L'ENA hors les murs, revue des anciens élèves de l'ENA publie dans sa dernière livraison ma réponse à un article du député souverainiste Nicolas Dupont-Aignan. Ce texte est reproduit ci-dessous.
L’excellent dossier Regards sur 2013 contenu dans ENA hors les murs de décembre 2013 ne contient
qu’une seule contribution relative à l’Europe, celle de Nicolas Dupont-Aignan. Elle
présente de l’avenir européen une vision totalement négative préconisant la
sortie, non seulement de l’euro, mais de l’ensemble des traités européens dans
lesquels s’inscrit aujourd’hui l’avenir de notre pays.
Permettez à quelqu’un qui a consacré
une grande partie de sa carrière et de sa vie de citoyen à la construction
européenne de contester une thèse qui, proposant de jeter le bébé avec l’eau du
bain, reviendrait, si elle devait l’emporter, à ruiner le grand dessein
poursuivi, non sans hésitations mais avec une remarquable continuité, depuis plus
de soixante ans, par nos présidents successifs. Les imperfections de l’Union
européenne sont évidentes. Elles résultent, pour l’essentiel du refus des Etats
membres de lui donner les pouvoirs et les moyens qui lui auraient permis de
relever plus vigoureusement les défis de la mondialisation et de faire face à
la crise plus rapidement et donc à un moindre coût. S’y ajoute la conversion
des élites à un système économique caractérisé par le court-termisme, le primat
de la concurrence sur l’harmonisation et un creusement sans précédent des
inégalités.
Pour ce qui est de la France et plus encore des
pays du Sud, Espagne, Italie, Portugal et Grèce, la légèreté avec laquelle des
gouvernements de tendances diverses ont abusé des facilités offertes par leur adhésion
à l’euro pour laisser filer leurs déficits et s’endetter à tout va n’est en
rien imputable aux traités européens. On imagine ce que serait l’instabilité
monétaire et l’appauvrissement des pays qui décideraient d’abandonner l’euro. C’est pourquoi aucun ne
l’envisage.
Contrairement à tant de pronostics,
dont ceux de Nicolas Dupont-Aignan, l’euro est actuellement hors de danger. La
mise en place d’une union bancaire, bien que trop étalée dans le temps,
apportera un élément supplémentaire de sécurité. Néanmoins la pérennité de
l’euro ne sera définitivement assurée qu’au prix de nouveaux progrès dans la
discipline et la solidarité, autrement dit en direction d’une union politique qui
se fait attendre. L’Europe manque de gouvernements assez courageux pour
combattre un euroscepticisme qu’ils ont entretenu en lui attribuant la
responsabilité de mesures d’autant plus impopulaires qu’elles ont trop tardé.
Il nous reste à espérer qu’une nouvelle génération d’hommes et de femmes d’Etat
proposera à des populations désabusées la vision d’un nouveau pas en avant dans
le resserrement les liens, non seulement au plan budgétaire et fiscal mais à
celui de la politique étrangère et de la défense.
Comment, sur un autre plan, ignorer la
réussite magnifique que représente la stabilisation des pays sortis de l’empire
soviétique et qui tous, sans exception, ont souhaité rejoindre notre Union si
imparfaite mais si porteuse d’avenir ? Comment ignorer la contribution de
l’Europe à la promotion de l’égalité hommes-femmes, à la protection de
l’environnement et des consommateurs et, plus généralement, à la consolidation
de la démocratie ? Comment ne pas voir que les défis mondiaux de la
prolifération nucléaire, du changement climatique, de l’explosion démographique
de l’Afrique, de la pression migratoire, des différentes formes de terrorisme ne
pourront être efficacement relevés sans une forme d’organisation supranationale
du type de celle que nous construisons laborieusement en Europe et qui nous
vaut, malgré nos difficultés présentes, une reconnaissance universelle ?
Robert
Toulemon
Promotion
Félix Eboué
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