27 mai 2010

Quelle crédibilité pour une union monétaire intergouvernementale ?

Paris, 27 mai. Hier soir, lors d’un dîner-débat organisé par Jacques Moreau autour de Stefan Seidendorf de l’Institut franco-allemand de Ludwigsburg et de René Lasserre du CIRAC, confirmation nous a été donnée de la conversion de l’Allemagne à l’Europe des Etats du général de Gaulle. A ceux qui s’en réjouiraient, je signale une information parue dans le Monde daté de ce jour, suivant laquelle la solidité de la monnaie unique ne sera assurée, aux yeux des Etats-Unis, tant que le système décisionnel de l’Union ne sera pas plus efficace. Mieux encore, le Secrétaire américain au trésor Geithner se serait plaint du renouveau du nationalisme économique allemand et aurait regretté que les Européens ne fassent pas l’effort nécessaire pour assurer une croissance forte. Il est vrai que la baisse du cours de l’euro inquiète d’autant plus les Américains qu’elle rend plus difficile la réévaluation du yen. La crédibilité de la gouvernance européenne en cours d’élaboration dépend du degré de fédéralisme qu’accepteront les gouvernements.

20 mai 2010

Concilier croissance et rigueur pour sauver l'euro

Paris 20 mai. Pour la première fois depuis sa création, l’existence de la monnaie unique est ouvertement mise en cause. Un assainissement des finances publiques des Etats membres de la zone plus rapide que prévu s’impose pour rassurer l’Allemagne et décourager la spéculation. Mais cet assainissement se révèlera socialement, donc politiquement, impossible sans un rythme de croissance sensiblement supérieur à celui des années qui ont précédé la crise. Il importe donc que les plans d’assainissement s’accompagnent d’un plan de développement ambitieux conçu et financé par l’UE. La réduction de l’endettement des Etats membres devrait s’accompagner d’un endettement de l’Union dont le crédit est intact. L’objectif du plan serait de mettre à profit la baisse de l’euro pour asseoir la compétitivité de tous les Etats membres de la zone dans un esprit de solidarité et d’acceptation d’une spécialisation industrielle plus poussée. La gouvernance économique commune dont le principe est enfin admis ne peut se borner à un système punitif à l’encontre des membres en difficulté. Elle doit comporter un aspect positif sans lequel le projet européen achèverait de perdre le soutien populaire sans lequel aucun progrès durable n’est possible.

17 mai 2010

Que voulons-nous ?

Platier, 17 mai
Voilà des années (depuis le temps où Bérégovoy était aux Finances) que la France réclame un « gouvernement économique » de la zone euro. A peine la Commission propose-t-elle un examen préalable des projets de budget nationaux que les protestations s’élèvent de toute part. A quoi servirait un gouvernement économique s’il ne pouvait exercer la moindre contrainte sur les Etats dont l’endettement excessif est à l’origine de la crise actuelle ? Le rétablissement de la confiance dans la monnaie unique ne dépend plus seulement du degré de solidarité consenti par l’Allemagne mais de l’acceptation par tous les Etats membres d’un exercice en commun de leur souveraineté dans le domaine de la politique économique, fiscale et budgétaire. Tant que des pas décisifs dans cette direction ne seront pas franchis, l’euro demeurera sous pression.
La question des dépenses militaires grecques est enfin posée à l’occasion du voyage de réconciliation à Athènes du premier ministre turc. Le doute ne subsiste pas moins sur la capacité de la Grèce d’honorer sa signature sans une profonde réforme de ses structures et de ses mœurs.

11 mai 2010

Une fois de plus l'Europe progresse dans la crise

Paris, 11 mai
De retour de Montréal où j’ai trouvé des admirateurs de l’œuvre de Monnet et Schuman et où nous avons débattu de l’avenir du couple franco-allemand, j’apprends à mon arrivée à Paris qu’un progrès inespéré est sorti de la crise : la création d’un mécanisme de soutien aux pays en difficulté et surtout la possibilité reconnue à la BCE de soutenir le crédit des pays membres de la zone euro. Mes doutes n’en demeurent pas moins sur trois points : le taux excessif des concours à la Grèce, le silence sur les réformes de l’Etat grec et la lutte contre la corruption, l’absence de mise en cause des dépenses militaires grecques.
Je joins copie de ma réponse à un eurosceptique périgourdin :
Les mauvais conseils d’Alain Bournazel
Sortez de l’euro, tel est l’impératif conseil qu’Alain Bournazel se croit en droit d’adresser à ses amis grecs dans l’Essor du 7 mai. A vrai dire, le conseil ne s’adresse pas qu’aux Grecs. C’est la monnaie unique qualifiée de piège qui est prise pour cible. A l’en croire, les Grecs nous rendraient service en nous montrant l’exemple. Comme beaucoup d’eurosceptiques, Alain Bournazel ignore que l’union monétaire répond à une nécessité plus politique que technique, celle de consolider l’œuvre de paix et de réconciliation entamée, il y a exactement soixante ans, par Jean Monnet et Robert Schuman, et cela alors que la réunification de l’Allemagne suscitait des doutes sur l’avenir du seul grand dessein qui ait illustré le dernier siècle.
Quelques questions ou observations :
1. Le prix pour la Grèce, en termes de niveau de vie, ne serait-il pas pire si elle devait faire face à ses dettes libellées en euros, avec une monnaie profondément dévaluée, conséquence inéluctable de son éventuelle sortie de l’union monétaire ?
2. La meilleure chance pour la Grèce de sortir d’un système de corruption généralisée qui l’apparente aux pays du tiers-monde, n’est-elle pas de resserrer ses liens avec l’UE, quitte à accepter une sorte de mise en tutelle provisoire, comme l’ont fait ses voisins des Balkans ?
3. On voit bien, par l’importance de décisions qui n’avaient que trop tardé, le prix que tous les pays membres de la zone euro attachent à la sauvegarde et à la pérennité d’un des acquis les plus précieux de leur entreprise.
4. L’Europe et son union ont souvent progressé dans les crises. Celle de la dette grecque aura démontré que partager une monnaie suppose une convergence des politiques et une organisation de la solidarité.

Robert Toulemon

04 mai 2010

Un accord tardif et contestable

Paris, 4 mai
L’accord enfin obtenu entre la Grèce, l’UE et le FMI sera beaucoup plus coûteux que ne l’aurait été une garantie donnée trois mois plus tôtpar l’UE aux emprunts grecs en contrepartie d’une mise en tutelle provisoire ayant pour objet la modernisation des administrations à commencer par l’administration fiscale. On ne voit pas comment la Grèce condamnée à un plan de rigueur si sévère qu’il condamne le pays à une période de récession pourra dégager les ressources nécessaires pour rembourser des prêts consentis au taux relativement élevé de 5%. On s’étonne que, Cohn-Bendit ait été seul à réclamer une réduction drastique du budget de défense grec, un des plus élevés d’Europe par tête d’habitant. Selon toute vraisemblance, cela se terminera par un rééchelonnement de la dette grecque. N’eut-il pas été préférable de consentir à la Grèce des prêts à taux modéré en contrepartie de réformes fondamentales de son Etat plus utiles dans le moyen terme que des mesures d’une rigueur si extrême qu’elles font courir le risque d’une explosion anarchique et d’un effondrement d’une démocratie encore fragile ?