25 décembre 2012

Un parallèle surprenant

Paris, 25 décembre 2012. L’influent magazine britannique The Economist, après avoir la semaine précédente exposé quel désastreux pari serait une sortie de l’UE, dresse dans son numéro du 22 décembre un étonnant parallèle entre ladite UE et le Saint Empire Romain Germanique, ses centaines de principautés et royaumes aux statuts divers, certains étendant leur souveraineté au-delà des limites de l’Empire, ses procédures de décision chaotiques, sa pratique de la subsidiarité, ses zones monétaires, mais aussi les libertés inhabituelles dans l’Europe d’alors dont jouissaient ses habitants après les horreurs de la guerre de trente ans qui ravagea l’empire de 1618 à 1648. L’auteur de cet article fascinant inspiré par une étude de l’historien allemand de l’université de Mainz, Peter Claus Hartmann, range parmi les facteurs de faiblesse qui conduiront le Saint Empire à l’impuissance et au déclin, le refus des princes, lors de la Diète de 1653, sous l’influence de l’Electeur de Brandebourg, de consentir à l’empereur le pouvoir de lever l’impôt. Puissent les conseillers de Mme Merkel et de M. Schaüble être des lecteurs du professeur Hartmann ou de l’Economist !

15 décembre 2012

L'union politique aux calendes grecques

Paris, 15 décembre. Saluons l’accord sur la supervision bancaire, premier pas vers une union bancaire. Mais en reportant l’ouverture du débat sur l’union politique après les élections européennes de 2014, autant dire aux calendes grecques, le Conseil européen des 13 et 14 décembre n’a pas contribué, comme il l’aurait dû, à renforcer la confiance dans l’avenir de l’euro. On sous-estime toujours le rôle de la confiance dans les processus économiques. Un signe montrant la volonté de franchir un pas en direction d’un fédéralisme politique aurait eu plus d’impact sur la croissance que la mobilisation de plusieurs centaines de milliards d’euros. L’Europe a besoin d’un pouvoir fiscal et d’une capacité d’emprunt pour compenser les effets récessifs des politiques nationales de retour à l’équilibre et plus fondamentalement pour assurer la pérennité de l’union monétaire. Pas de monnaie sans Etat !

11 décembre 2012

Le prix Nobel

Paris, 11 décembre. Avec de nombreux amis de l’Europe, dont Jacques Delors, j’ai assisté hier dans les bureaux parisiens de la Commission, boulevard St Germain, à la retransmission de la cérémonie de remise du prix Nobel à l’UE dans le magnifique hôtel de ville d’Oslo. Combien j’aurais aimé que les commentateurs qui ont ironisé assistent à cette manifestation, entendent le discours du président du comité Nobel, Jagland, évoquer l’initiative prophétique de Schuman, le 9 mai 1950, la transformation de ce qui était un continent de guerre en continent de paix. Rendant hommage à la France et à l’Allemagne pour l’opération de réconciliation la plus extraordinaire de l’Histoire, il a remercié Angela Merkel et François Hollande de leur présence. Assis côte à côte, ceux-ci se sont alors dressés, ont joint leurs mains haut levées et ont salué. Même les plus blasés des spectateurs avaient alors la larme à l’œil. On a entendu ensuite deux vigoureux plaidoyers des présidents van Rompuy et Barroso, le premier exaltant les valeurs de l’Europe et la fierté d’être européen, le second soulignant la spécificité d’une Union supranationale. Aux sceptiques, aux moqueurs, répondons que rendre hommage à une grande et noble entreprise n’empêche pas d’en déplorer les insuffisances. Le grand malheur de l’Union est d’être au milieu du gué, d’avoir suscité d’immenses attentes suivies d’immenses déceptions dues parfois à des erreurs humaines mais le plus souvent au refus des Etats membres de laisser émerger un pouvoir commun ayant sa propre légitimité. Face aux défis auxquels l’Europe est confrontée, l’expérience prouve que la coopération entre Etats souverains ne suffit pas. Telle est la leçon de ce prix Nobel.

07 décembre 2012

Plus jamais ça !

Paris. 7 décembre. Voici l’appel que j’adresse aux diverses associations européennes à propos de la commémoration de la guerre de 1914. J’espère l’appui des lecteurs de ce blog ! Le cri des poilus de 14-18 « plus jamais çà ! » a été démenti par une paix de revanche qui a conduit au deuxième conflit mondial. Alors que l’attribution à l’Union européenne du prix Nobel de la Paix suscite, hélas, plus d’ironie que d’enthousiasme, les mouvements et associations qui militent pour la réconciliation des peuples et la construction d’une Europe unie lancent un appel unanime afin que les commémorations de la guerre de 1914 fassent une large place à la dimension européenne. Rappeler aux nouvelles générations les souffrances inouïes endurées par les combattants ne suffit pas. Encore faut-il souligner le contraste entre un premier après-guerre marqué par la persistance de la méfiance entre Européens et la vision prophétique des initiateurs, quelques années seulement après la fin des hostilités, de la politique de construction d’une Europe unie. La paix entre les peuples européens dont nous jouissons depuis plus de soixante ans n’est pas due seulement à la Communauté, devenue l’Union européenne, mais qui pourrait de bonne foi contester la contribution que ses institutions et ses politiques y ont apporté, ne serait-ce que par la multiplication des rencontres à tous les niveaux qu’ont provoqué la définition et la mise en œuvre de politiques communes. Les difficultés engendrées par la crise économique et sociale que traverse l’Union sont une raison de plus de mettre à profit les commémorations du premier conflit mondial pour rappeler que la réponse au cri des poilus de 14-18 ne pouvait être durablement garantie que par la prise de conscience du destin commun qui unit désormais les peuples européens. C’est pourquoi, il ne suffira pas de veiller à bannir des commémorations tout ce qui pourrait ranimer des braises mal éteintes. Il importe de prévoir des occasions de rencontres entre les descendants de ces millions de jeunes Européens qui payèrent le prix très lourd et très injuste de l’aveuglement nationaliste de dirigeants qui « n’avaient pas voulu çà ». Les bonnes commémorations sont celles qui, tout en honorant le passé, sont tournées vers l’avenir.