25 décembre 2012

Un parallèle surprenant

Paris, 25 décembre 2012. L’influent magazine britannique The Economist, après avoir la semaine précédente exposé quel désastreux pari serait une sortie de l’UE, dresse dans son numéro du 22 décembre un étonnant parallèle entre ladite UE et le Saint Empire Romain Germanique, ses centaines de principautés et royaumes aux statuts divers, certains étendant leur souveraineté au-delà des limites de l’Empire, ses procédures de décision chaotiques, sa pratique de la subsidiarité, ses zones monétaires, mais aussi les libertés inhabituelles dans l’Europe d’alors dont jouissaient ses habitants après les horreurs de la guerre de trente ans qui ravagea l’empire de 1618 à 1648. L’auteur de cet article fascinant inspiré par une étude de l’historien allemand de l’université de Mainz, Peter Claus Hartmann, range parmi les facteurs de faiblesse qui conduiront le Saint Empire à l’impuissance et au déclin, le refus des princes, lors de la Diète de 1653, sous l’influence de l’Electeur de Brandebourg, de consentir à l’empereur le pouvoir de lever l’impôt. Puissent les conseillers de Mme Merkel et de M. Schaüble être des lecteurs du professeur Hartmann ou de l’Economist !

15 décembre 2012

L'union politique aux calendes grecques

Paris, 15 décembre. Saluons l’accord sur la supervision bancaire, premier pas vers une union bancaire. Mais en reportant l’ouverture du débat sur l’union politique après les élections européennes de 2014, autant dire aux calendes grecques, le Conseil européen des 13 et 14 décembre n’a pas contribué, comme il l’aurait dû, à renforcer la confiance dans l’avenir de l’euro. On sous-estime toujours le rôle de la confiance dans les processus économiques. Un signe montrant la volonté de franchir un pas en direction d’un fédéralisme politique aurait eu plus d’impact sur la croissance que la mobilisation de plusieurs centaines de milliards d’euros. L’Europe a besoin d’un pouvoir fiscal et d’une capacité d’emprunt pour compenser les effets récessifs des politiques nationales de retour à l’équilibre et plus fondamentalement pour assurer la pérennité de l’union monétaire. Pas de monnaie sans Etat !

11 décembre 2012

Le prix Nobel

Paris, 11 décembre. Avec de nombreux amis de l’Europe, dont Jacques Delors, j’ai assisté hier dans les bureaux parisiens de la Commission, boulevard St Germain, à la retransmission de la cérémonie de remise du prix Nobel à l’UE dans le magnifique hôtel de ville d’Oslo. Combien j’aurais aimé que les commentateurs qui ont ironisé assistent à cette manifestation, entendent le discours du président du comité Nobel, Jagland, évoquer l’initiative prophétique de Schuman, le 9 mai 1950, la transformation de ce qui était un continent de guerre en continent de paix. Rendant hommage à la France et à l’Allemagne pour l’opération de réconciliation la plus extraordinaire de l’Histoire, il a remercié Angela Merkel et François Hollande de leur présence. Assis côte à côte, ceux-ci se sont alors dressés, ont joint leurs mains haut levées et ont salué. Même les plus blasés des spectateurs avaient alors la larme à l’œil. On a entendu ensuite deux vigoureux plaidoyers des présidents van Rompuy et Barroso, le premier exaltant les valeurs de l’Europe et la fierté d’être européen, le second soulignant la spécificité d’une Union supranationale. Aux sceptiques, aux moqueurs, répondons que rendre hommage à une grande et noble entreprise n’empêche pas d’en déplorer les insuffisances. Le grand malheur de l’Union est d’être au milieu du gué, d’avoir suscité d’immenses attentes suivies d’immenses déceptions dues parfois à des erreurs humaines mais le plus souvent au refus des Etats membres de laisser émerger un pouvoir commun ayant sa propre légitimité. Face aux défis auxquels l’Europe est confrontée, l’expérience prouve que la coopération entre Etats souverains ne suffit pas. Telle est la leçon de ce prix Nobel.

07 décembre 2012

Plus jamais ça !

Paris. 7 décembre. Voici l’appel que j’adresse aux diverses associations européennes à propos de la commémoration de la guerre de 1914. J’espère l’appui des lecteurs de ce blog ! Le cri des poilus de 14-18 « plus jamais çà ! » a été démenti par une paix de revanche qui a conduit au deuxième conflit mondial. Alors que l’attribution à l’Union européenne du prix Nobel de la Paix suscite, hélas, plus d’ironie que d’enthousiasme, les mouvements et associations qui militent pour la réconciliation des peuples et la construction d’une Europe unie lancent un appel unanime afin que les commémorations de la guerre de 1914 fassent une large place à la dimension européenne. Rappeler aux nouvelles générations les souffrances inouïes endurées par les combattants ne suffit pas. Encore faut-il souligner le contraste entre un premier après-guerre marqué par la persistance de la méfiance entre Européens et la vision prophétique des initiateurs, quelques années seulement après la fin des hostilités, de la politique de construction d’une Europe unie. La paix entre les peuples européens dont nous jouissons depuis plus de soixante ans n’est pas due seulement à la Communauté, devenue l’Union européenne, mais qui pourrait de bonne foi contester la contribution que ses institutions et ses politiques y ont apporté, ne serait-ce que par la multiplication des rencontres à tous les niveaux qu’ont provoqué la définition et la mise en œuvre de politiques communes. Les difficultés engendrées par la crise économique et sociale que traverse l’Union sont une raison de plus de mettre à profit les commémorations du premier conflit mondial pour rappeler que la réponse au cri des poilus de 14-18 ne pouvait être durablement garantie que par la prise de conscience du destin commun qui unit désormais les peuples européens. C’est pourquoi, il ne suffira pas de veiller à bannir des commémorations tout ce qui pourrait ranimer des braises mal éteintes. Il importe de prévoir des occasions de rencontres entre les descendants de ces millions de jeunes Européens qui payèrent le prix très lourd et très injuste de l’aveuglement nationaliste de dirigeants qui « n’avaient pas voulu çà ». Les bonnes commémorations sont celles qui, tout en honorant le passé, sont tournées vers l’avenir.

23 novembre 2012

Le mensonge du désendettement

Paris, 23 novembre. L’objectif consistant à ramener le déficit public à 3 % du produit intérieur est généralement considéré comme rigoureux et sans doute inatteignable. Or la plus simple arithmétique montre qu’en l’absence de croissance, un déficit de 3 % entraîne un supplément d’endettement d’un pourcentage équivalent du pib. C’est dire que nous pouvons tout au plus espérer un ralentissement mais non une réduction de notre endettement. Autrement dit l’objectif de 3 % n’est rigoureux que par rapport aux errements antérieurs. Ce qui rend pénible la réduction modeste du déficit imposée par l’Europe, c’est l’insuffisance des financements européens disponibles pour l’investissement. Que l’Europe nous contraigne à réduire nos dépenses courantes en faisant la chasse aux gaspillages, aux doubles emplois, aux complications inutiles, fort bien. Mais veillons à maintenir l’effort de recherche, d’innovation et d’investissement dont dépend l’avenir, un effort d’autant plus fructueux qu’il sera collectif. C’est à cette aune et non à celle des bilans nationaux en versements et retours qu’il faudrait juger les débats du Conseil européen sur le budget de l’Union.

19 novembre 2012

Humanisons l'euro

Paris, 19 novembre Notre monnaie européenne s’apprête à revêtir de nouveaux habits. Cette opération devrait permettre d’en finir avec les éléments d’architecture anonymes souvent considérés comme symbolisant une Union technocratique et en quelque sorte désincarnée. Plusieurs choix sont possibles. Le plus facile qui semble aussi le plus probable est celui du visage de la déesse Europe telle que se la représentaient les anciens Grecs. Encore se limiterait-il au billet de 5 euros. Plusieurs autres choix illustreraient mieux le lien entre la monnaie commune et le grand dessein européen. Le recours aux lieux emblématiques des principales métropoles européennes serait plus attrayant que les architectures anonymes d’aujourd’hui. Serait-ce illustrer davantage les nations membres de l’Union plutôt que l’Union elle-même ? Mais que serait l’Union sans ses grandes cités ? Des esprits chagrins observeraient que la fonction des billets de banque n’est pas de composer un atlas touristique. Autre question, le choix des sites ou monuments retenus. C’est la difficulté d’opérer un choix qui avait conduit à la médiocre solution des architectures anonymes. Une autre solution propre à illustrer l’histoire de l’Union consisterait à rendre hommage aux personnalités qui ont été à l’origine des premières Communautés européennes. Aux sept coupures (5, 10, 20, 50, 100, 200, 500 €) pourraient correspondre la liste généralement reconnue des sept pères de l’Europe, l’Allemand Conrad Adenauer, le Luxembourgeois Joseph Bech, le Néerlandais Johan-Willem Beyen, l’Italien Alcide de Gasperi, les Français Jean Monnet et Robert Schuman, le Belge Paul-Henri Spaak. Leurs visages symboliseraient la paix durable enfin consolidée sur le continent par la recherche de l’intérêt commun et l’édification d’un ordre juridique supranational. Une autre option consisterait à illustrer nos nouveaux billets par les images de quelques grandes figures de l’humanisme européen. Viennent à l’esprit les noms de Dante Alighieri, d’Erasme, de Cervantès, de Shakespeare, de Copernic, de Goethe, de Hugo, liste donnée à titre d’exemple et composée en vue d’une représentation des principales aires culturelles de notre continent. Le renouvellement des billets devant s’étaler dans le temps, l’ordre dans lequel apparaitraient les visages des grands hommes pourrait être déterminé par tirage au sort. Cette procédure conviendrait également si prévalait l’option en faveur de sites ou de monuments. Avant d’opérer un choix entre ces diverses solutions, la Banque centrale devrait procéder à de vastes consultations, y compris à des sondages d’opinion précédés par des débats dans les médias. Depuis la plus haute Antiquité, la monnaie a été porteuse de symboles. Au moment où l’Europe traverse une crise qui l’amène à douter d’elle-même, il serait dommage que soit négligée l’occasion d’offrir à ses peuples des signes d’unité et d’espoir.

09 novembre 2012

Des symboles pour l'euro

Paris, 9 novembre. Il parait que la Banque centrale européenne se prépare à émettre de nouvelles coupures sur lesquelles la figure mythologique de la nymphe Europe remplacerait les architectures abstraites des actuels billets. Progrès sans doute bien qu’un appel à la mythologie suscitera sans doute les mêmes quolibets des europhobes. On sait comment le choix de faire figurer des ponts et des portes anonymes sur les billets a été considéré comme le parfait symbole d’une construction technocratique. Dessiner de nouveaux billets pourrait être l’occasion de familiariser le grand public avec quelques unes des figures de l’humanisme européen. On verrait bien Erasme, Dante, Cervantès, Copernic, Goethe, Hugo et même Copernic et Shakespeare, pour ne pas insulter l’avenir et rappeler aux Anglais cette européanité qu’ils renient aujourd’hui. Le choix serait difficile mais une rotation pourrait être prévue. Une autre formule plus audacieuse et qui ne me déplairait pas consisterait à rendre hommmage aux pères de l’Europe communautaire : Monnet, Schuman, Adenauer, Gasperi, Spaak. Pourquoi Mario Draghi qui a fait preuve de courage dans sa gestion de l’euro ne se montrerait-il pas audacieux dans le choix des symboles ?

05 novembre 2012

Un Exécutif politique pour l'UE

Platier, 5 novembre. L'une des causes principales de faiblesse de l'UE est l'absence d'un Exécutif politique reconnu à l'intérieur et à l'extérieur. Le saut fédéral nécessaire pour assurer la pérennité de la monnaie unique et au delà celle de la construction européenne consistera d'abord à doter l'UE d'un Exécutif mandaté directement ou indirectement par les peuples d'Europe. Après Angela Merkel, Tony Blair vient de se prononcer pour l'élection d'un préssident de l'UE au suffrage universel. En attendant ce pas décisif, une première étape pourrait consister à fusionner les présidences de la Commission et du Conseil européen, réforme ne nécessitant pas un nouveau traité. L'étape suivante devrait mettre fin à la dérive qui a fait de la Commission une doublure du comité des représentants des Etats. Il appartiendrait au président de l'Union de choisir un nombre retreint de vice-présidents de nationalité différentes mais choisis en foncction des compétences, chacun coiffant un ou plusieurs départements ministériels. Si l'élection directe était retenue, il serait intéressant de réfléchir à la possibilité de soumettre aux électeurs non des candidatures individuelles mais celles d'équipes plurinationales, ce qui permettrait une campagne électorale plurilingue et une représentation au sommet de la diversité européenne. Autre formule plus classique mais moins participative, l'élection de l'équipe exécutive par le Parlement.

26 octobre 2012

L'actualité européenne

Paris, 26 octobre. Voici le résumé de l'exposé que j'ai présenté aux membres du club Europe d'ARRI le 15 octobre. Ce texte sera prochaineent publié dans Regards sans frontières. L’actualité européenne Octobre 2012 Contrairement aux espoirs des uns et aux craintes des autres, l’euro a passé l’été. La décision de la BCE de se porter acquéreur sans limites de titres de dettes d’Etats en difficulté ayant adopté des plans de retour à l’équilibre ont conduit à une baisse des taux. Les juges de Karlsruhe ont validé la création du Mécanisme européen de stabilité. Onze Etats se sont déclarés prêts à adopter le projet de taxe sur les transactions financières. Les électeurs néerlandais ont été défavorables aux eurosceptiques. Le Parlement français vient de ratifier le traité qui impose le retour à l’équilibre budgétaire. Une union bancaire qui confiera la supervision des banques à la BCE est programmée. Enfin, cerise sur le gâteau, l’UE a reçu le prix Nobel de la paix pour sa contribution à la réconciliation des peuples et à la consolidation de la démocratie. Ces bonnes nouvelles ne signifient pas que la crise des dettes soit terminée. Devenue symbole de contraintes, l’Europe cumule dans l’opinion l’amertume des pourvoyeurs et celle des bénéficiaires de sa solidarité. Le nouveau « traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance » marque une étape en direction d’une véritable union économique. Mais il ne suffira pas à résoudre le problème de compétitivité qui affecte plusieurs pays dont la France et ne réduira pas, du moins dans l’immédiat, le poids social lourd imposé aux pays déficitaires. Il confirme, précise et formalise l’engagement des Etats à respecter la règle (d’or) de l’équilibre budgétaire, le déficit structurel ne devant pas dépasser 0,5% du produit intérieur. L’application des sanctions qui avait été éludée naguère par la France et l’Allemagne sera quasi-automatique, seule une décision positive du Conseil pouvant y faire obstacle. La définition du déficit structurel corrigé des variations conjoncturelles, de même que l’exception pour circonstances exceptionnelles laissent une certaine marge d’appréciation. Il s’agit d’un traité interétatique qui entrera en vigueur quand douze Etats membres de la zone euro l’auront ratifié. Le Royaume-Uni et la République tchèque, en refusant de le signer, ont pris le risque de la marginalisation. Un « sommet de l’euro » se réunira au moins deux fois par an. Y participeront les présidents de la Commission et de la BCE, Les Etats signataires « autres que ceux dont la monnaie est l’euro » seront associés aux délibérations relatives aux règles fondamentales de la zone ou à la compétitivité. La ratification du traité a donné lieu à un triple débat : priorité à la solidarité ou à la discipline, priorité à l’équilibre ou à la croissance, union politique fédérale ou réformes limitées. Ce débat divise la majorité et l’opposition, tout comme il oppose la France et l’Allemagne. Les uns voient dans le retour à l’équilibre la condition d’un rétablissement de la confiance, les autres redoutent que les politiques restrictives ne provoquent une récession qui rendrait plus difficile le retour à l’équilibre. Cependant des signes apparaissent – déclaration de Mme Lagarde au nom du FMI et même de Mme Merkel -- d’une crainte au sujet d’un cercle vicieux déflationniste. Un étalement des plans de retour à l’équilibre est envisagé pour la Grèce. Il pourrait bénéficier à d’autres pays si le risque de récession se confirmait. La France devrait néanmoins se montrer prudente. Tout geste pouvant être interprété comme un retour au laxisme pourrait la priver des conditions d’emprunt très favorables dont elle jouit présentement. Le débat principal demeure sur l’avenir de la construction européenne. La France ne pourra rester longtemps silencieuse face aux initiatives allemandes en forme de ballons d’essai en faveur d’une Europe politique disposant d’un Parlement aux pouvoirs renforcés, d’une Cour suprême, voire d’un président élu au suffrage universel. Telle est, aux yeux des Allemands, la condition d’une solidarité renforcée. Les deux présidents, van Rompuy et Barroso, vont contribuer au débat. Barroso a repris à son compte la formule, en forme d’oxymore, de la fédération d’Etats-nation de Delors. On prête à van Rompuy le projet d’un budget propre à la zone euro. La différenciation en deux ou plusieurs cercles va dominer les débats à venir d’autant que Cameron vient de faire connaître son intention de définir une relation nouvelle du RU avec l’UE qui permettrait à ce dernier de continuer à bénéficier du marché unique en s’exonérant de toute contrainte, le nouvel accord étant soumis à référendum. Ne vaudrait-il pas mieux, dans ces conditions, proposer aux Britanniques un statut d’associé sur le modèle norvégien éventuellement accompagné d’un partenariat sur la défense et les armements ? Au regard de la crise des dettes, les autres aspects de l’actualité européenne paraissent secondaires. Lors d’une rencontre à Bruxelles, les autorités européennes ont fait preuve d’une certaine fermeté face au premier ministre chinois. Face à la guerre civile syrienne et à ses horreurs, à la prise de contrôle du nord-Mali par les fanatiques d’Al Qaïda, aux menaces de conflit entre Israël et l’Iran, l’UE n’apparait pas comme un acteur. L’échec du projet de fusion entre EADS et BAE vient d’apporter une nouvelle démonstration du primat actuel des intérêts nationaux sur l’intérêt commun. Il en sera ainsi tant qu’elle ne disposera pas d’une autorité commune reconnue comme légitime à l’intérieur et à l’extérieur. L’Europe politique a fait l’objet de travaux au sein d’un groupe composé d’une dizaine de ministres des Affaires étrangères présidé par le ministre allemand Westerwelle auxquels, jusqu’à présent, les partis et les médias français n’ont guère porté intérêt. Un soutien populaire à plus d’intégration suppose une sortie de crise concomitante qui lui soit liée. L’attribution du prix Nobel à l’UE a utilement rappelé les objectifs fondamentaux de la construction européenne occultés aux yeux de certains par la crise. La question aussitôt posée du récipiendaire souligne une fois de plus à quel point manque un visage à l’Europe.

15 octobre 2012

A propos du Nobel

Paris, 15 octobre. Quel bonheur ! Tel est le message reçu d’un ami belge. Il exprime en deux mots le sentiment de tous ceux qui ont placé leurs espoirs dans le grand dessein européen et se désolent de le voir trop souvent incompris, notamment par ceux qui confondent le caractère novateur du principe supranational et le contenu des politiques. On peut admirer l’effort pour dépasser les intérêts nationaux et contester des politiques qui demeurent encore trop prisonnières des intérêts particuliers de chacun. Autre question que nous pose ce prix Nobel : qui prononcera le discours de réception à Oslo ? Quand nos Etats se décideront-ils à doter l’UE d’un représentant légitimé par le suffrage des peuples ?

07 octobre 2012

Que signifie un saut fédéral?

Paris, 7 octobre. Je viens de publier dans la revue Fédéchoses l’article ci-dessous en vue de répondre à quelques-unes des questions que poserait un saut fédéral européen, notamment en ce qui concerne le statut du Royaume-Uni. Questions sur le fédéralisme Le texte suivant de Robert Toulemon sera sa contribution aux Assises du fédéralisme que se proposent d’organiser le Mouvement européen et l’Union européenne des fédéralistes. L’aggravation de la crise, le retard et l’insuffisance des mesures destinées à la combattre ont convaincu l’opinion éclairée de la nécessité d’un « saut fédéral » à défaut duquel un éclatement de la zone euro avec les conséquences dramatiques que l’on imagine deviendrait possible, sinon probable. Longtemps tabou en France, le fédéralisme est en passe de devenir une sorte de panacée, de remède-miracle d’autant plus séduisant que sa signification demeure imprécise. Tâchons donc d’expliciter les questions que poserait ce saut fédéral destiné, selon ses promoteurs, non seulement à résoudre la crise, (une sortie par le haut) mais à permettre une relance de la construction européenne dans ses divers aspects. Ces questions me paraissent être celles des compétences, de la démocratisation et de la différenciation. I . Compétences. Le principe fondamental du fédéralisme est la répartition des compétences étatiques entre différents niveaux de gouvernement. Selon une expression prêtée à Brugmans fondateur du collège de Bruges, nous avons institué en Europe « un fédéralisme à l’envers », attribuant à la Communauté, devenue l’Union, des compétences, par exemple en matière d’agriculture, qui auraient pu rester au niveau des Etats, voire des régions, mais la privant des attributions qui sont généralement les premières à être dévolues aux fédérations, à savoir la politique étrangère et la défense. Ces questions ne sont pas ignorées par les traités mais les modes de décision prévus interdisent toute effectivité, en dépit de la création récente d’un Haut Représentant, vice-président de la Commission, et du service diplomatique, dit d’action extérieure, dont il dispose. De même, l’Agence européenne de défense dont le rôle pourrait être décisif dans la mise en commun des budgets de recherche ne dispose ni de compétences opérationnelles, ni de moyens budgétaires. Il est significatif qu’une fonction fédérale par nature, la surveillance de la frontière extérieure de l’Union, demeure confiée aux services nationaux de police et de douane, sans que l’agence Frontex se soit vue dotée des attributions et des moyens qui lui seraient nécessaires pour assurer une surveillance effective et homogène. En cette matière, l’état d’esprit des peuples et des gouvernements compte autant, sinon plus, que les textes. Il est clair que les gouvernements ne sont pas prêts à reconnaître une quelconque prééminence à une autorité commune et à se plier à des décisions majoritaires. Pour les peuples, la réticence est moins claire si l’on en croit les sondages. Du moins peut-on penser qu’une personnalité dotée d’un mandat démocratique incontestable pourrait obtenir une large adhésion à une politique étrangère fondée sur des principes communs à nos démocraties. Jusqu’à présent, il est question d’union économique, budgétaire, bancaire, ces unions étant plus ou moins acceptées au sein de la zone euro, d’union fiscale ou sociale, ces deux dernières encore contestées. On use aussi du terme plus englobant d’union politique sans que cette notion paraisse devoir s’étendre à la politique étrangère et à la défense. Or la solidarité nécessaire pour sauver l’euro et sortir de la crise demeurerait précaire si elle ne s’accompagnait pas d’un progrès significatif dans ces domaines. Une Union qui se limiterait à l’économie ne saurait justifier le qualificatif de politique. La première tâche de lady Ashton et de ses services devrait être de délimiter les domaines dans lesquels la compétence de l’UE pourrait être prépondérante, afin que la notion de destin commun corresponde à un projet en cours de réalisation. Une Europe qui affirmerait ainsi son unité sur la scène du monde retrouverait la confiance, celle de ses citoyens comme celle du reste du monde, qui lui font cruellement défaut aujourd’hui et sans lesquelles son redressement serait aléatoire. II. Démocratisation. La faiblesse principale de l’UE résulte de l’illisibilité de son système institutionnel. Jean-Louis Bourlanges n’a pas tort de contester le déficit démocratique d’institutions fondées sur le suffrage universel, si indirect qu’il soit. La Commission, si souvent caricaturée comme un monstre technocratique, est investie par un vote du Parlement qui peut la censurer. Déficit démocratique, non, mais déficit de visibilité, oui. C’est pour remédier à cette carence que des voix se sont récemment élevées, y compris celle de la Chancelière Merkel, pour proposer l’élection du président de la Commission au suffrage universel. Cette prise de position qui est aussi celle de la CDU n’a suscité de la part des autorités françaises, de Sarkozy comme de Hollande et de leur entourage, qu’un silence prudent sinon embarrassé. Quelques audacieux, notamment le commissaire Barnier, le sénateur Arthuis, l’un et l’autre ancien ministre, ont proposé, comme étape intermédiaire, l’élection d’un président unique (Conseil européen et Commission) par un collège ou congrès réunissant parlementaires européens et nationaux. Un membre britannique et fédéraliste du Parlement, le libéral-démocrate Andrew Duff a mené campagne, jusqu’ici, hélas, sans succès, pour qu’une fraction des députés européens soient élus sur des listes transnationales, ce qui contribuerait à animer un débat démocratique au niveau de l’Union et obligerait les partis à présenter des programmes intégrés. Curieusement, la disposition la plus contraire aux principes démocratiques qui existe aujourd’hui dans l’Union, à savoir la composition de la Commission suivant la règle non écrite mais ancrée dans les mentalités d’ un commissaire par Etat membre, sans considération de l’effectif des populations, demeure en dehors du débat. Selon le traité de Lisbonne, le nombre des commissaires devait être progressivement réduit suivant une rotation égalitaire. Cette disposition au demeurant irréaliste car elle aboutissait à garantir en permanence un commissaire à l’un des trois Etats baltes mais pas à l’Allemagne ou à la France a été abandonnée de facto pour garantir aux Irlandais qu’ils ne seraient jamais privés du droit de désigner un commissaire. Il n’est qu’un moyen raisonnable de régler ce problème : laisser au président le soin de choisir une quinzaine de collaborateurs sur la seule base des compétences et de la nécessité d’obtenir l’accord du Parlement sur la composition du collège. Une autre question jamais évoquée se poserait si l’hypothèse d’une élection au suffrage universel devait être retenue. Ne serait-il pas conforme à la diversité européenne, notamment linguistique, de faire élire non pas un personnage solitaire mais une équipe ayant à sa tête, non un président à la française, mais un primus inter pares ? On voit mal en effet un seul homme ou une seule femme faire campagne dans une trentaine de pays parlant différentes langues. En attendant qu’une réforme aussi audacieuse soit possible, les partis de gouvernement devraient, comme Delors l’a depuis longtemps proposé, présenter leur candidat à la présidence de la Commission avant les prochaines élections européennes. III. Différenciation. L’hétérogénéité des Etats membres telle qu’elle résulte des derniers élargissements plaide en faveur d’une différenciation dans l’intégration qui traduit aussi la diversité des attentes. La suppression des contrôles aux frontières et plus encore l’union monétaire ont déjà dessiné plusieurs zones d’intégration plus avancée. Le projet d’une Union plus restreinte qui se construirait en dehors de la grande Union est parfois envisagé. Le mémorandum Schaüble – Lamers de 1994 allait dans ce sens. M. Giscard d’Estaing vient de relancer un projet analogue. La formule des deux Unions rencontre de fortes objections. Celle d’abord de diviser l’Europe en deux zones alors que les critères de différenciation sont multiples. Celle ensuite de ne pas faire de distinction entre le vouloir et le pouvoir. Le Royaume-Uni n’a aucune intention d’adopter un jour la monnaie commune alors que la Pologne y aspire. On imagine enfin la complexité des négociations qui seraient nécessaires pour établir des relations harmonieuses entre les deux Unions et leurs institutions. Aussi parait-il à la fois plus conforme à l’idéal européen d’unité et au réalisme politique de rationaliser la différenciation suivant les volontés et les capacités de chacun. Les difficultés n’en seront pas moins considérables dès lors que certains Etats, Royaume-Uni en tête, récusent tout fédéralisme. Une solution pourrait consister à admettre au Parlement et au Conseil, devenu Chambre des Etats dans un système bicaméral, un droit de participation à la délibération sans droit de vote dans les matières faisant l’objet de dérogations. Plus difficile d’imaginer un tel système à la Commission dont les membres ne sont pas censés représenter leurs Etats d’origine. Le choix des Commissaires par le Président en fonction des compétences faciliterait les choses. Demeure l’éventuelle élection de l’Exécutif au suffrage universel dont on voit mal aujourd’hui comment elle pourrait faire l’objet d’un accord général. Il est vraisemblable qu’une volonté forte d’une majorité d’Etats d’aller de l’avant face à la résistance d’une minorité pourrait conduire au départ volontaire des minoritaires assorti d’accords leur préservant leur appartenance au marché unique, statut dont bénéficient et dont se satisfont la Norvège, le Liechtenstein et dans une large mesure la Suisse. L’adoption du traité budgétaire sans le Royaume-Uni et la République tchèque marque un pas dans cette direction. Si peu désireux qu’ils soient de le franchir, le saut fédéral pourrait bien être, pour les gouvernements, l’ultime chance de sauver l’euro et, avec la monnaie commune, la forme d’intégration la plus avancée à laquelle ils soient parvenus. Ce serait aussi le moyen de restaurer, en Europe et dans le monde, la confiance aujourd’hui défaillante, dans le projet européen.

26 septembre 2012

Une vision de l'Europe sans la France

Paris, 26 septembre. Le dernier numéro de the Economist daté 22, 28 septembre nous apprend dans sa rubrique Charlemagne qu’un groupe composé d’une dizaine de ministres des affaires étrangères se réunit depuis plusieurs mois sur le thème de l’avenir de l’Europe. Les ministres allemand et polonais qui semblent jouer un rôle de leader dans ce groupe ont fait connaître leur vision. Elle comprend un président de l’Europe élu, un ministre des affaires étrangères européen, une police commune des frontières et même une armée européenne. The Economist précise que le Royaume-Uni n’a pas été invité mais ne dit rien d’une participation française à ce groupe. Il ironise sur ces travaux comme sur ceux du groupe des quatre présidents Barroso, Van Rompuy, Draghi et Juncker. Il est cependant de plus en plus clair que le moment d’un choix décisif approche : saut fédéral ou dislocation. Quand les Français en prendront-il conscience ?

09 septembre 2012

Draghi, seule autorité fédérale.

Platier, 9 septembre. La décision du Conseil de la Banque Centrale, prise à la majorité contre l’avis de son membre allemand, le gouverneur de la Buba, de rachat illimité de titre de dettes des pays en difficulté en contrepartie de mesures d’assainissement de leurs finances publiques et de réformes de structure donne l’exemple de ce que devrait être la gouvernance d’une Union qui ne limiterait pas le fédéralisme à la politique monétaire. Si grande soit son autorité, le président de la BCE ne peut se substituer aux institutions communautaires pour compléter la nécessaire rigueur budgétaire, qui ne devrait pas être générale, par des mesures en faveur de la croissance. Un gouvernement européen digne de ce nom imposerait un assainissement budgétaire progressif aux pays les plus endettés mais imposerait aux autres, notamment à l’Allemagne, un desserrement de leur propre rigueur, en même temps qu’un pas en direction du fédéralisme fiscal et bancaire, en attendant la mutualisation des dettes nouvelles. Qu’attendons-nous pour prendre au mot les propos de Mme Merkel sur l’Union politique ? Le dogme d’une rigueur non différenciée, sans la contrepartie d’un programme européen massif d’innovation et d’économie énergétique, défendu par l’Allemagne, est aujourd’hui minoritaire en Europe. Ce dogme ne peut qu’accentuer les frustrations mutuelles qui minent en profondeur l’idée européenne. C’est pourquoi la ratification du traité budgétaire devrait être un point de départ et non un point d’arrivée.

30 août 2012

Quelle stratégie européenne ?

Platier, 30 août. Depuis mon dernier message « l’été de tous les dangers » daté par erreur du 29 août (au lieu du 29 juillet), l’euro s’est consolidé mais l’avenir demeure incertain, en l’absence de tout progrès vers cette union politique dont la nécessité est plus facile à définir que le contenu. On attend, avec une impatience croissante, de connaître la stratégie européenne du nouvel Exécutif français. Se limiter à une invocation à la croissance, fut-elle collective, mais non accompagnée de mesures pratiques ne mènerait pas loin. Les questions qui attendent des réponses ne manquent pas. Comment organiser et renforcer la zone euro sans casser l’Union ? Quel statut proposer aux Etats désireux de rejoindre l’euro et à ceux qui le rejettent ? Dans quel cadre définir et mettre en œuvre les nouvelles règles destinées à prévenir de nouveaux abus bancaires ? Comment faire franchir un nouveau pas à la mutualisation des ressources vouées à la recherche, y compris dans le domaine des armements ? Comment faire évoluer dans cette direction le budget de l’UE ? Comment renforcer le poids des Européens dans une Alliance atlantique vouée davantage à la défense collective de la démocratie qu’à celle d’un espace stratégique ? Comment doter l’Union d’un Exécutif visible et ressenti comme légitime ? Comment préparer les prochaines échéances démocratiques (élections européennes de 2014 et désignation d’une nouvelle Commission) de façon qu’elles marquent un progrès du sentiment d’appartenance à l’Union plutôt qu’une nouvelle vague d’euroscepticisme ?

29 juillet 2012

L'été de tous les dangers

Platier, 29 août. La volonté des gouvernements de sauver l’euro ne fait pas de doute. Mais les solutions envisagées jusqu’à présent consistent à compenser une solidarité politique insuffisante par un excès de rigueur dans le retour à l’équilibre des pays en déficit. Paradoxalement, les marchés font payer aux Européens leur manque d’unité politique, y compris en politique étrangère (voir la Syrie), leur incapacité à se présenter et à se comporter comme une entité solidaire. Le coût de l’aide aux pays en difficulté, hier la Grèce, l’Irlande et le Portugal, aujourd’hui l’Espagne et l’Italie est d’autant plus élevé que l’Union ou la zone euro ne sont pas vues comme des entités véritablement unies et solidaires. Il en est de même pour les pays bénéficiaires de l’aide. Les conditions dont l’aide est assortie sont telles que, loin d’éprouver un sentiment de reconnaissance, les populations des pays bénéficiaires se ressentent comme des victimes. Ce n’est pas ainsi que l’on fera progresser l’europhilie ! Maigre consolation pour les vieux militants fédéralistes de l’Europe unie, l’éclatante démonstration de la supériorité de l’intégration sur la simple coopération dont la devise est trop peu et trop tard.

13 juillet 2012

Le spectre d'une Europe sans les Britanniques (lettre au Monde)

Platier, 13 juillet. En première page du Monde daté du 13 juillet, la chronique d’Alain Frachon exposant la stratégie de Cameron – le marché unique et rien de plus – est annoncée sous le titre « le spectre d’une Europe sans les Britanniques ». Nombre de vos lecteurs se demanderont pourquoi qualifier de spectre une évolution dont il convient de se réjouir. Jusqu’à une date récente, Londres s’opposait à tout progrès de l’intégration européenne et multipliait les exigences de dérogations, tout en prétendant demeurer un partenaire central de l’UE. Ne vaut-il pas mieux voir les Britanniques admettre qu’une « union de plus en plus étroite » ne le intéresse pas, dès lors qu’ils ne s’opposent pas aux progrès de l’intégration au sein de la zone euro et même les encouragent ? C’est à bon droit que François Hollande a parlé à Londres d’Europe à plusieurs vitesses. Encore faudrait-il qu’il s’entende avec Angela Merkel pour tracer les contours de ce que devrait être une Europe de la première vitesse où discipline et solidarité seraient assurées par la mise en commun des souverainetés.

05 juillet 2012

Un premier pas

Platier, 5 juillet. Les accords conclus à Bruxelles dans la nuit du 29 au 30 juin ne constituent qu’un premier pas en direction d’une sortie de crise durable assurant la pérennité de l’euro et de l’UE. Les deux décisions majeures sont l’acceptation d’un contrôle supranational des budgets nationaux et la promesse d’une union bancaire fédérale sous l’égide de la Banque centrale. Les questions qui restent posées sont multiples. 1. Les mesures de relance prévues seront-elles suffisantes pour éviter aux pays endettés de s’enfoncer dans le cercle infernal de la récession et du déficit ? 2. Comment assurer durablement, sans mutualisation de la dette, la réduction de l’écart qui sépare les taux exigés par les prêteurs des différents pays de la zone euro ? 3. Comment obtenir le soutien des opinions publiques aussi bien des pays créanciers que des pays débiteurs pour ce saut d’intégration que nous impose la crise ? La troisième question est la plus importante. C’est celle d’une union politique qui, pour être durable, doit être désirée et non imposée.

12 juin 2012

La démocratie en France et en Europe

Platier, 12 juin. La dissociation dans le temps des élections présidentielles et législatives ne se justifie plus après le raccourcissement du mandat présidentiel. Il en résulte une paralysie du pouvoir et une abstention massive. Fixer aux même dates les deux tours des deux élections nous ferait économiser temps et argent et n’augmenterait pas le risque de cohabitation. On trouvera ci-dessous un extrait d’une note que j’ai adressée hier à Jean-Marie Cavada, président du Mouvement européen, en vue d’un colloque en préparation sur le fédéralisme. L’Allemagne et la France doivent clarifier leur projet pour l’Europe. A de multiples reprises, des responsables allemands du plus haut niveau, Lamers et Schaüble en 1994, Fischer en 2000, de nouveau Schaüble et la chancelière tout récemment ont évoqué le projet d’une union politique limitée à un cercle limité de pays ayant la volonté et la capacité de participer à une fédération. Le caractère non officiel de ces avances ou leur prétendue contradiction avec la jurisprudence de la Cour de Karlsruhe sont invoquées chez nous par ceux qui, refusant le saut du fédéralisme, ne tiennent pas à engager un débat sérieux sur ce thème avec Berlin. Déjà en 1994, il eut été judicieux de parler aux Allemands de fédéralisme budgétaire. Aujourd’hui le thème s’impose au point que le fédéralisme est en voie d’être assimilé à une austérité imposée par l’Allemagne pour prix de sa solidarité. Suivant le cadre politique dans lequel il se situera, le compromis nécessaire pour sauver l’euro apparaîtra comme un diktat allemand ou comme une étape décisive vers une Europe plus intégrée et plus démocratique. Le thème de la démocratisation est le seul qui permette de lutter contre l’euroscepticisme Les sondages d’opinion sont unanimes. Bien qu’elle manque de visibilité médiatique, l’institution européenne préférée des citoyens est le Parlement. Donner une meilleure publicité aux travaux du Parlement, obliger les partis de gouvernement à présenter des programmes intégrés en même temps que leur candidat à la présidence de la Commission, mettre en valeur les avancées obtenues au sein du Parlement dans des domaines intéressant les citoyens, par exemple la règlementation des produits chimiques, celle des services, plus récemment celle des banques sont des impératifs majeurs. Le projet à plus long terme d’un Exécutif élu au suffrage universel a été récemment mis à l’ordre du jour en Allemagne, lors du congrès de Munich de la CDU et dans plusieurs déclarations de la Chancelière et de son ministre des Finances. Plutôt qu’affecter de ne pas prendre au sérieux ce projet, il vaudrait la peine d’en discuter, ne serait-ce que pour identifier les difficultés à surmonter pour lui donner la crédibilité politique et juridique qui lui manque aujourd’hui. A titre d’exemple, ce président élu serait-il une personne seule ou le chef d’une équipe collégiale, formule qui parait mieux adaptée à la diversité européenne et notamment aux impératifs d’une campagne électorale en plusieurs langues ? Quel rôle les gouvernements nationaux seraient-ils disposés à lui consentir dans la définition et la mise en œuvre de la politique étrangère et de défense de l’UE et dans sa représentation sur la scène mondiale ? Quelle articulation envisager entre cet Exécutif et les institutions de la plus grande Union ? Plus fondamentalement une coexistence entre une Union fédérale et la plus grande Union est-elle envisageable ?

30 mai 2012

Observatoire de l'Europe

Paris, 30 mai Ci-dessous les notes de mon "observatoire de l'Europe" présenté hier au club Europe d'ARRI. Sortir de la crise par le haut L’élection de François Hollande coïncide avec une sensible aggravation de la crise européenne. Crise des dettes plutôt que crise de l’euro qui demeure une monnaie forte, encore légèrement surévaluée. Crise d’une union monétaire privée du support d’une union économique, budgétaire, fiscale et politique. La volonté de compléter les politiques de retour à l’équilibre budgétaire par un soutien à la croissance est unanime. Mais il existe un profond désaccord sur la nature de ce soutien. Pour la chancelière allemande, la croissance doit être recherchée par des mesures améliorant la compétitivité et libérant la concurrence. Il ne saurait être question d’augmenter un endettement déjà excessif ou de le mutualiser, ce qui aurait pour effet de renchérir le taux auquel l’Allemagne finance son propre déficit (zéro) et surtout de réduire la pression en vue du retour à l’équilibre. Pour le nouveau président français, la réduction des déficits serait impossible sans croissance. Cercle vicieux. Plutôt que des réformes structurelles ou des réductions de dépenses impopulaires, il propose le recours à la capacité d’emprunt de l’Union, sinon pour mutualiser les dettes anciennes, du moins pour financer des investissements. Des projects bonds pourraient accélérer le développement des différents réseaux de transport et de communication, des programmes d’économie d’énergie ou de lutte contre les émissions de CO2. Des formules de compromis sont possibles. L’augmentation du capital de la BEI qui lui permettra d’accroître le volume de ses opérations mal connues mais très utiles semble acquise. Un groupe de conseillers économiques du gouvernement de Berlin a proposé une mutualisation partielle des dettes qui allègerait la charge des pays en difficulté. En revanche, le recours à la BCE pour financer directement les Etats se heurte à un tabou majeur en Allemagne. Un autre motif d’irritation à l’égard de la politique allemande est en voie d’atténuation. En encourageant une hausse sensible des salaires et l’inflation, certes contrôlée qui en résultera, en envisageant la création d’un salaire minimum, l’Allemagne contribue au rééquilibrage des échanges au sein de la zone euro. Ce différend franco-allemand se greffe sur le problème posé par l’incapacité de la Grèce de mettre en œuvre le plan de rigueur qui lui a été imposé. Il est difficile de faire la part des responsabilités dans cette crise. Les dérapages grecs ont été facilités par le refus de l’Allemagne et de la France d’autoriser la Commission à enquêter en Grèce, ainsi que vient de le rappeler Romano Prodi. Les réformes tendant à doter l’Etat grec des structures qui lui manquent ne peuvent donner de résultats à court terme. Encore faudrait-il qu’elles soient entreprises avec détermination ce qui ne parait pas être le cas. On peut regretter que la troïka (Commission, Banque centrale, FMI) ait davantage mis la pression sur des mesures d’extrême austérité pesant principalement sur les salariés, plutôt que sur des réformes qui, à terme, devraient permettre une répartition plus équitable des sacrifices. La raison voudrait qu’un nouvel effort de solidarité soit consenti en faveur des Grecs mais conditionné à la mise en œuvre des réformes. Le scrutin du 17 juin sera décisif. Un succès des partis qui refusent le programme d’austérité, tout en prétendant conserver l’euro, ferait peser la menace d’une faillite complète et d’une sortie de la zone euro qui aggraverait le drame grec et porterait une atteinte grave à la confiance dans la pérennité de la monnaie unique. Effet domino. Moins dramatique, la situation de plusieurs pays membres de la zone suscite des inquiétudes. L’Italie conduit, sous l’autorité de l’ancien commissaire européen Mario Monti un programme de réformes courageux, en particulier contre l’évasion fiscale et les professions fermées. La situation des banques espagnoles est préoccupante. Le refus de Rajoy de faire appel à l’aide est de moins en moins crédible. Le renflouement de Bankia exige plus de 20 millards. La France est à la merci d’un changement d’humeur des marchés qui lui permettent encore d’emprunter à des taux supportables. Au-delà de ses aspects techniques, la crise des dettes souveraines suscite dans les opinions publiques des réactions qui, pour être compréhensibles, n’en sont pas moins très dangereuses car de nature à détruire tout esprit de solidarité. Les Allemands ne veulent pas verser dans un puits grec qui leur parait sans fond ce qu’ils ont versé pour l’ancienne DDR. Les Grecs ressentent le plan d’austérité qui leur ait imposé comme une nouvelle occupation qui leur rappelle de mauvais souvenirs. On attend une grande voix qui affirmerait les fondements de l’Union et qui proposerait une sortie par le haut susceptible de rendre confiance aux Européens dans leur avenir collectif. L’Allemagne a, par des voix diverses, laissé entendre sa disponibilité pour un pas en avant fédéral qui équilibrerait la solidarité par l’imposition d’une discipline commune. Tel est l’objet du pacte budgétaire qui sera complété par un pacte de croissance mais qui devrait ouvrir la voie à une refondation démocratique de l’Union. Autre sujet d’actualité, l’évolution préoccupante de la situation au proche et moyen Orient face aux incertitudes égyptiennes, à la guerre civile en Syrie, au conflit à propos des ambitions nucléaires iraniennes, enfin à la dégradation de la situation en Afghanistan et au Pakistan. Chacun de ces sujets mériterait un exposé. Bornons-nous à constater une assez large unité de vues des Etats membres de l’UE sur ces questions, bien que tous ne participent pas à l’Alliance et que les sensibilités à propos du conflit israélo-palestinien ne soient pas identiques. Unité de vue en particulier sur la nécessité de trouver par les sanctions un moyen d’éviter une frappe sur les installations nucléaires iraniennes. Le retrait anticipé mais partiel des troupes françaises d’Afghanistan me parait être un moyen de faire accepter à la nouvelle majorité la décision sage de demeurer dans les structures de l’OTAN, contrairement à ce qui avait paru être la promesse d’un retrait. Je demeure personnellement de l’avis que la construction d’une relation de partenariat plus égalitaire Etats-Unis – Europe au sein d’une Alliance mise au service de valeurs communes est la seule voie conduisant à une identité européenne de défense. Cela supposerait un renforcement considérable du rôle de l’Agence européenne de défense qui devrait réunir l’ensemble des crédits de recherche en matière d’armements afin de mettre fin aux gaspillages générés par la dispersion entre une pluralité de budgets nationaux. L’évolution inquiétante de la Russie, après l’étrange permutation Poutine – Medvedev, le blocage russo-chinois sur la Syrie au Conseil de Sécurité rappellerait, s’il en était besoin, la nécessité de préserver une solidarité qui, d’Atlantique, devrait devenir celle de tous les pays attachés aux droits humains fondamentaux. De ce point de vue, le proche et moyen Orient nous offre un kaléidoscope de situations qui sont autant de défis : avenir européen d’une Turquie en croissance rapide, aléas démocratiques en Tunisie, Libye, Egypte, persistance de régimes dictatoriaux dans la péninsule arabique, menaces de chaos en Afghanistan – Pakistan. Cette région qui nous est si proche et si incertaine devrait être un bon terrain d’expérience pour la naissante diplomatie européenne.

12 mai 2012

Dette des Etats, dette de l'Europe

Paris, 12 mai. Nombreux sont ceux, en France, qui souhaitent un recours à la capacité d’endettement de l’UE sans établir le lien avec le pouvoir de lever l’impôt. Tant que les Etats n’auront pas décidé de reconnaître à l’UE la faculté de créer sa propre fiscalité, l’UE ne pourra emprunter qu’en faisant appel à la garantie des Etats membres, donc en augmentant leur dette déjà excessive. D’où les réticences allemandes. Le progrès en direction d’une Europe politique, en fait la création d’une fédération européenne, fût-elle une fédération d’Etats-nations, sans doute limitée à la zone euro compte tenu de l’hostilité britannique et scandinave à toute intégration politique, est la condition non explicitée mais bien réelle d’une sortie de crise durable. Tel est l’arrière-plan du premier contact entre la chancelière et le nouveau président.

09 mai 2012

Europe : une nouvelle approche

Paris, 9 mai. Le spectacle des deux présidents hier à l’arc de triomphe est à l’honneur de notre démocratie. Il ne nous empêche pas de regretter que la fête de l’Europe n’ait été substituée, ainsi qu’il en fut un moment question, à une célébration qui aurait pu être reportée au 11 novembre. Quoi qu’il en soit, on saura très vite si le nouveau quinquennat marque un infléchissement souhaitable de notre politique européenne en direction d’une plus grande attention à tous les partenaires et à toutes les institutions. L’urgence est de trouver un compromis entre rigueur et croissance. Pourquoi ne pas combiner le pacte budgétaire, sans y rien changer, et la mobilisation de la capacité d’emprunt de l’UE soit directe, soit par l’intermédiaire de la Banque européenne d’investissements ? Un tel compromis serait plus acceptable pour nos partenaires allemands s’il s’inscrivait dans la perspective de cette Europe politique fédérale sans laquelle l’avenir de l’union monétaire ne saurait être assuré.

26 avril 2012

Le non-dit de la campagne

Platier, 26 avril. Evacuée de la campagne, la question européenne ne tardera pas à réapparaître. Mieux vaudrait que ce soit avant le second tour. Les deux sélectionnés du premier tour savent qu’il n’y a d’avenir pour la France que dans l’Europe. Ils savent aussi que le redressement de nos comptes publics, tout comme ceux de l’Espagne et de l’Italie, pour ne pas parler de la Grèce, est quasi-impossible sans retour à la croissance. Le président de la Banque Centrale, Mario Draghi, vient de le rappeler. Sans doute vise-t-il plus des mesures de libéralisation ou de facilitation des initiatives que de nouveaux endettements. Un élargissement massif des interventions de la Banque européenne d’investissements en vue tout à la fois de pallier la carence des banques à soutenir les PME et de financer de grands projets d’infrastructure devrait cependant s’imposer en contrepartie et en complément de la règle d’or budgétaire. Il ne s’agirait pas là d’une innovation révolutionnaire mais de l’utilisation d’un outil créé par le traité de Rome, qui a rendu de grands services et qui peut en rendre de plus grands encore dans la conjoncture actuelle. Nous pouvons espérer l’appui des pays du Sud sur cette ligne mais nous aurions plus de chance de vaincre les objections allemandes si nous nous montrions plus ouverts à un pas en avant en direction de l’union politique c'est-à-dire de la légitimation démocratique des institutions européennes. Le moins qu’on puisse dire, c’est que le discours dominant ne va pas dans cette direction. A force de confier à l’Europe l’exercice de la contrainte et de lui refuser la possibilité d’actions positives, on ne pouvait que la rendre impopulaire.

29 mars 2012

L'Europe et la campagne présidentielle

Paris, 29 mars. La grande nouveauté c’est la fusion du débat interne sur la réduction du déficit des finances publiques et du débat européen sur la règle d’or et le nouveau pacte budgétaire. Il est remarquable qu’en dépit du mécontentement compréhensible provoqué par la lenteur des réactions face à la crise, l’appartenance à l’UE et à la zone euro n’est remise en cause par aucun des candidats dépassant la barre des 5 % dans les sondages, exception faite de Marine le Pen. Celle-ci, elle-même, face aux difficultés qu’elle a rencontrées à répondre aux interrogations sur les conséquences d’un retour au franc, a dû infléchir son discours. En revanche, la question du mode de gouvernance de l’UE et de la démocratisation de ses institutions est la grande oubliée de la campagne. Seul François Bayrou a, tardivement, fait écho à la proposition de la chancelière allemande d’un président de la Commission qui, à un terme il est vrai non précisé, pourrait être élu au suffrage universel. En proposant la fusion des présidences du Conseil européen et de la Commission, il a rejoint un avis qui tend à se répandre parmi les europhiles soucieux de donner un visage à l’Europe. L’élection d’un président européen au suffrage universel n’est pas pour demain. Nous avons le temps d’y réfléchir. Pourquoi céder à la tentation d’une personnalisation extrême et ne pas envisager l’élection d’une équipe exécutive plutôt que d’un homme ou d’une femme seul(e), un président entouré de quatre ou cinq vice-présidents, ce qui permettrait d’équilibrer la représentation des genres ainsi que celle des grandes régions de notre continent appelé, suivant sa devise, à l’unité dans la diversité ?

22 mars 2012

Un message d'espoir venu de Pologne

Lors des Etats généraux de l'Europe du 10 mars l'ambassadeur de Pologne s'est référé au discours prononcé à Berlin par le ministre des Affaires étrangères de son pays. Voici ce discours qui m'a été communiqué par l'ambassade. Il mérite d'être lu.

« La Pologne et l’avenir de l’Union Européenne »
Discours de M. Radoslaw Sikorski, Ministre des Affaires étrangères de la République de Pologne
Berlin, le 28 novembre 2011

Monsieur le Président, Monsieur le Ministre – cher Guido – Mesdames et Messieurs, permettez-moi de commencer par une anecdote.
Il y a 20 ans, en 1991, j’étais en République Fédérale de Yougoslavie comme journaliste. Pendant que j’interviewais le gouverneur de la Banque de la République de Croatie, celui-ci a reçu une communication téléphonique dont la teneur n’était pas tout à fait claire. On lui annonçait que le parlement d’une autre république - celle de Serbie – venait de voter son accord pour l’émission d’une quantité non autorisée de monnaie commune, le dinar.
En raccrochant, le banquier a dit : « C’est la fin de la Yougoslavie ».
Il avait raison. La Yougoslavie a éclaté. Avec elle, « la zone du dinar » aussi. Nous en connaissons la suite. Les questions de monnaie peuvent devenir des questions de guerre et de paix, de vie et de mort d’une fédération.
Aujourd’hui, la Croatie, la Serbie et la Macédoine ont leurs propres monnaies.
Le Monténégro et le Kosovo utilisent l’euro sans faire partie de la zone euro. La Bosnie- Herzégovine a un « mark convertible » indexé sur l’euro.
Une histoire surprenante : non pas d’intégration, mais de désintégration européenne.
Cette désintégration a eu un coût terrible en vies humaines. Toute cette région commence à peine à revenir dans la famille européenne.
Le sort de la Yougoslavie nous montre que la monnaie, qui joue le rôle technique de « moyen d’échange », symbolise l’unité ou son absence.
Pourquoi est-ce ainsi ? La monnaie existe car existent les communautés. La communauté, au sein de laquelle les gens vivent et font du commerce – échangent librement – crée de la valeur. Leur monnaie exprime cette valeur.
Le poids moral de la monnaie intriguait Immanuel Kant, selon qui la pratique de prêt de monnaie présuppose l’intention honnête du remboursement. Si cette condition était universellement ignorée, le principe même du prêt et du partage des richesses serait ébranlé.
Pour Kant, l’honnêteté et la responsabilité constituaient des impératifs catégoriques, base de tout ordre moral. Ils constituent aussi la pierre d’angle de l’Union européenne. J’attire votre attention sur deux valeurs fondamentales : la Responsabilité et la Solidarité. Notre responsabilité des décisions et des processus. Notre solidarité, lorsque nous devons supporter des fardeaux.
A l’approche de la fin de la Présidence polonaise du Conseil de l’Union Européenne, je pose les questions suivantes :
Comment cette crise est-elle arrivée ?
Où allons-nous ?
Comment voulons-nous y parvenir ?
Quel est l’apport de la Pologne ?
Que demandons-nous aux Allemands ?
* *
Première question : qu’est ce qui a plongé la zone euro dans les difficultés actuelles ?
Je commence par ce que cette crise ne concerne pas. Elle n’a pas été provoquée – comme l’affirment certains – par l’élargissement.
L’élargissement a apporté le développement et la richesse à toute l’Europe.
Les exportations des pays de l’UE-15 vers ceux de l’UE-10 ont presque doublé en dix ans. Les résultats sont encore plus surprenants lorsqu’on regarde pays par pays. Les exportations du Royaume-Uni vers les 10 ont crû de 2,2 à 10 milliards d’euros depuis 2004 jusqu’à l’année dernière. Celles de la France – de 2,7 à 16 milliards. Celles de l’Allemagne – tenez-vous bien – de 15 à 95 milliards. L’année dernière les échanges globaux entre l’UE-15 et l’UE-10 ont atteint 222 milliards d’euros, soit 51 milliards de plus qu’en 1995. Une somme rondelette qui, je n’en doute pas, assure nombre d’emplois dans la vieille Europe.
Ainsi, non seulement l’élargissement n’a pas provoqué la crise, mais bien au contraire, on pourrait prouver qu’il a contribué à retarder les turbulences économiques. Grâce aux bénéfices du commerce sur le marché élargi, les Etats-providence d’Europe occidentale n’ont eu que très récemment à faire face à la réalité.
S’il n’y a pas de corrélation entre les difficultés actuelles et l’élargissement, avons-nous donc affaire avec une crise de la monnaie ?
Pas tout à fait. L’euro se porte bien par rapport au dollar et aux autres monnaies.
Bien entendu il s’agit en partie de l’endettement, de la nécessité de diminuer les leviers financiers démesurés, causés par les dépenses excessives des gouvernements qui ont eu recours aux instruments de tricherie comptable et à une ingénierie financière irresponsable. Nous observons la diminution des leviers financiers hors de la zone euro : en Grande-Bretagne, l’endettement a atteint 80%, aux États-unis 100% du PIB.
S’il ne s’agissait que d’endettement, on pourrait s’attendre à ce que les ratings et les spreads agissent sur un pays donné en proportion à son endettement. Tel n’est pas le cas. Dans certains pays, comme la Grande-Bretagne ou le Japon, qui sont très endettés par rapport à leur PIB, le service de la dette se fait à un coût modéré. Dans d’autres, moins endettés, comme l’Espagne, ce coût est élevé.
La seule conclusion possible est de dire que cette crise ne touche pas uniquement la dette, mais avant tout la confiance, et plus précisément la crédibilité. Elle touche la question de la sécurité des investissements vue par les investisseurs.
Soyons sincères et reconnaissons que les marchés ont toutes les raisons de douter de la crédibilité de la zone euro. Le Pacte de stabilité et de croissance a été violé 60 fois! (Cf http://www.monstersandcritics.com/news/europe/news/article_1675056.php/LEAD-Merkel-affirms-demandfor-financial-transaction-tax) et ceci non seulement par les petits pays en difficulté, mais par les pays fondateurs, ceux du noyau de la zone euro.
Si la crédibilité est le problème, il faut la restaurer.
Nous avons donc besoin d’institutions, de procédures, de sanctions qui convaincront les investisseurs de la capacité des pays à vivre dans les limites de leurs possibilités et par conséquent de la garantie du rachat de leurs obligations, intérêts raisonnables compris.

Deuxième question : où allons-nous ?
Nous avons en principe deux possibilités. Avant de les expliciter, permettez-moi de vous faire remarquer que les faiblesses de la zone euro ne sont pas une exception, mais sont plutôt caractéristiques de la façon dont nous avons construit l’Union Européenne. Nous avons en Europe une monnaie dominante, à la garde de laquelle n’est institué aucun Ministère européen du Trésor. Nous avons des frontières communes sans politique commune des migrations. Nous avons une politique étrangère prétendument commune, mais privée d’instruments de pouvoir effectif et souvent affaiblie par les États membres, qui privilégient leurs intérêts propres. Je pourrais continuer encore longtemps.
La plupart de nos institutions et de nos procédures dépendent du bon gré et du souci de décence des États membres. Ce mécanisme ne fonctionne à peu près correctement que dans des circonstances favorables. Mais que faisons-nous lorsque des immigrés se présentent en masse à nos frontières, lorsqu’une guerre éclate dans notre voisinage, lorsque les marchés paniquent ? Nous nous réfugions dans le cadre bien connu de nos États nationaux.
La crise de l’euro est un exemple encore plus dramatique de l’impuissance européenne, car ses fondateurs ont créé un système qui peut être conduit à l’éclatement par chacun de ses membres, à un prix terrifiant pour lui-même comme pour l’ensemble.
L’éclatement provoquerait une crise aux dimensions apocalyptiques, bien au-delà de notre système financier. Pouvons-nous vraiment croire qu’au moment du sauve-qui-peut tous agiront dans l’esprit de la communauté et rejetteront la tentation de régler les comptes dans d’autres domaines, par exemple dans le commerce ?
Seriez-vous vraiment prêts à parier que si la zone euro éclatait, le marché commun, cette pierre d’angle de l’Union européenne, survivrait sûrement ? Après tout les divorces dramatiques sont plus fréquents qu’à l’amiable, et j’ai connaissance d’un cas en Californie, où un couple en instance de divorce a dépensé 100 000 dollars pour obtenir la garde du chat.
N’étant pas prêts à risquer un démantèlement partiel de l’UE, nous nous retrouverons devant le choix qui, pour chaque fédération, est le plus difficile : l’approfondissement de l’intégration ou l’éclatement.
Nous ne sommes pas la seule fédération qui affronte la question fondamentale de son avenir à cause de son endettement. Deux fédérations qui existent de nos jours ont fait ce chemin avant nous. Les Américains ont franchi le point sans retour en créant les États-unis au moment où le gouvernement fédéral a pris la responsabilité des dettes contractées par les États pendant la Guerre d’Indépendance. La Virginie solvable a conclu un marché avec le Massachusetts endetté et c’est pourquoi la capitale a été établie sur les bords du Potomac. Selon l’accord négocié par Alexandre Hamilton, les dettes de tous ont reçu une garantie commune, créant ainsi un flux de revenus pour les financer.
De même la Suisse est devenue une vraie fédération lorsqu’elle a établi les principes des emprunts et des transferts entre les cantons les plus et les moins riches.
Nous aussi, nous sommes devant ce choix : voulons-nous ou non être une vraie fédération. Puisque ni la renationalisation ni l’éclatement ne sont acceptables, il ne nous reste qu’une possibilité : agir de manière à ce que l’Europe soit gouvernable et, par conséquent, la rendre plus crédible avec le temps.
La politique est souvent l’art de trouver un équilibre entre ce qui est urgent et ce qui est important.
Le sauvetage de la zone euro est urgent. En s’y attelant, tâchons de conserver l’Europe en tant que démocratie qui respecte l’autonomie de ses États membres. Le nouvel ordre européen devra trouver l’équilibre entre la Responsabilité, la Solidarité et la Démocratie, qui sont les fondements de notre union politique.

Troisième question : Comment voulons-nous y parvenir ?
Le « sixpack » est un bon début. Ce paquet de cinq propositions de règlement et d’une directive, négocié avec l’aide de la Présidence polonaise a apporté une plus grande clarté et une plus forte discipline aux finances des États membres. Désormais, au cours du processus de préparation des budgets nationaux leurs ministres des finances devront présenter plus rapidement leurs comptes budgétaires à leurs homologues et à la Commission, avant même de les transmettre à leurs Parlements nationaux. La Commission pourra proposer des corrections lorsqu’un État membre se trouvera dans une situation de déséquilibre macroéconomique. Les membres de la zone euro qui violeraient le Pacte de stabilité et de croissance seront soumis à des sanctions qu’il sera quasi-impossible de bloquer par des pressions politiques. De plus, le « sixpack » confirme que les principes peuvent être introduits non sous forme de directives, qui nécessitent leur implémentation dans le droit national, mais de règlements qui sont des actes universellement et immédiatement exécutoires.
D’autres actions plus ambitieuses ont été proposées : la Commission et l’Euro groupe obtiendraient, afin de renforcer la convergence économique, le droit d’analyser au préalable les grands projets de réformes économiques dont les effets pourraient être ressentis dans la zone euro, et appliqueraient des sanctions vis-à-vis des États qui n’introduiraient pas les recommandations politiques ; enfin, des groupes de pays pourraient obtenir un accord pour synchroniser leur politique dans les domaines du marché du travail, de système de retraites et de la protection sociale.
La discipline financière serait renforcée du fait que l’accès aux fonds de sauvetage serait réservé à ceux parmi les membres qui respecteraient les règles macro fiscales, les sanctions deviendraient automatiques, la Commission, le Conseil et la Cour de Justice obtiendraient le droit de faire appliquer le plafond de 3% du déficit et de 60% d’endettement. Les États soumis à la procédure en cas de déficit excessif devraient présenter à la Commission leurs budgets pour acceptation. La Commission obtiendrait le droit d’ingérence dans la politique des États incapables d’honorer leurs engagements. Les États qui violeraient de façon répétitive les principes verraient leur droit de vote suspendu.
Dès que le Conseil européen aura établi une fois pour toutes des principes nouveaux et sévères, La Banque centrale européenne devrait devenir une banque centrale véritable, prêteur en dernier recours, soutien de la crédibilité de toute la zone euro. La BCE devrait pouvoir agir rapidement, en avance sur les processus législatifs irréversibles.
Tout cela nous permettrait d’éviter la catastrophe, mais il faut plus que cela. Dès le début, la Pologne soutenait l’idée d’un nouveau traité, qui rendrait l’Union plus efficace.
La Commission européenne devrait être renforcée. Pour qu’elle puisse jouer son rôle de surveillant économique, ses commissaires doivent être d’authentiques meneurs, disposant d’autorité, de personnalité, voire de charisme pour devenir des réels porte-parole des intérêts européens communs. La Commission devrait être moins nombreuse pour être plus efficace. Chacun d’entre nous sait, pour avoir dirigé des réunions, que les plus efficaces ne rassemblent pas plus de douze personnes. La Commission se compose actuellement de 27 membres. Il faudrait introduire la rotation des États membres pour les postes de commissaires.
Plus nous confierons de pouvoir aux institutions européennes, plus elles devront acquérir de légitimité. L’application du droit draconien de surveillance des budgets nationaux ne peut se faire qu’en accord avec le Parlement européen.
Le Parlement doit défendre son rôle et ses fonctions. Les eurosceptiques ont raison de dire que l’Europe ne fonctionnera bien que lorsqu’elle sera transformée en un régime, une communauté à laquelle les citoyens vont s’identifier et vis-à-vis de laquelle ils seront loyaux. L’Italie a été créée, il nous faut encore créer les Italiens, disait Massimo d’Azeglio à la séance inaugurale du Parlement après l’unification du Royaume d’Italie au 19e siècle. Notre tâche est plus facile : nous avons une Europe unie. Nous avons des Européens. Mais ce qui nous reste à faire, c’est de donner à l’opinion publique européenne son expression politique. Pour y parvenir, certains membres du Parlement européen pourraient être élus sur une liste paneuropéenne de candidats. Il y a un besoin de « politische Bildung », de développer l’éducation politique des citoyens et des élites politiques. Le Parlement devrait avoir son siège dans un lieu unique.
Nous pourrions aussi fusionner les postes des Présidents du Conseil européen et de la Commission européenne. La chancelière Angela Merkel suggère même dans ce cas une élection directe par le peuple européen.
Il est important de préserver la cohérence de la zone euro avec l’ensemble de l’UE. Les institutions communautaires doivent garder leur caractère central. En tant que Présidence, nous veillons à notre unité. Or, l’unité ne peut être hypothétique. Il est insuffisant de dire que les États peuvent participer dès leur entrée dans la zone euro. Au lieu d’organiser des sommets séparés du groupe euro ou des rencontres limitées aux ministres des finances, nous pourrions appliquer la pratique d’autres forums de l’Union où tous peuvent participer, mais seuls les membres peuvent voter.
Plus nous attribuerons de pouvoir et de légitimité aux institutions fédérales, plus les États membres devraient être renforcés dans leur conviction que certaines prérogatives doivent rester pour toujours en leur pouvoir, comme celles concernant l’identité nationale, la religion, le style de vie, la morale publique ainsi que les taux de l’impôt sur le revenu et de la TVA. Notre unité ne souffrira pas des différences dans les horaires de travail ou dans les règlements de la vie familiale.
Ceci amène la question de savoir si État membre aussi important que la Grande-Bretagne peut soutenir la réforme. Vous avez donné à l’Union une langue commune. Le marché unique est dans une large mesure votre idée géniale. Une commissaire britannique dirige notre diplomatie. Vous pourriez diriger l’Europe dans les questions de défense. Vous constituez une liaison indispensable dans les relations transatlantiques. D’un autre côté, l’éclatement de la zone euro nuirait gravement à votre économie. De plus, l’endettement global de la Grande-Bretagne, y compris la dette publique, la dette des entreprises et celle des ménages dépasse les 400% du PIB. Êtes-vous sûrs que les marchés vous seront toujours favorables ? Nous préfèrerions vous voir dans la zone euro, mais si vous ne pouvez y accéder, laissez-nous poursuivre notre route. Je vous demande aussi de commencer à expliquer aux Britanniques que les décisions européennes ne sont pas des diktats de Bruxelles, mais sont issues d’accords auxquels vous participez de votre plein gré.
Quatrième question : Quel est l’apport de la Pologne ?
Aujourd’hui la Pologne n’est pas source de problèmes, mais de solutions européennes. Aujourd’hui, nous voulons et nous pouvons en apporter notre part. Nous apportons notre expérience récente de la transformation réussie, du passage de la dictature à la démocratie et de l’économie malade de dirigisme à une économie de marché de plus en plus efficace.
Nous y avons été aidés par nos amis et nos alliés : les États-unis, la Grande-Bretagne, la France et avant tout l’Allemagne. Nous sommes reconnaissants du soutien fort et généreux – de la solidarité – que l’Allemagne nous a offert au cours des vingt dernières années. Ich danke Ihnen als politiker und als Pole.
J’espère que vous reconnaissez vous-mêmes que c’était un bon investissement. En 2010 les exportations allemandes vers la Pologne ont été plus de neuf fois supérieures à celles de 1990 et continuent à augmenter malgré la crise. Vos échanges avec la Pologne sont supérieurs à ceux avec la Russie – même si ce n’est pas toujours apparent dans le discours politique allemand.
Depuis l’année dernière la Pologne est classée parmi les pays les plus développés dans l’Index de Développement Social. Dans la période 2007-2011 nous sommes montés de 10 places dans le classement de l’Index global de compétitivité : dans la même période nous avons amélioré notre classement de 20 places dans l’Index de la perception de la corruption, en dépassant plusieurs membres de la zone euro.
Au cours des quatre dernières années, la croissance cumulée du PIB polonais a atteint 15,4 %. Quel est le pays de l’UE qui a la deuxième place avec une croissance de 8% ? C’est un membre de la zone euro, la Slovaquie. Mais la moyenne de la zone euro est de moins 0,4%. Aussi, j’ai une proposition pour ceux qui voudraient diviser l’Europe : pourquoi ne pas la partager naturellement en deux ? L’Europe qui jouit de la croissance et celle où celle-ci est absente ? Mais je vous préviens que la carte de ces ensembles ne coïnciderait pas avec les stéréotypes.
Ce n’est pas arrivé tout seul. Les gouvernements successifs de la Pologne ont pris des décisions douloureuses et les Polonais ont consenti bien des sacrifices. La privatisation, la réforme des retraites, l’ouverture de la Pologne à la mondialisation – les uns ont su faire face, tandis que les autres en ont souffert. Nous étions parmi les premiers pays à instaurer la « règle d’or » de l’endettement.
Nous n’allons pas nous arrêter là. Lorsque le Premier ministre Donald Tusk présentait son gouvernement au Sejm il y a deux semaines, il disait : « Afin de traverser l'année 2012 sans danger, mais aussi pour créer les règles d’une évolution stable de la sécurité financière et d’une discipline financière pour les prochaines années et décennies, nous devrons prendre des mesures, y compris des actions impopulaires qui demanderont des sacrifices ainsi que la compréhension de tous sans exception ».
Dès l'année prochaine nous avons l'intention de limiter notre déficit du secteur des finances publiques au plafond de 3% et de réduire la dette publique à 52% du PIB. A la fin de 2015, nous voulons ramener le déficit à 1% du PIB et la dette publique à 47%. L’âge de la retraite sera porté à 67 ans pour les hommes comme pour les femmes. Les prestations de retraite des militaires, des policiers et des membres du clergé seront réduites. La cotisation de retraite sera relevée de 2%. Les prestations familiales seront transférées des plus riches aux plus pauvres.
A la fin du mandat de ce gouvernement, la Pologne répondra aux critères d'adhésion à la zone euro. Nous tenons à la pérennité et à l'épanouissement de cette zone à laquelle nous prévoyons d’adhérer.
En soutenant le Traité d'adhésion, les Polonais nous ont engagé à introduire leur pays dans la zone euro dès que celle-ci et nous-même y serons prêts.
La Pologne apporte également à l'Europe sa volonté d’obtenir des compromis – même pour une approche commune de la souveraineté – en échange d'une position équitable dans une Europe plus forte.
Cinquième question : Que demandons-nous aux Allemands ?
Premièrement, nous leur demandons d’admettre ouvertement qu'ils sont les plus grands bénéficiaires des accords existants et, par conséquent, qu'ils ont la plus grande part de responsabilité dans leur préservation.
Deuxièmement, vous savez parfaitement que vous n’êtes pas une victime innocente de la prodigalité des autres. Vous avez également rompu le pacte de stabilité et de croissance, et vos banques ont acheté de manière insouciante des obligations risquées.
Troisièmement, puisque les investisseurs vendent des obligations des pays les plus vulnérables et cherchent des investissements sûrs, vos coûts d'emprunt sont plus bas que dans une conjoncture normale, donc à court terme vous y gagnez, mais ...
Quatrièmement, si les économies de vos voisins ralentissent ou s’effondrent, vous en souffrirez aussi.
Cinquièmement, malgré son aversion compréhensible pour l'inflation, l'Allemagne devrait reconnaître que le risque de décomposition de la zone s’accroît actuellement.
Sixièmement, vu la taille et l'histoire de votre pays, vous avez une responsabilité particulière dans la protection de la paix et de la démocratie sur notre continent. Comme l’a judicieusement constaté Jürgen Habermas, «Si le projet européen échoue, la question se posera du temps nécessaire au retour au statu quo. Rappelons-nous la Révolution allemande de 1848 : après sa chute il a fallu cent ans pour atteindre le même niveau de démocratie».
Que puis-je considérer, en tant que Ministre des Affaires étrangères de la République de Pologne, comme la plus grande menace à la sécurité et la prospérité de l'Europe d'aujourd'hui, celle du 28 Novembre 2011? Ce n'est pas le terrorisme, ce ne sont pas les talibans, et ce ne sont certainement pas les chars allemands. Ce ne sont même pas les fusées russes dont le président Medvedev a brandi la menace en disant qu’il allait les déployer à la frontière de l'Union Européenne. La plus grande menace à la sécurité et à la prospérité de la Pologne serait bien l’effondrement de la zone euro.
Et je réclame de l'Allemagne – pour notre bien et pour le vôtre – son aide à la zone euro pour sa survie et sa prospérité. Vous savez bien que personne d'autre n'est en mesure de le faire. Je suis probablement le premier Ministre des Affaires étrangères de la République de Pologne à le dire : je commence à craindre la puissance de l’Allemagne moins que son inaction.
L’Allemagne est devenue une nation indispensable à Europe.
Vous ne pouvez pas vous permettre d'échapper à votre leadership. Vous ne devez pas dominer, mais vous devez mener les réformes.
Si vous nous impliquez dans le processus décisionnel, vous pouvez compter sur le soutien de la Pologne.
Les dangers des réformes retardées
J'ai commencé ce discours par une anecdote à propos d'une expérience de l'union politique de la Yougoslavie communiste.
Laissez-moi vous raconter à la fin une autre histoire. Il s'agit d’une fédération qui est la moins connue dans l’histoire de l’Europe, à savoir l'état commun créé par la Pologne et le Grand-duché de Lituanie en 1385. Il a duré plus de quatre siècles, plus que les fédérations telles que les États-Unis, le Royaume-Uni ou la République d'Allemagne, sans parler de l'Union européenne.
La République des Deux Nations fondée grâce à cette union a dépassé les standards d’autrefois, comme actuellement l’Union Européenne. En effet, elle avait un parlement commun et un chef d’État élu. Le groupe qui bénéficiait des droits politiques, c’est à dire les citoyens habilités à voter, représentait 10% de la population. C’était par conséquent le régime qui, à l’époque, garantissait la plus large participation politique. Par ailleurs, la tolérance religieuse a épargné au peuple les atrocités de la guerre de Trente Ans. Les villes étaient fondées en vertu des lois de Magdeburg et les origines de beaucoup d’entres elles, comme ma ville natale de Bydgoszcz, sont associées à des colons allemands. Les Juifs, les Arméniens et les dissidents de toute sorte convergeaient ici en grand nombre de toute l’Europe pour tenter leur chance.
La liberté et la puissance militaire allaient de pair. En 1410, l'armée de ce pays a écrasé les chevaliers Teutoniques, dont les symboles héraldiques existent encore dans l'armée allemande. En 1683, nous avons arrêté aux portes de Vienne l’Empire ottoman dans ses plans d'unification de l'Europe sous la bannière de l'islam.
Toutefois, au tournant du 17e et du 18e siècle, quelque chose a changé. Les rois élus, les armées disparates et les monnaies indépendantes n'avaient aucune chance dans un monde d'États nations unifiés, autoritaires et mercantiles. La caractéristique la plus démocratique – la possibilité de bloquer le processus législatif par un seul député – est devenue la plus grande faiblesse de la République. Le principe de l’unanimité, dont l’adoption dans un état fédéral mérite en soi l’admiration, a favorisé la corruption et le manque de responsabilité.
La Pologne a réussi enfin à se réformer. La constitution adoptée le 3 mai 1791 a aboli le principe de l'unanimité, unifié l’État et créé un gouvernement stable. Néanmoins, ces réformes ont été introduites trop tard. Nous avons perdu la guerre pour la défense de la constitution et, à la suite de la partition de 1795, la Pologne a disparu de la carte du monde pour plus de cent ans.
Quelle est la morale de cette histoire? Il ne faut pas rester inerte quand le monde change et quand de nouveaux concurrents apparaissent. Il ne suffit pas de s'appuyer sur les institutions et les procédures qui ont bien fonctionné dans le passé. Les changements progressifs ne suffisent pas. Même le maintien de la position acquise dépend de la prise de décisions rapides.
Je considère que nous avons le devoir d’épargner à notre merveilleuse union le sort qui a frappé la Yougoslavie, et jadis la République de Deux Nations.
Conclusion
Notre déclin n'est pas une fatalité. Si nous surmontons les difficultés actuelles, nous pouvons encore émerveiller le monde avec nos réalisations et notre force.
Nous ne sommes pas seulement la plus grande économie mondiale, mais aussi la plus grande zone de paix, de démocratie et de droits de l’homme. Nous sommes une source d'inspiration pour les nations vivant à nos côtés à la fois à l'Est et au Sud. Si nous mettons nos affaires en ordre, nous pouvons devenir une véritable superpuissance. Dans le cadre d'un partenariat égal avec les États-unis nous maintiendrons la force, la prospérité et le leadership de l'Occident.
Actuellement, nous sommes au bord du gouffre. C'est le moment le plus effrayant de ma carrière ministérielle, mais aussi le plus sublime. Les générations futures nous jugeront par nos actions ou par leur absence, que nous parvenions à créer les fondements d’une puissance pour les décennies à venir ou que nous esquivions nos responsabilités et acceptions notre déclin.
En tant que Polonais et en tant qu’Européen, j’affirme ici à Berlin: il faut agir maintenant.

13 mars 2012

Observatoire de l'Europe

Observatoire de l’Europe 8 mars 2012
Eclaircie sur la finance, drame grec, nuages sur la Hongrie, guerre civile en Syrie

Le nouveau traité destiné à renforcer la discipline budgétaire a été exigé par l’Allemagne comme prix de sa solidarité. Il entrera en vigueur dès qu’il aura été ratifié par 12 Etats, membres ou non de la zone euro. RU et République tchèque ont annoncé qu’elles se tiendraient à l’écart. La ratification de l’Irlande sera soumise aux aléas d’un référendum. L’objet du traité est, pour l’essentiel, de solenniser des engagements déjà pris. Un autre traité a pour objet la création du Mécanisme Européen de Stabilité doté au départ de 500 milliards d’euros, destiné à se substituer, à terme, au Fonds de stabilité créé dans l’urgence. Seuls les Etats dont la monnaie est l’euro et qui auront ratifié le traité de discipline budgétaire pourront bénéficier du MES.
Parallèlement à ces mesures, l’action anticrise la plus décisive est l’ouverture aux banques par la BCE de crédits quasi-illimités et très bon marché. Deux émissions successives de chacune plus de 500 milliards d’euros ont déjà été ouvertes. Elles compensent dans une certaine mesure l’abandon par les banques des trois quarts de leurs créances sur la Grèce qui recevra par ailleurs un nouveau prêt de 130 milliards en contrepartie d’un plan d’austérité particulièrement sévère.
L’allègement des tensions spéculatives qui est le résultat de l’ensemble de ces décisions ne permet pas de conclure que la crise soit terminée. Plusieurs incertitudes subsistent. On voit mal comment la Grèce pourra retrouver le chemin de la croissance. Nombre d’économistes doutent du bien fondé de politiques restrictives conduites simultanément dans tous les pays. L’Espagne de Rajoy vient d’annoncer qu’elle ne pourrait tenir son programme de réduction du déficit. Une relance par des investissements (réseaux transeuropéens, croissance verte) qui seraient financés par le recours à la capacité d’emprunt de l’Union serait plus facile à justifier si les Etats surendettés se montraient capables de réduire leurs dépenses courantes.
Porter un jugement équilibré sur le sort réservé à la Grèce n’est pas facile. Les folies grecques sont maintenant bien connues. Mais il faut mettre en balance les responsabilités des gouvernements qui ont longtemps refusé de laisser la Commission enquêter sur place. Du point de vue de la pédagogie politique, le résultat est désastreux. Le peuple grec subit une punition qu’il ressent comme injuste et imposée de l’extérieur. Les contribuables européens et tout particulièrement les Allemands se jugent victimes d’une extorsion de fonds. Loin d’attribuer à l’UE le mérite d’avoir évité le pire, les uns et les autres la vouent aux gémonies ! On mesure à quel point manque une grande voix capable de dire la vérité au nom de l’Europe. Ni Barroso, ni van Rompuy, dont le renouvellement du mandat est passé inaperçu, ne sont en mesure de jouer ce rôle.

L’Europe sortira de la crise renforcée par la discipline budgétaire et l’organisation de la solidarité. Mais l’avenir de l’Union demeure incertain. Son budget commun demeure dérisoire et dépourvu de vraies ressources propres, sa capacité d’emprunt inutilisée. Tout en rappelant que la solidarité ne saurait être sans limites, des voix allemandes se prononcent en faveur d’un avenir fédéraliste. Ainsi, la Chancelière envisage, à terme, l’élection du président de la Commission au suffrage universel, alors que le président Sarkozy s’en tient au refus de d’un Exécutif politique supranational d’autant plus qualifié de bureaucratique qu’on se refuse à envisager sa démocratisation. Pendant ce temps, le nouveau traité, qui échappe à l’exigence de ratifications unanimes, confirme la division de l’Union en différents niveaux et accentue la marginalisation du Royaume-Uni. Le silence des candidats à l’élection présidentielle sur ces questions est assourdissant.

Inquiétudes sur la Hongrie

La politique du gouvernement Orban fait peser de sérieuses menaces sur l’indépendance de la Justice et des médias, tout comme sur celle de la Banque centrale. Ainsi se trouve posée la mise en œuvre éventuelle de l’article 7 du traité de Lisbonne visant l’existence d’un risque clair de violation grave par un Etat membre des valeurs sur lesquelles est fondée l’UE. Victor Orban s’est expliqué devant le Parlement. Les réponses aux questions qui lui ont été posées par la Commission ont paru insuffisantes à la majorité des groupes mais Orban bénéficie du soutien du groupe PPE auquel appartient son parti. La nécessité où se trouve la Hongrie de faire appel à l’appui de l’UE et du FMI donne aux autorités de l’Union un moyen de pression qui devrait permettre d’éviter le recours aux sanctions de l’article 7 qui peuvent aller jusqu’à la suspension du droit de vote. Cette affaire a le mérite de rappeler que l’UE n’est pas seulement une union d’intérêts matériels.

Les leçons de la crise syrienne

Le veto russe et chinois contre toute résolution du Conseil de Sécurité condamnant les atrocités syriennes crée une nouvelle tension qui rappelle le temps de la guerre froide. Poutine justifie son attitude par l’interprétation, selon lui abusive, donnée par les Occidentaux à la résolution autorisant la protection des populations en Libye. Il est cependant embarrassé par la condamnation sans équivoque du régime syrien par la Ligue arabe. Une autre constatation s’impose à propos de cette affaire qui est rarement soulignée : l’inexistence d’une solidarité des démocraties du Nord et du Sud face à des violations massives des droits humains fondamentaux. Cette affaire, comme celle de l’Afghanistan, n’est pas sans rapport avec l’avenir de l’Alliance atlantique. Le temps n’est plus où l’ordre mondial pouvait reposer sur les seuls Occidentaux.

05 mars 2012

Les Etats Généraux de l'Europe

Paris, 5 mars 2012

La 4ème édition des EGE se tient samedi prochain 10 mars à Sciences Po Paris, à l’initiative d’Europanova et du Mouvement européen. J’y présenterai, au nom d’ARRI, l’exposé introductif aux débats de l’un des Ateliers, celui ayant pour objet « Quelle place pour l’Europe dans le monde ? ». Ci-dessous le schéma de cet exposé.

Unie, l’Europe pourrait être une puissance mondiale. Son élargissement n’a pu qu’accentuer la divergence qui a toujours existé entre diverses visions du projet européen. La création par le traité de Lisbonne d’un service diplomatique commun devrait être un pas en direction d’une Europe plus cohérente. A-t-il permis de rapprocher les positions des diplomaties nationales sur les principales questions à l’ordre du jour ? Quels obstacles ? Comment les surmonter ?
Les progrès en direction d’une défense commune semblent dans l’impasse malgré ou à cause de l’accord bilatéral franco-britannique de 2010. Les budgets militaires sont en baisse. La dispersion des programmes coûte cher. L’Agence européenne de défense n’a pas de budget.
La crise financière est un autre facteur d’affaiblissement, les Européens étant suspectés de réaction tardive et insuffisante.
Concernant même le défi climatique, l’UE a bien de la peine à conserver le leadership qu’elle a un moment exercé.
Ainsi la force principale de l’Europe, plus que dans sa puissance économique ou militaire, pourrait être dans le témoignage qu’elle offre de démocratie et de réconciliation entre anciens ennemis. C’est sur cette base plutôt que sur celle des rapports de puissance que l’Europe peut prétendre exercer une influence positive dans le monde. Le printemps arabe a révélé la force, trop souvent sous-estimée, de l’idée démocratique. Les réactions provoquées par l’intervention en Libye ont aussi montré la persistance d’une méfiance envers « l’Occident » dans de nombreux pays. La difficulté de mobiliser les grandes démocraties du Sud contre les atrocités de Bachar el-Assad est, à cet égard, significative. Elle me conduit à poser une question insolite. L’avenir de l’Alliance atlantique ne serait-il pas d’organiser la solidarité des démocraties au-delà de l’espace nord-atlantique ? Une Europe qui serait unie, au moins sur cet objectif, ne pourrait-elle exercer une influence sur la politique des Etats-Unis au-delà de l’espace couvert par l’Alliance ?
L’influence que pourrait exercer l’UE en faveur d’un meilleur ordre mondial, est affectée par un double éclatement : celui de sa représentation dans les instances internationales et celui de ses institutions affaiblies par la multiplication des présidences. Si utile qu’il ait été en temps de crise, le leadership germano-français ne saurait pallier, dans le long terme, la faiblesse d’institutions européennes affectées à la fois par une légitimité démocratique mal assurée et par une adaptation insuffisante à l’élargissement de l’Union. Notre partenaire allemand ne cesse de nous le rappeler, peut-être pour faire oublier sa prudence budgétaire. On aimerait une réponse claire des candidats à l’élection présidentielle peu prolixes sur ce que pourrait être une union politique européenne qui soit en mesure d’apporter sa contribution aux grands défis mondiaux.

26 février 2012

Une exaspération réciproque

Paris, 26 février. Loin d’apparaître comme un témoignage de solidarité, l’accord destiné à sauver la Grèce de la faillite est ressenti par beaucoup d’Européens, à commencer par les Allemands, comme un prix que l’on paye à contre-cœur pour l’irresponsabilité d’un partenaire incapable de tenir ses engagements et, par les Grecs, comme un insupportable diktat. On ne pouvait aboutir à un pire résultat en termes de pédagogie politique. Intervenu plus vite et plus tôt, le renflouement de la Grèce eut été moins coûteux. En revanche, il est légitime qu’il soit strictement conditionné au respect des engagements pris par les Autorités grecques. Mais il serait aussi légitime qu’une part de l’aide consentie soit affectée à l’aide directe à la population et au maintien des services publics essentiels.

08 février 2012

Angela dans la campagne

Paris, 8 février. La présence de la chancelière allemande auprès du président français candidat non encore annoncé à sa succession est une étape importante en direction de la création d’un espace public de débat européen sans lequel une Europe politique démocratique ne saurait prendre forme. Il faut s’en réjouir et souhaiter qu’elle soit suivie d’autres débats télévisés transnationaux, en particulier lors des prochaines élections européennes de 2014. On notera cependant qu’à propos d’une question sur la souveraineté, Sarkozy s’en est tenu à la doxa française récusant les « technocrates » et imaginant un gouvernement européen sous la forme d’un concert de leaders nationaux invités à entériner les propositions du couple franco-allemand. L’Europe demeurera un nain politique tant qu’elle ne disposera pas d’un Exécutif légitimé par le suffrage universel et distinct des gouvernements nationaux.

01 février 2012

Un étrange traité

Paris. 1er février. Angela Merkel a réussi à imposer une discipline budgétaire qui figurait déjà dans les traités antérieurs mais que France et Allemagne n’avaient pas respecté. Fallait-il pour cela un nouveau traité qui ne manquera pas de devenir un nouveau chiffon rouge pour tous ceux qui redoutent une Europe punitive ? Certes, on peut espérer qu’une fois acquis les engagements de rigueur, l’Allemagne acceptera des mesures de relance, en allégeant sa propre rigueur interne et en acceptant un recours à la capacité d’emprunt de l’UE, par la BCE ou la BEI. Mais la lenteur propre au système institutionnel allemand faisant une large place au consensus, laisse craindre qu’un temps trop long ne s’écoule entre les restrictions budgétaires et la relance par le crédit. Ce n’est pas seulement le PS mais les agences de notation et le FMI qui rappellent à juste titre que, sans croissance, le retour à l’équilibre des budgets nationaux serait très difficile pour ne pas dire impossible. Comment enfin ne pas comprendre qu’à ne confier à l’Europe que des missions impopulaires, on finira par tuer dans l’esprit des peuples le seul projet collectif qui puisse nous arracher au déclin.

19 janvier 2012

Ne pas se décourager

Paris 18 janvier. Imputer à l’Europe les insuffisances résultant du refus des gouvernements de lui donner les moyens d’agir est un comportement qui a fini par creuser un fossé entre le projet européen et la masse des citoyens. Celle-ci demeure cependant consciente de ce que les solutions à la crise ne seront trouvées qu’au plan européen. L’isolement britannique devrait faciliter la recherche des solutions tout en comportant un risque d’affaiblissement des institutions communautaires qui sont celles de l’Europe à 27. Les mises en garde adressées à la Hongrie, la comparution d’Orban devant le Parlement, l’éloquent réquisitoire de Cohn-Bendit ont opportunément rappelé que ce sont des valeurs communes autant que des intérêts communs qui unissent les Européens. Je persiste à penser qu’un progrès d’intégration pourrait sortir de la crise quand apparaîtra clairement l’alternative entre le triomphe du chacun pour soi conduisant au chaos ou l’affirmation d’une solidarité salvatrice.

03 janvier 2012

Une Alliance à redéfinir

Paris 3 janvier. Les interventions en Afghanistan et en Libye tout comme l’impossibilité d’obtenir de la part des démocraties du Sud, notamment Inde et Brésil, une condamnation des massacres de Syrie devraient conduire à une redéfinition de la grande Alliance qui, après avoir assuré notre sécurité face à la menace soviétique, a survécu à la guerre froide sans adapter ses objectifs à une situation nouvelle. Il est clair que l’Alliance qui unit Américains du Nord et Européens n’est plus dirigée contre une menace identifiée ni liée à l’espace géographique nord-atlantique. La justification de son maintien est l’attachement commun de ses membres à un ordre international fondé sur le respect du droit, droit réglant les relations entre Etats, droits fondamentaux des personnes. La reconnaissance explicite de cette mutation devrait conduire à un double changement : un partage plus équilibré du pouvoir au sein de l’Alliance, un élargissement à tous les pays qui manifestent par la nature de leur régime intérieur et par leur respect de l’ordre juridique international, un attachement aux valeurs qui fondent une Alliance qui ne serait plus atlantique mais universelle et multipolaire. Pour n’avoir pas explicité cette transformation, les Occidentaux se sont interdit d’attirer vers eux les démocrties émergentes du Sud avides de reconnaissance après les humiliations de la colonisation. Plus grave, les Occidentaux, et pas seulement les Américains n’ont pas considéré le respect du droit par les pays du Sud comme un critère essentiel justifiant un traitement privilégié. La real-politik de Washington s’apparentait de ce point de vue aux comportements des anciennes puissances coloniales européennes. Pinochet, Bongo, Mobutu mêmes honteuses complicités justifiées par la résistance au communisme ou plus prosaïquement par des intérêts matériels. Plus récemment les interventions militaires occidentales, même autorisées par l’ONU, ont entretenu de vieilles méfiances. Ainsi s’explique la tendance des démocraties du Sud à s’aligner sur les Etats autoritaires et à refuser de condamner le tyran syrien. Il appartiendrait à une Europe qui, par son union, deviendrait capable de se faire entendre de poser dans ces termes le problème de l’avenir de l’Alliance.