant pas leur pays mais l’intérêt général européen. La fraction gaulliste de l’UMP qui n’aime pas la Commission et ignore son rôle essentiel dans la machinerie communautaire croit pouvoir s’en passer dans l’Europe restreinte de ses rêves. Plutôt que marginaliser la Commission, il convient de renforcer sa légitimité démocratique en réduisant son effectif et en laissant à un président élu la responsabilité d’en nommer les membres, la composition du collège étant soumise à l’approbation du Parlement et du Conseil.
La présence dans une Commission renforcée et resserrée de personnalités venant de pays n’appartenant pas à l’avant-garde constituée par les membres de l’eurozone présenterait moins d’inconvénients que l’abandon de la méthode communautaire ou que la création d’une Commission bis. Tout en facilitant l’intégration au sein de l'avant-garde, elle aurait l’avantage de maintenir un lien fort entre les pays de l’avant-garde et les autres.

Une cassure plus nette entre un cercle large et un cercle plus restreint s’imposera le jour où se manifestera dans quelques pays et d’abord en France et en Allemagne une volonté forte d’union. Tel n’est manifestement pas le cas aujourd’hui. La campagne des élections européennes devrait être l’occasion de définir le contenu d’une union répondant aux défis actuels : lutte commune contre le risque de déflation, union budgétaire et fiscale, union énergétique, mutualisation des dépenses d’armement, innovations, réseaux (électricité, internet), affirmation des symboles de l’Union.

15 avril 2014

Un déplorable signal
Paris, 15 avril.                

La nomination comme Secrétaire d’Etat aux Affaires européennes d’une personnalité considérée comme ayant échoué à la direction du parti socialiste est un déplorable signal envoyé à l’Europe au moment où nous sollicitons sa bienveillance. C’est aussi une curieuse ouverture de la campagne pour les élections européennes. Comment un parlementaire situé parmi les moins assidus à Strasbourg et à Bruxelles pourrait-il convaincre les électeurs de se déranger le 25 mai ? Le discours de politique générale du Premier ministre prononcé dans un brouhaha scandaleux ne nous avait pas rassurés malgré son émouvante péroraison. « La France a besoin de l’Europe. L’Europe a besoin de la France ». Certes, mais l’Europe a surtout besoin d’union, de la capacité d’agir positivement dans l’intérêt de ses citoyens.