13 mars 2012

Observatoire de l'Europe

Observatoire de l’Europe 8 mars 2012
Eclaircie sur la finance, drame grec, nuages sur la Hongrie, guerre civile en Syrie

Le nouveau traité destiné à renforcer la discipline budgétaire a été exigé par l’Allemagne comme prix de sa solidarité. Il entrera en vigueur dès qu’il aura été ratifié par 12 Etats, membres ou non de la zone euro. RU et République tchèque ont annoncé qu’elles se tiendraient à l’écart. La ratification de l’Irlande sera soumise aux aléas d’un référendum. L’objet du traité est, pour l’essentiel, de solenniser des engagements déjà pris. Un autre traité a pour objet la création du Mécanisme Européen de Stabilité doté au départ de 500 milliards d’euros, destiné à se substituer, à terme, au Fonds de stabilité créé dans l’urgence. Seuls les Etats dont la monnaie est l’euro et qui auront ratifié le traité de discipline budgétaire pourront bénéficier du MES.
Parallèlement à ces mesures, l’action anticrise la plus décisive est l’ouverture aux banques par la BCE de crédits quasi-illimités et très bon marché. Deux émissions successives de chacune plus de 500 milliards d’euros ont déjà été ouvertes. Elles compensent dans une certaine mesure l’abandon par les banques des trois quarts de leurs créances sur la Grèce qui recevra par ailleurs un nouveau prêt de 130 milliards en contrepartie d’un plan d’austérité particulièrement sévère.
L’allègement des tensions spéculatives qui est le résultat de l’ensemble de ces décisions ne permet pas de conclure que la crise soit terminée. Plusieurs incertitudes subsistent. On voit mal comment la Grèce pourra retrouver le chemin de la croissance. Nombre d’économistes doutent du bien fondé de politiques restrictives conduites simultanément dans tous les pays. L’Espagne de Rajoy vient d’annoncer qu’elle ne pourrait tenir son programme de réduction du déficit. Une relance par des investissements (réseaux transeuropéens, croissance verte) qui seraient financés par le recours à la capacité d’emprunt de l’Union serait plus facile à justifier si les Etats surendettés se montraient capables de réduire leurs dépenses courantes.
Porter un jugement équilibré sur le sort réservé à la Grèce n’est pas facile. Les folies grecques sont maintenant bien connues. Mais il faut mettre en balance les responsabilités des gouvernements qui ont longtemps refusé de laisser la Commission enquêter sur place. Du point de vue de la pédagogie politique, le résultat est désastreux. Le peuple grec subit une punition qu’il ressent comme injuste et imposée de l’extérieur. Les contribuables européens et tout particulièrement les Allemands se jugent victimes d’une extorsion de fonds. Loin d’attribuer à l’UE le mérite d’avoir évité le pire, les uns et les autres la vouent aux gémonies ! On mesure à quel point manque une grande voix capable de dire la vérité au nom de l’Europe. Ni Barroso, ni van Rompuy, dont le renouvellement du mandat est passé inaperçu, ne sont en mesure de jouer ce rôle.

L’Europe sortira de la crise renforcée par la discipline budgétaire et l’organisation de la solidarité. Mais l’avenir de l’Union demeure incertain. Son budget commun demeure dérisoire et dépourvu de vraies ressources propres, sa capacité d’emprunt inutilisée. Tout en rappelant que la solidarité ne saurait être sans limites, des voix allemandes se prononcent en faveur d’un avenir fédéraliste. Ainsi, la Chancelière envisage, à terme, l’élection du président de la Commission au suffrage universel, alors que le président Sarkozy s’en tient au refus de d’un Exécutif politique supranational d’autant plus qualifié de bureaucratique qu’on se refuse à envisager sa démocratisation. Pendant ce temps, le nouveau traité, qui échappe à l’exigence de ratifications unanimes, confirme la division de l’Union en différents niveaux et accentue la marginalisation du Royaume-Uni. Le silence des candidats à l’élection présidentielle sur ces questions est assourdissant.

Inquiétudes sur la Hongrie

La politique du gouvernement Orban fait peser de sérieuses menaces sur l’indépendance de la Justice et des médias, tout comme sur celle de la Banque centrale. Ainsi se trouve posée la mise en œuvre éventuelle de l’article 7 du traité de Lisbonne visant l’existence d’un risque clair de violation grave par un Etat membre des valeurs sur lesquelles est fondée l’UE. Victor Orban s’est expliqué devant le Parlement. Les réponses aux questions qui lui ont été posées par la Commission ont paru insuffisantes à la majorité des groupes mais Orban bénéficie du soutien du groupe PPE auquel appartient son parti. La nécessité où se trouve la Hongrie de faire appel à l’appui de l’UE et du FMI donne aux autorités de l’Union un moyen de pression qui devrait permettre d’éviter le recours aux sanctions de l’article 7 qui peuvent aller jusqu’à la suspension du droit de vote. Cette affaire a le mérite de rappeler que l’UE n’est pas seulement une union d’intérêts matériels.

Les leçons de la crise syrienne

Le veto russe et chinois contre toute résolution du Conseil de Sécurité condamnant les atrocités syriennes crée une nouvelle tension qui rappelle le temps de la guerre froide. Poutine justifie son attitude par l’interprétation, selon lui abusive, donnée par les Occidentaux à la résolution autorisant la protection des populations en Libye. Il est cependant embarrassé par la condamnation sans équivoque du régime syrien par la Ligue arabe. Une autre constatation s’impose à propos de cette affaire qui est rarement soulignée : l’inexistence d’une solidarité des démocraties du Nord et du Sud face à des violations massives des droits humains fondamentaux. Cette affaire, comme celle de l’Afghanistan, n’est pas sans rapport avec l’avenir de l’Alliance atlantique. Le temps n’est plus où l’ordre mondial pouvait reposer sur les seuls Occidentaux.

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