19 juin 2011

Trichet occupe une place laissée vide par les politiques

Platier, 19 juin. En proposant un fédéralisme budgétaire et mieux encore un ministre européen des finances, en s’opposant à la banqueroute d’un Etat membre de l’eurozone, Jean-Claude Trichet, se fait le défenseur de l’intérêt de l’Union, sans hésiter si nécessaire à s’opposer aux gouvernements nationaux. N’a-t-il pas tenu tête à Berlin sur la solidarité envers la Grèce et contre un défaut aux conséquences redoutables et à Paris sur la nécessité d’une discipline budgétaire plus rigoureuse et mieux respectée ? Ce faisant, le président de la Banque centrale, fort de la réactivité montrée au plus fort de la crise, en agissant aux limites de ses pouvoirs quand le salut commun l’exigeait, occupe la place laissée quasi vide par un président de la Commission sans énergie et un président du Conseil européen qui, à peine nommé, s’est interdit toute prise de position personnelle, réduisant ainsi son rôle à celui d’un super – secrétaire général. On comprend que l’idée d’un vrai président de l’Europe fasse de nouveaux adeptes, le dernier en date étant l’un des leaders du centre gauche italien, l'ancien président du conseil Massimo d’Alema.

12 juin 2011

Comment sauver la Grèce ?

Paris, 12 juin. Je prie mes lecteurs d’excuser cette nouvelle interruption due à des mystères qui m’échappent. Un conflit peu visible mais très vif oppose Angela Merkel et la Banque centrale au sujet de la Grèce. Alors que l’Allemagne plaide pour une restructuration de la dette impliquant un sacrifice de la part des banques créditrices, la BCE redoute l’atteinte qui serait ainsi portée à la crédibilité de l’euro. En fait, chacun sait que la Grèce ne pourra pas rembourser l’intégralité de sa dette et moins encore supporter les taux d’intérêt qui lui sont imposés. Enorme au regard du PIB grec, la charge est dérisoire au regard de celui de l’UE. La solution qui devrait finir par s’imposer consisterait dans le rachat de la dette grecque soit par la BCE, soit par le nouveau fonds européen de stabilité financière. En contrepartie, la Grèce devrait poursuivre ses réformes mais sans se voir imposer des mesures socialement insupportables, son remboursement étant étalé sur une longue période et assorti de taux d’intérêts modérés. Quant aux banques, elles pourraient être fermement invitées à accepter une réduction drastique de leur rémunération en contrepartie de la récupération intégrale du capital.

10 juin 2011

La chute de Strauss-Kahn, un coup dur pour l'Europe

Paris, 24 mai. De la foule de commentaires qui ont accompagné la chute du directeur du FMI, je retiens l’observation suivant laquelle DSK était la seule personnalité susceptible de convaincre la Chancelière allemande de la nécessité de faire preuve de solidarité pour sauver les pays membres de la zone euro en difficulté, fût-ce de leur faute. Sa disparition dans les circonstances aussi affligeantes qu’invraisemblables intervient au moment où la pression des marchés s’exerce de nouveau sur les pays endettés. Si sympathique soit-elle, la révolte pacifique des jeunes Espagnols pourrait, si elle devait perdurer et s’étendre, ajouter l’Espagne à la liste des candidats au renflouement, ce qui en augmenterait sérieusement le coût. Quoi qu’il en soit le cours de l’euro se maintient, malgré une baisse légère ces derniers jours, à un niveau qui dépasse largement la parité des pouvoirs d’achat : 1,40 $ au lieu de 1,20. Voilà qui devrait faire réfléchir ceux qui annoncent la fin de l’euro

Michel Barnier pour un président unique de l'UE

Paris, 11 mai. Dans une déclaration faite à Berlin et rapportée dans la Croix du 10 mai, Michel Barnier s’est prononcé en faveur d’un président de l’UE qui serait désigné par un congrès réunissant le parlement européen et des représentants des Parlements nationaux. Il présiderait à la fois le Conseil et la Commission. Cette proposition rejoint celle que j’avais faite lors des travaux de la Convention Giscard et qui avait été reprise par Pierre Lequiller,représentant de l'Assemblée nationale à la Convention. L’éclatement de l’Exécutif européen est en effet l’une des principales sources de faiblesse de l’Europe. A l’intérieur, elle ne facilite pas l’émergence d’un sentiment d’allégeance. A l’extérieur, elle donne une image confuse de l’Union. La désignation par un congrès ou par codécision du Conseil et du Parlement ne devrait marquer qu’une étape en attendant l’élection au suffrage universel. Voilà une question à poser aux futurs candidats à la présidentielle de 2012.

Le Sommet de la honte

Paris, 2 mai. Au moment où la mort de Ben Laden marque un succès important dans la lutte contre le terrorisme mais risque d’exacerber la haine de ses partisans, le spectacle qu’offre l’Europe face aux révoltes arabes est affligeant. Au lieu des manifestations de solidarité que devrait susciter le ralliement des peuples de la rive Sud aux valeurs démocratiques, les nations européennes rivalisent dans l’égoïsme et la courte vue. En témoigne ce honteux sommet de Rome où dirigeants français et italiens s’entendent pour remettre en cause la liberté de circulation des personnes dans l’espace Schengen sans proposer la moindre mesure de solidarité envers les malheureux Tunisiens privés subitement des recettes touristiques qui limitaient leur misère. Seule une aide massive de l’UE justifierait en contrepartie l’exigence d’un contrôle strict des départs vers l’Europe. En attendant l’Europe devrait recevoir et se répartir un nombre de réfugiés sans commune mesure avec celui des réfugiés libyens accueillis par la Tunisie. Encore faudrait-il que l’Europe se dote d’un budget en rapport avec ses responsabilités sinon mondiales, du moins régionales. Que sont devenus les avocats de l’Union pour la Méditerranée ?

Elections européennes, une proposition intéressante

Platier, 26 avril. Les quatre principaux groupes du Parlement européen se sont mis d’accord pour utiliser le droit de proposition que leur donne le traité de Lisbonne concernant le mode d’élection. La principale réforme proposée consiste à donner un deuxième bulletin aux électeurs en vue de l’élection de 25 députés dans une circonscription couvrant l’ensemble du territoire de l’Union. Les partis seraient naturellement conduits à placer sur leurs listes des personnalités ayant une audience dépassant les frontières de leur pays. Ainsi la campagne pourrait prendre le caractère d’un débat européen au lieu d’être l’addition de débats nationaux. Les élus sur ces listes paneuropéennes seraient des candidats en quelque sorte pré-désignés par les électeurs pour faire partie de la Commission dont la nomination intervient après l’élection du Parlement qui a désormais le pouvoir d’élire le président et d’approuver l’ensemble du collège. Cette réforme que j’avais proposée jadis au sein du Mouvement européen serait sans doute de nature à limiter l’abstention. Ce projet, bien que porté par un député britannique, Andrew Duff, appartenant au groupe des libéraux et d’orientation fédéraliste, a malheureusement toute chance de se heurter à un veto de Londres. Encore devrait-il être mieux connu et soutenu dans les pays qui souhaitent un renforcement de la démocratie européenne.

Immigration. Où est l'Europe ?

Paris, lundi 17 avril. Il existe un consensus autour de l’idée que l’immigration est un problème européen mais, dans la pratique, c’est le chacun pour soi qui domine. Le spectacle des querelles franco-italiennes à propos de Vintimille est scandaleux. Au refus de solidarité dans la prise en charge des réfugiés affluant à Lampedusa, les Italiens répondent en délivrant des permis de séjour. Le nombre de personnes susceptibles d’être accueillies dans l’Union et d’y bénéficier de la libre circulation et de la possibilité d’occuper un emploi devrait faire l’objet d’une décision prise à la majorité, en tenant compte, s’agissant des Tunisiens, de ce que leur pays a accueilli plusieurs centaines de milliers de réfugiés venant de Libye. Il conviendrait aussi d’harmoniser les droits sociaux des migrants et de prévoir un financement au moins partiel sur le budget de l’UE. Celle-ci devrait utiliser sa capacité de négociation pour obtenir des pays de la rive sud un contrôle des départs et l’acceptation des réadmissions en conditionnant toute aide de sa part ou de celle des Etats membres. A force de démontrer leur impuissance collective et d’étaler leurs querelles, les gouvernements alimentent un euroscepticisme destructeur. Le succès des « vrais Finlandais » en est le dernier exemple d’autant plus désolant qu’il vient d’un pays jusqu’à présent exemplaire.

Crise de l'euro ou crise de la solidarité ?

Platier 10 avril. Monnaie stable et recherchée, monnaie forte, trop forte pour les exportateurs mais protectrice pour les consommateurs de produits pétroliers, l’euro n’est nullement en crise. Ce qui est en crise, c’est la solidarité qui, si elle s’était manifestée rapidement aurait coûté moins cher, et qui aurait dû conduire à prêter aux pays en difficulté à des taux plus favorables, correspondant aux taux obtenus par le fonds de secours créé par l’UE. La manifestation organisée à Budapest par la Confédération européenne des syndicats est venue rappeler une évidence. Le coût de l’assainissement ne peut reposer exclusivement sur les pays en difficulté. Les gouvernements qui ont fermé les yeux sur les fraudes grecques ou sur le comportement aberrant des banques irlandaises ont leur part de responsabilité, tout comme les banques qui ont prêté à tout va. En venant au secours de la Grèce, de l’Irlande et du Portugal, l’Allemagne, la Grande-Bretagne et la France protègent leurs banques. Qui osera le rappeler à une opinion allemande devenue eurosceptique ? Où est le temps ou l’Allemagne proposait à la France un noyau dur fédéral ?

Une lettre au Monde

Paris, 4 avril . Voici la lettre que j’adresse au courrier des lecteurs du Monde.
L'Europe de la défense serait, selon Alain Frachon, morte et enterrée en Libye (le Monde daté du 1er avril). Mais, pour être morte encore eut-il fallu qu'elle ait connu auparavant un commencement d'existence ! Certes le traité de Lisbonne reconnait à l'Union européenne une compétence " pour définir et mettre en œuvre une politique étrangère et de sécurité commune, y compris la définition progressive d'une politique de défense commune ". Ainsi le récent accord franco-britannique sur la défense ne fait aucune référence à l'Europe. Pour que naisse une Europe de la défense, il faudrait qu'existe une fédération d'Etats et de citoyens conscients de l'unité de leur destin et désireux d'exister dans la mondialisation. Alain Frachon a raison de souligner que la Libye était l'occasion d'un premier pas. Elle n'a pas été saisie mais d'autres se présenteront. Ne désespérons pas qu'un jour des dirigeants plus éclairés comprennent et fassent comprendre à leurs peuples, dans ce domaine aussi, la nécessité de l'union.