27 décembre 2010

Les valeurs et les intérêts suivant Hubert Védrine

Paris, 26 décembre. Hubert Védrine disposera d’une chronique hebdomadaire en 2011 sur France Culture. Dans une intervention récente sur la chaîne, il a regretté, non sans motifs, que l’Europe défende mal ses intérêts, ajoutant que, sans une défense ferme des intérêts, celle des valeurs était illusoire. Pressé par les journalistes d’expliquer cette faiblesse de l’Europe, il s’est borné à observer que « le système n’est pas fait pour ça ». Explication un peu courte qui permet de ne pas mettre en cause la règle d’unanimité qui paralyse la politique étrangère européenne, ainsi que vient de le faire remarquer le ministre belge des Affaires européennes, à la lumière de son expérience d’exercice de la présidence. Le nouveau Service européen d’action extérieure qui est en train de prendre ses marques sous l’autorité de lady Ashton devrait contribuer à rapprocher les positions des gouvernements. Mais il lui manquera un atout essentiel, la menace de mettre un Etat en minorité. Le moment viendra où nos pays mesureront le coût du maintien intégral de leur souveraineté. Espérons qu’il ne sera pas trop tard.

22 décembre 2010

Hommage à Tommaso Padoa-Schioppa

Paris, 22 décembre. Un grand européen disparait. Tommaso Padoa-Schioppa ancien directeur général à la Commission et ancien ministre des Finances italien avait succédé à Jacques Delors à la présidence de l’association Notre Europe. Il figurait parmi les bâtisseurs de la monnaie unique mais aussi parmi ceux qui regrettaient son inachèvement. Dans un dernier entretien diffusé par Notre Europe, il signalait le double risque de l’endettement excessif et de mesures d’austérité trop brutales. Il soulignait que sans croissance l’assainissement des finances publiques est impossible. Il rappelait qu’une monnaie sans Etat est une cible logique pour la spéculation. Aussi souhaitait-il des progrès dans la direction d’un Etat européen par la création d’euro-obligations et d’un budget alimenté par des ressources ne transitant pas par les budgets nationaux et susceptibles de stimuler la croissance. Il avait accepté la fonction de conseiller pour la dette et la crise auprès du courageux premier ministre grec Georges Papandréou. Tommaso Padoa-Schioppa n’avait que soixante-dix ans. Son décès prématuré prive l’Europe d’un grand serviteur et l’Italie d’un citoyen exemplaire.

21 décembre 2010

La crise continue

Paris, 18 décembre 2010. Ce ne sont pas le refus franco-allemand d’utiliser la capacité d’emprunt de l’UE et plus encore le projet Cameron également soutenu dit-on par la France et l’Allemagne de bloquer le budget européen à son niveau actuel (moins de 1% du PIB) qui rendront sa crédibilité entamée à l’euro et à l’Europe. On cherche les hommes ou femmes d’Etat qui sauraient mettre à profit les difficultés actuelles pour proposer un nouveau pas en avant vers plus de discipline mais aussi plus de solidarité. Nul ne croit que la Grèce et l’Irlande pourront supporter le régime de cheval qui leur est administré et respecter leurs échéances. La persistance des incertitudes, la menace sur les autres pays endettés alimenteront les campagnes démagogiques proposant la solution de Gribouille : un éclatement de l’union monétaire qui, outre un appauvrissement massif des pays endettés, ruinerait les acquis inestimables de soixante ans de construction européenne.
On trouvera ci-dessous l’analyse de la crise qui m’a été demandée par la revue canadienne l’actualité fédérale à la suite de ma participation à un colloque commémorant l’appel de Robert Schuman.

Crise irlandaise, crise de l’euro, crise de l’Europe.

Les fédéralistes ont toujours affirmé que l’union monétaire européenne demeurerait fragile tant qu’elle ne prendrait pas appui sur une union politique. La crise actuelle en apporte une éclatante démonstration. Pour être durables, les solutions à la crise doivent marquer un renforcement concomitant de la discipline et de la solidarité au sein d’une union renforcée.
Les faiblesses d’une monnaie sans Etat
Après la crise grecque, celle que traverse l’Irlande est en fait le défi le plus grave auquel est confrontée la monnaie européenne depuis sa création. Les créateurs de l’euro avaient cru pallier l’absence d’un Etat et d’un budget fédéral par un « pacte de stabilité et de croissance ». Bien que le traité ait exclu tout renflouement d’un pays en difficulté, les marchés ont longtemps considéré que la zone euro constituait un tout. Tous les pays membres bénéficiaient de conditions de crédit avantageuses, proches de celles consenties à l’Allemagne. Certes des entorses au pacte auraient pu éveiller quelque soupçon : Italie et Belgique avaient été admises bien que leur endettement dépassât de loin la limite de 60% du PIB, les données statistiques venant de Grèce étaient douteuses, mais surtout les deux principaux pays de la zone, l’Allemagne et la France avaient obtenu en 2005 un assouplissement du pacte les exonérant de toute sanction financière pour déficit excessif.
Le climat d’inquiétude créé par la crise des crédits immobiliers américains contribua à dissiper les illusions concernant l’unité de la zone euro. La Grèce, dont le déficit budgétaire et l’endettement avaient été dissimulés, fut la première à susciter la méfiance de ses créanciers. La nécessité de lui venir en aide se heurta plusieurs mois durant à l’hostilité de l’Allemagne, bien que les banques allemandes eussent été les premières à souffrir d’un défaut grec. Ce temps d’attente imposé par la Chancelière Angela Merkel eut l’avantage de convaincre l’opinion grecque que le programme de rigueur qui lui était imposé était un moindre mal. Un accord associant le FMI intervint enfin dans la nuit du 10 mai 2010, mobilisant 750 millions d’euros. Le Fonds de stabilisation ainsi constitué empruntera sur les marchés en bénéficiant du triple A et prêtera à un taux plus élevé mais bien inférieur à celui qu’exigent des créanciers redoutant un défaut de remboursement.
L’Irlande allait être à l’automne la seconde cible de la méfiance des marchés. Son cas est différent de celui de la Grèce. Elle est le pays qui a tiré le plus de profit de son appartenance à l’UE, devenant en quelques années le plus riche, alors qu’elle en était jadis le plus pauvre. Son déficit gigantesque de plus de 30% du PIB s’explique par l’obligation où s’est trouvé le gouvernement irlandais de sauver des banques surdimensionnées et qui s’étaient livrées à une véritable orgie de crédits immobiliers. A la différence de la Grèce qui avait dû attendre pendant des mois le bon vouloir de l’Allemagne, le gouvernement de Dublin ne se résigna que péniblement à faire appel à une aide considérée par une large part de la population comme humiliante et attentatoire à la souveraineté nationale. En revanche, les partenaires de l’Irlande et les Autorités européennes souhaitaient une solution rapide afin d’éviter la contagion de méfiance qui menaçait de s’étendre au Portugal et à l’Espagne. L’accord intervenu fin novembre met l’Irlande à l’abri de la faillite. Le gouvernement irlandais s’est imposé un plan draconien d’économies comportant une baisse du salaire minimum et des allocations sociales mais s’est refusé, en dépit des pressions, à relever le taux de son impôt sur les bénéfices des sociétés qui, à 13,5%, lui a permis d’attirer nombre de firmes internationales, notamment américaines. Les plans d’assainissement grec et irlandais s’accompagnent de mesures sévères de restriction budgétaire dans la plupart des pays, y compris le Royaume-Uni qui ne fait pas partie de la zone euro mais qui participe cependant au sauvetage de l’Irlande.
Des progrès significatifs mais insuffisants
Le Fonds de stabilisation créé pour la Grèce et dont les interventions s’étendront à l’Irlande sera vraisemblablement pérennisé. La Banque centrale, dont le soutien aux banques en difficulté a joué un rôle décisif tout au long de la crise des crédits immobiliers, continue à intervenir pour assurer la liquidité des banques. La mise en place de trois agences de régulation, pour les marchés boursiers, pour les banques et pour les assurances et d’un comité de surveillance systémique auprès de la Banque centrale devrait réduire l’opacité des transactions et limiter la spéculation. Enfin une surveillance préventive des politiques budgétaires nationales s’appliquera dès 2011 dans la zone euro. Bien que ces mesures, dont certaines concernent l’ensemble de l’Union, représentent un progrès considérable, il n’est pas certain qu’elles apportent une solution durable à la crise, soit que l’Irlande et la Grèce ne puissent respecter les échéances de crédits assortis de taux d’intérêt relativement élevés, soit que la méfiance des marchés ne s’étende à d’autres pays. Les plans d’assainissement draconiens risquent de provoquer des troubles sociaux et politiques majeurs. La généralisation des politiques de rigueur menace l’économie européenne d’une longue période de stagnation. Enfin l’image de l’Europe est fortement détériorée à la fois auprès des débiteurs soumis à une cure d’austérité sans précédent et des principaux créditeurs, tout particulièrement allemands, irrités de payer pour l’imprévoyance de leurs partenaires. Le développement de l’euroscepticisme ne facilite évidemment pas la recherche de solutions coopératives par les gouvernements. Certains en viennent à prévoir l’éclatement de la zone euro, à tort car le coût pour tous, y compris l’Allemagne, serait inacceptable, sans parler de l’échec politique collectif qu’il signifierait pour les Européens.
Peut-on espérer un sursaut ?
Face au risque d’un prolongement, voire d’une extension de la crise, on peut souhaiter, sans trop y croire, qu’un sursaut se produise qui permettrait une sortie par le haut. Une déclaration en faveur d’un progrès concomitant de la solidarité et de la discipline rétablirait la crédibilité entamée de la zone euro. Les responsabilités de la crise sont partagées entre débiteurs imprudents et autorités européennes négligentes, Commission, Conseil et Banque centrale. Aussi serait-il justifié de consentir aux pays endettés des taux plus modérés et de plus longs délais pour le remboursement de leurs dettes, voire pour l’assainissement de leurs finances et le rétablissement de leur compétitivité. Transférer une part de l’endettement au niveau de l’UE aurait sans doute pour conséquence de faire baisser l’euro, ce qui serait un facteur favorable à la croissance et une réplique justifiée aux politiques de dumping monétaire pratiquées par la Chine et les Etats-Unis.
Enfin, pour compenser l’effet récessif des plans d’assainissement mais aussi pour donner une image plus positive de la politique européenne, conviendrait-il de mutualiser les moyens d’intervention en faveur des économies d’énergie, de la croissance verte, de l’innovation et de la recherche ainsi que de la lutte contre la pauvreté. Un budget fédéral alimenté par des ressources propres votées par le Parlement européen et complété par l’émission d’euro-obligations donnerait quelque chance au programme 2020 de ne pas connaître l’échec du décevant programme de Lisbonne. Les reproches qui sont adressés aux Allemands qui ont accompli de grands efforts pour mettre en ordre leurs finances lourdement affectées par le coût de la réunification sont contreproductifs et mal fondés. Cependant l’intérêt de l’Allemagne comme celui de ses partenaires est de préserver l’acquis politique, économique et humain que représente, au-delà de l’euro, l’Union européenne. Aussi n’est-il pas exclu que l’Allemagne, face à la menace d’un éclatement de l’euro, accepte un jour ce qui lui parait aujourd’hui inacceptable. Mais ses partenaires, notamment la France, devront comprendre que la solidarité ne saurait se limiter au domaine économique et monétaire. Seule une union politique d’inspiration fédérale pourrait assurer durablement l’avenir de l’euro.

19 décembre 2010

Retour à mon ancienne adresse

Paris, 19 décembre. Mon ancienne adresse " http://toulemon.blogspot.com " est redevenue opérationnelle. Ne plus utiliser celle-ci. Regrets pour le désagrément et meilleurs voeux de Noël.

Une panne de communication

Paris, 19 décembre. Pour une raison qui m’échappe, mes lecteurs n’ont pu trouver mes messages depuis celui du mois d’août sur les Roms. L’aide d’une de mes petites-filles, Elodie, me permet enfin de réparer cette panne. Vous pouvez donc si vous le souhaitez prendre connaissance de mes messages de septembre à décembre qui n’étaient accessibles qu’à partir d’une adresse modifiée. Mon ancienne adresse
« http:// toulemon.blogspot.com » est redevenue opérationnelle. J’adresse à mes lecteurs mes excuses en même temps que mes meilleurs vœux de Noël.

Pourquoi la crise actuelle donne raison aux fédéralistes.

Paris, 1er décembre. Les fédéralistes ont toujours affirmé que l’union monétaire demeurerait fragile tant qu’elle ne prendrait pas appui sur une union politique. La crise actuelle en apporte une éclatante confirmation. Elle trouve son origine dans l’inexistence d’un budget commun de nature à soutenir la croissance, l’emploi et la réduction de la pauvreté, dans l’incapacité des institutions à faire respecter le pacte de stabilité dont même l’Allemagne s’est un moment exonérée pendant que tous mettaient à profit la protection de l’euro pour s’endetter à tout va. Les marchés, c'est-à-dire les détenteurs des créances sur les Etats surendettés, ont mis longtemps à déceler la faille du système, à savoir qu’en l’absence d’une solidarité politique totale, une créance sur la Grèce ou l’Irlande, pour ne pas citer les autres, bien que libellée dans la même devise, ne valait pas une créance sur l’Allemagne.
Il est douteux que les plans de sauvetage laborieusement échafaudés pour la Grèce puis pour l’Irlande suffisent à résoudre la crise, car ces pays ne pourront pas supporter les taux d’intérêt élevés qui leur sont imposés. Une solution durable consisterait à leur consentir des taux plus modérés et de plus longs délais pour l’assainissement de leurs finances. Cela supposerait une utilisation massive de la capacité d’emprunt de l’Union en même temps que la mise en commun des moyens d’intervention susceptibles de soutenir la recherche, la croissance, l’emploi et la lutte contre la pauvreté, autrement dit pratiquer le fédéralisme budgétaire recommandé par le président de la Banque centrale. Transférer l’endettement au niveau de l’UE aurait sans doute pour conséquence de faire baisser l’euro ce qui serait un facteur de retour à la croissance et une réplique justifiée aux politiques de dumping monétaire pratiquées par la Chine et les Etats-Unis. En même temps, l’affirmation d’une solidarité complète des membres de la zone euro rétablirait la crédibilité entamée de l’Europe en construction.
Le principal obstacle à cette politique n’est autre qu’un certain dogmatisme germanique coloré d’un euroscepticisme nouveau. Ce qui apparait comme un refus allemand de solidarité peut se comprendre. Les Allemands qui ont accompli de grands efforts pour mettre en ordre leurs finances en ont assez de payer pour les cigales imprévoyantes. Il appartient cependant à ceux qui ont toujours soutenu l’entente franco-allemande de rappeler à notre principal partenaire à quoi il s’expose en imposant des plans d’assainissement économiquement peu crédibles et socialement insupportables. Ces plans, à moins d’être profondément modifiés, ne peuvent conduire qu’à un éclatement de l’union monétaire se traduisant par des mouvements de change considérables et une nouvelle crise dont l’Allemagne serait la première victime, sans parler du recul dramatique du processus d’union qui demeure le seul gage d’avenir de notre continent.
Aux grands maux, les grands remèdes : budget commun alimenté par des ressources propres votées par le Parlement européen, recours significatif à la capacité d’emprunt de l’Union, discipline stricte des finances nationales et progrès dans l’harmonisation fiscale et la lutte contre la pauvreté. Tout cela est aujourd’hui parfaitement irréaliste, pas seulement du fait des Allemands mais aussi d’une vague souverainiste favorisée par la crise et d’une impopularité de l’Europe en train de devenir un épouvantail à l’égal du FMI. Faut-il attendre d’une aggravation de la crise le réflexe salvateur qui referait de l’Europe le motif d’espérance qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être ?

Messages de Novembre

Que devient la Défense européenne après l’accord Cameron-Sarkozy ?

Platier 2 novembre. Contrairement à l’accord de St Malo, le nouvel accord franco-britannique sur la Défense ne contient aucune allusion au concept de Défense européenne pourtant réaffirmé dans le traité de Lisbonne. On ne peut que se féliciter que sous la pression des nécessités budgétaires, Londres et Paris décident de mutualiser une partie de leurs efforts. Mais l’absence de toute référence à l’Europe de la Défense aura des conséquences. Elle contribuera à persuader aux Britanniques qu’ils peuvent sans inconvénient se tenir en marge de l’Europe politique, elle irritera d’autres partenaires, les Allemands dont le concours est cependant indispensable, les Polonais qui ont affirmé leur intention de mettre la Défense européenne parmi les priorités de leur présidence, sans parler des plus petits pays. Elle achèvera de marginaliser l’agence de Défense dont on se demande quel sera le rôle désormais. Enfin et c’est là le plus grave, elle contribuera à vider de contenu la politique étrangère et de sécurité commune. J’attends avec curiosité les commentaires de la baronne Ashton sur cet accord.

Bonnes nouvelles dans les Balkans mais…

Paris 8 novembre. L’UE a répondu à l’appel au secours de la Grèce submergée d’immigrants illégaux venant de Turquie en lui envoyant une équipe de garde-frontières. Les électeurs grecs semblent accepter la cure d’austérité qui leur est imposée en ne désavouant pas leur courageux Premier ministre lors des dernières élections. La Croatie et la Serbie ont accompli un premier geste de réconciliation inspiré par leur désir de se rapprocher de l’UE. Mais ces succès de l’Europe ne nous font pas oublier l’humiliation que nous inflige ces jours-ci notre faiblesse face à une Chine trop heureuse de mettre à profit notre absence d’unité.
Faiblesse structurelle du G20
Paris, 13 novembre. En l’absence d’un organe en charge de l’intérêt commun et de règles institutionnelles de prise de décision, le G20 souffre des défauts structurels propres aux assemblées interétatiques où règne la loi du plus fort ainsi que l’a fait observer Attali à partir de son expérience de sherpa de Mitterrand. Le G20 apparait comme un substitut à l’absence de réforme des Nations Unies. Sa création n’a été décidée par aucun traité ce qui limite sa légitimité et rend difficile la prise de décisions n’intéressant pas seulement ses membres mais l’ensemble de l’humanité.

Pourquoi un impôt européen serait dans l’intérêt des contribuables.

Paris, 21 novembre. Des personnalités éminentes de droite et de gauche, parmi lesquelles Jacques Delors, Tommaso Padoa-Schioppa, Alain Lamassoure, Pascal Lamy, Jean-Louis Bourlanges, Sylvie Goulard ont publié dans le Figaro un appel en faveur d’un retour à des ressources propres de l’UE qui permettraient de mettre fin au système des contributions nationales. Le principal argument à l’appui de cette proposition est celui d’un meilleur usage des fonds publics. Dans les domaines de la Défense, de la recherche, des réseaux, de la santé, un financement européen qui ne devrait pas s’ajouter mais se substituer aux financements nationaux serait un puissant facteur d’économie par l’élimination de nombreux doublons. Il serait aussi un élément de renforcement de l’union monétaire dont on voit qu’elle demeurera fragile tant qu’elle ne prendra pas appui sur une union politique et fiscale. Malheureusement, l’attitude de l’Irlande qui fait la fine bouche devant une aide européenne qui aurait pour contrepartie un début d’harmonisation fiscale en dit long sur la résistance des souverainetés nationales.
Faiblesse de la présidence européenne

Paris, 12 octobre. Lors de la récente réunion entre Asiatiques et Européens à Bruxelles en présence des chefs de gouvernement, les Asiatiques semblent avoir hésité à accepter que la présidence européenne soit assurée par M. Van Rompuy et non par l’un des chefs de gouvernement. Cet incident est révélateur du chemin qui reste à parcourir pour que l’UE soit reconnue sinon comme une puissance – elle en est encore loin -- mais comme un acteur mondial. On voit aussi par là ce que l’Europe gagnerait en réunissant sur la même tête les fonctions de président du Conseil européen et de la Commission européenne, tout comme Mme Ashton réunit sur sa tête les fonctions de vice-présidente de la Commission et de présidente du Conseil des ministres des Affaires étrangères.

Une Europe active mais invisible

Paris 21 octobre.
Des décisions importantes démentent l’impression de paralysie que donnait l’UE depuis des mois : création d’un système de supervision financière, réglementation des fonds spéculatifs, renforcement du pacte de stabilité et de croissance, ouverture d’un dialogue avec la Russie. Mais ces bonnes nouvelles sont largement passées inaperçues et pas seulement à cause de la crise des retraites. Un grand débat s’engage sur le financement de l’Union pour lequel la Commission propose la création de ressources qui lui soient propres, c'est-à-dire le transfert de certaines ressources fiscales à l’Union, faute de quoi le programme 2020 connaîtrait le sort du programme de Lisbonne. Le Parlement européen semble favorable. Mais l’exigence d’unanimité au Conseil ne permet guère d’être optimiste. Une mobilisation générale de l’opinion sur le thème « arracher l’Europe au déclin » serait nécessaire. D’où pourrait-elle venir ?

Hommage à Max Kohnstamm

Platier, 27 octobre Avec Max Kohnstamm disparait un des derniers proches collaborateurs de Jean Monnet. Après avoir participé aux négociations d’où sortira la première Communauté européenne, celle du charbon et de l’acier, il deviendra, en 1952, le premier secrétaire général de la « Haute Autorité ». Après l’échec du projet de Communauté de Défense, il accompagnera Monnet au comité d’action pour les Etats-Unis d’Europe dont il sera le secrétaire général. Tous ceux qui ont eu la chance de connaître Max Kohnstam gardent le souvenir d’un homme inébranlable dans ses convictions, modeste dans leur expression, d’une finesse et d’une lucidité sans égales. On imagine le chagrin qu’il dut éprouver après les deux référendums de 2005, alors que les Pays-Bas opposèrent un non encore plus net que celui de la France au projet de traité constitutionnel européen. Sa disparition coïncide avec la mise en place, sous l’autorité de madame Ashton du nouveau Service européen d’action extérieure dont l’ambassadeur Pierre Vimont sera le secrétaire général. Puisse la nouvelle diplomatie européenne s’inspirer de l’engagement et de la sagesse de ce grand Européen.

Finance et Défense : progrès et stagnation

Paris, 1er octobre. La création enfin décidée, avec l’accord du nouveau gouvernement britannique, de trois agences de supervision financière pour les marchés à Paris, pour les banques à Londres, pour les assurances à Francfort, marque un incontestable progrès qui eût été impensable avant la crise. La mise au point de la discipline budgétaire et des sanctions en cas de manquement se révèle plus laborieuse, plusieurs pays dont la France refusant le système automatique proposé par l’Allemagne et la Commission.
Ce matin, lors d’un colloque du Centre international de Sciences Po, l’ancien ministre Jouyet a regretté les réticences françaises face à une récente proposition polonaise de création d’une avant-garde germano - franco - polonaise dans ce domaine. L’ambassadeur polonais Orlowski a confirmé cette information et s’est étonné de l’absence de toute référence à la Défense européenne dans le récent discours du président Sarkozy aux ambassadeurs, préférence semblant être désormais donnée à la coopération bilatérale avec Londres.

Note pour le Mouvement européen

Paris, 5 octobre. Ceux qui ont lu mon dernier blog comprendront les raisons de mes propositions au Mouvement européen. La réaction du ministre Hervé Morin contre l’initiative polonaise lors d’une réunion du Nouveau Centre était diamétralement opposée à celle de l’ancien secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, Jean-Pierre Jouyet. Le même Jouyet s’est élevé contre l’opinion répandue en France suivant laquelle l’UE à 27 ne pourrait rien faire à cause des nouveaux membres, alors que ce sont les disputes des trois « grands » qui paralysent l’Union.
Voici mes propositions :
Importance des décisions de septembre sur la supervision financière et la prévention du risque systémique. Ces décisions de grande portée sont passées inaperçues. Voir l’article de Lamassoure dans le dernier numéro de la Revue Politique étrangère. Il appartient au MEF de les faire connaître.
Eclaircissement sur l’ingouvernabilité de l’Union. Les insuffisances de l’UE en politique étrangère, le refus d’équilibrer les politiques nécessaires d’assainissement budgétaire par un accroissement substantiel des financements communautaires, d’élargir à cette fin le budget commun, de créer des ressources propres, d’utiliser les capacités d’emprunt de l’UE ne sont pas le fait des nouveaux adhérents mais plutôt des plus grands pays, y compris la France. A contrario, les décisions de septembre ont montré que l’Union à 27 fonctionne quand ceux-ci s’entendent.
Soutenir les efforts enfin entrepris par la Commission et le Parlement en vue de créer des ressources propres et d’autoriser le recours à des emprunts européens en vue de financer le programme Europe 2020.
Tendance à substituer la coopération bilatérale franco-britannique au concept de Défense européenne que récuse le nouveau gouvernement britannique alors que la Pologne souhaite mettre de thème parmi les priorités de sa présidence. Un contact avec les Polonais serait intéressant.
Mode d’élection du Parlement et partis transnationaux. Ne pourrait-on exiger que les candidats se rattachent à un parti transnational. Chaque parti devrait se présenter dans un nombre minimum de pays et proposer solennellement un programme européen au moins deux mois avant l’élection. Voir à ce sujet les propositions présentées récemment par Alain Lancelot dans la Revue Commentaire.

Leçons à tirer de l’affaire des Roms

Paris, 24 septembre Après une interruption résultant de problèmes de connexion qui me demeurent mystérieux, je reprends mes commentaires personnels de l’actualité européenne. Le moment est venu de tirer les leçons de l’affaire des Roms. La première est le rappel bienvenu de la dimension politique et humaine et pas seulement économique de l’Union européenne. La deuxième est la règle de respect mutuel qui doit marquer les rapports entre les institutions de l’Union et entre celles-ci et les autorités nationales. La troisième est la nécessité d’un contrôle plus strict de l’usage que les dites autorités font de l’argent qu’elles reçoivent de Bruxelles, ce qui suppose que les Etats membres acceptent et facilitent ce contrôle, ce qui n’est pas toujours le cas. La quatrième est l’urgence d’un programme destiné à éliminer les poches de grande pauvreté qui demeurent et pas seulement celles dont souffrent les Roms. Parmi les maladresses dont nos autorités se sont rendues coupables dans cette malheureuse affaire, on a surtout retenu la stigmatisation des Roms. Tout aussi grave et gravement préjudiciable à notre influence en Europe me parait être l’habitude de nous prévaloir de notre qualité de « grand » pays, au mépris d’un des principes fondamentaux de l’Union : l’égale dignité des Etats membres qui ne fait pas obstacle à des droits de vote variant en fonction des populations respectives.

Hubert Védrine et la fédération d’Etats-nations

Platier, 10 septembre. Dans un entretien donné au journal La Croix, l’ancien ministre des Affaires étrangères se rallie au concept delorien de la fédération d’Etats-nations avant de déclarer de manière catégorique : « Je ne suis pas fédéraliste » Je me propose de lui demander une explication au sujet de cette contradiction sémantique. En attendant, l’actualité se charge de nous montrer ce que les Européens perdent, en terme d’influence mondiale à se présenter en ordre dispersé, à déterminer leur position à l’unanimité, à ne pas disposer, sauf en matière commerciale, d’un porte-parole commun. Ainsi l’accord très bienvenu obtenu à Bruxelles sur la régulation financière ne garantit en rien que l’Europe sera capable de défendre une position commune sur cette question capitale dans les enceintes mondiales. On risque de voir se répéter le spectacle de Copenhague à propos du climat. Autre exemple désolant de la faiblesse collective des Européens : leur absence de la conférence entre Israël et les Palestiniens, dont le succès bien incertain repose entièrement sur l’autorité du seul président des Etats-Unis.

25 août 2010

Les Roms, problème européen

Platier 25 août. La déclaration récente de Dany Cohn-Bendit proclamant que la solution du problème Rom était européenne a suscité une large approbation, celle notamment d’Alain Juppé et aucune contestation. Mais à ma connaissance, aucune formulation concrète sur la nature des solutions n’a été avancée à Bruxelles ou dans les capitales. La raison en est sans doute que toute solution suppose un financement européen. Le refus d’augmenter le budget de l’UE et plus encore celui de la doter de ressources propres paralyse son action dans tous les domaines. Or s’il est un domaine qui devrait relever de la solidarité européenne, c’est celui des migrations extérieures et intérieures. Un programme européen ambitieux d’intégration des Roms en priorité là où ils se trouvent s’impose au même titre qu’un programme visant les immigrés accueillis sur les côtes méridionales de l’Union, à Malte notamment, programme comportant, pour certains, une réinstallation dans le pays d’origine, pour d’autres, le droit de travailler dans l’UE. On attend un grand débat européen sur ces thèmes.
Je prie les habitués de ce blog d’excuser un silence d’une dizaine de jours.

13 août 2010

Méhaignerie contre l'impôt européen

Platier, 13 août. Voici le courriel que j’adresse ce jour à Pierre Méhaignerie, ancien ministre et leader centriste rallié à l’UMP.
Monsieur le Ministre,
Vous êtes l’un des plus éminents représentants du courant centriste au sein de l’UMP et nous sommes nombreux à avoir apprécié vos prises de position courageuses en matière fiscale et sociale. Votre récente condamnation de l’initiative du Commissaire polonais visant à doter l’UE de ressources fiscales qui lui soient propres n’aura pas manqué de surprendre tous ceux qui vous considéraient comme un défenseur de l’intégration européenne au sein du parti majoritaire.
Votre argument principal est celui de l’impopularité d’une telle proposition. Outre que le mérite d’un homme d’Etat est de soutenir parfois des mesures impopulaires, il ne devrait pas être très difficile de faire comprendre aux contribuables qu’un impôt européen se substituant aux actuelles contributions nationales n’augmenterait pas leur charge globale mais permettrait un meilleur usage de l’argent public par la rationalisation que permet la substitution d’une action commune à de multiples actions nationales plus ou moins bien coordonnées. L’institution d’une fiscalité européenne aurait en outre l’avantage d’éliminer les marchandages irritants autour des contributions nationales ainsi que les rabais arbitrairement consentis d’abord au Royaume-Uni puis à plusieurs autres Etats. En revanche, un prélèvement opéré sur les mêmes bases (transactions financières, énergie, carbone, billets d’avion, fraction de TVA ou des bénéfices des sociétés) varierait dans le temps et dans l’espace en fonction d’éléments objectifs.
Vous n’avez pas tort de douter des chances d’aboutir d’une telle proposition. Mais est-ce aux défenseurs de la politique européenne de combattre une initiative si conforme à la pensée des Pères fondateurs ? Ne vaudrait-il pas mieux s’interroger sur la possibilité de l’expérimenter au sein d’un groupe restreint, le couple franco-allemand, les Etats fondateurs, la zone euro ?
Je vous prie d’agréer, monsieur le ministre, l’expression de ma considération distinguée.
Robert Toulemon

10 août 2010

Une Union de 500 millions d'habitants

Platier, 10 août. Nous avons appris ces jours-ci que la population de notre Union européenne avait dépassé les 500 millions d’habitants. On aurait aimé que cette annonce soit l’occasion d’une déclaration des plus hautes autorités de l’Union, le président de la Commission, le nouveau président à temps complet du Conseil européen, appelant les citoyens de l’Union à la fierté d’appartenir à un aussi vaste ensemble de peuples ayant uni librement leurs destins et leur montrant la voie à suivre pour relever les défis auxquels ils sont confrontés. Le développement de l’euroscepticisme, la crise économique et sociale expliquent, sans les justifier, le profil bas des dirigeants de l’Union. La même frilosité a conduit à éliminer toute référence aux symboles dans le traité de Lisbonne. Jusqu’à présent la France ne s’est pas associée à la démarche d’une majorité d’Etats membres proclamant leur attachement à ces symboles, ce qu’a regretté, à plusieurs reprises, le Mouvement européen. Les grands hommes d’Etat sont ceux qui entraînent les peuples sur des voies qu’ils n’emprunteraient pas spontanément. La vocation de l’UE est de parachever son union et d’en proposer le modèle aux autres continents et à l’humanité entière. On attend les hommes ou les femmes qui oseront proposer aux Européens une grande ambition.

02 août 2010

Les corporatismes contre l'Europe. Suite

Platier, 2 août. Je n’imaginais pas que le relai de l’opposition à la création d’un service européen intégré par certains contrôleurs du ciel serait en quelque sorte repris par un mouvement de diplomates italiens. Le pays longtemps le plus fédéraliste d’Europe devrait comprendre que la logique de l’intégration conduit, en tous domaines, à rechercher plus de résultats avec des moyens plus réduits. La mise en place prévue au 1er décembre prochain d’une diplomatie européenne sous la forme du SEAE (Service européen d’action extérieure) qui sera placé sous l’autorité de lady Ashton et dont le principal objet sera de rapprocher les conceptions traditionnelles des politiques étrangères des Etats membres n’aurait guère de sens si elle ne s’accompagnait pas d’une réduction au moins équivalente des moyens des diplomaties nationales qui, au demeurant, sont appelées à fournir 40% des effectifs du SEAE. Ce n’est pas en conservant des corps diplomatiques nationaux globalement pléthoriques si on les compare à celui de la première puissance mondiale mais individuellement affaiblis par les restrictions budgétaires et plus encore par leurs rivalités héritées de la longue et triste Histoire des conflits inter-européens que l’Union pourra exercer dans le monde une influence correspondant à sa population de 500 millions d’habitants, à son produit économique le premier du monde et à sa contribution à la civilisation humaine encore inégalée.

24 juillet 2010

Les intérêts corporatistes contre l'Europe

Platier, 24 juillet. Un rapprochement entre l’opposition d’une partie, heureusement minoritaire, des aiguilleurs du ciel français à la création d’un contrôle du ciel européen intégré qui exigerait sans doute un peu moins de personnel et la résistance des ministères des finances de la zone euro à la fusion des représentations au FMI paraîtra saugrenue à certains. Dans un cas comme dans l’autre, à des niveaux différents, on se trouve en présence d’un conflit entre l’intérêt collectif, meilleure efficacité pour un moindre coût dans le contrôle aérien, poids accru de l’Europe dans la bataille pour un nouvel ordre monétaire et financier dans la représentation au FMI. Dans combien d’autres domaines, le poids des intérêts particuliers, s’ajoutant à la domination de la pensée néo-libérale, prive les citoyens des bénéfices que pourrait leur procurer l’utilisation de la dimension européenne ! Mon ancien collègue Pierre Defraigne vient d’en faire la démonstration dans une étude passionnante sur laquelle je reviendrai prochainement.

19 juillet 2010

Rappel d'une occasion manquée

Platier, 19 juillet. Le massacre de 8000 Bosniaques musulmans par les troupes du général serbe Mladic sous les yeux de casques bleus néerlandais impuissants, dont on vient de célébrer le 15ème anniversaire, a été le point d’orgue de la série d’atrocités qui ont accompagné l’éclatement de la Yougoslavie. Tout avait commencé en 1991 avec le siège de la ville croate de Vukovar qui s’acheva par un massacre de moindre ampleur mais de même nature. Au même moment, les gouvernements de la Communauté négociaient ce qui allait devenir le traité de Maastricht dont l’un des objets était de jeter les bases d’une politique étrangère commune. Français et Britanniques penchaient pour les Serbes en fonction de souvenirs remontant à 1914, du moins les dirigeants, car les opinions étaient révoltées par les violences des Serbes. Les Allemands étaient sensibles aux malheurs de la Croatie et de la Bosnie-Herzégovine, anciennes provinces de l’empire des Habsbourg, ce qui les conduisit à reconnaître unilatéralement l’indépendance des deux victimes. Voilà comment, en dépit des invites de Washington considérant qu’il appartenait à l’Europe de mettre de l’ordre dans son arrière-cour, une occasion a été manquée de fonder dans la réalité cette union politique demeurée à l’état de vœu pieux. Une intervention militaire, dès 1991, aurait coûté des vies humaines mais en aurait épargné infiniment plus. Bénéficiant d’un large soutien de l’opinion, elle aurait montré aux peuples à quoi pouvait servir l’Europe. Espérons que l’Union d’aujourd’hui ne sera pas confrontée à semblable test par le réveil inquiétant des nationalismes. Serait-elle, mieux qu’en 1991, capable de le relever ?

10 juillet 2010

La régulation financière se fait attendre

Platier 10 juillet Les péripéties de l’affaire Woerth - Bettencourt ne devraient pas détourner l’attention du retard pris par les Européens dans la réglementation de la finance, retard que vient de dénoncer vigoureusement l’ancien ministre Jouyet, aujourd’hui président de l’Autorité des marchés financiers. Comme d’habitude, les gouvernements, en premier lieu celui de Londres, renâclent à créer une nouvelle Autorité européenne, même s’ils en reconnaissent la nécessité. Les progrès semblent un peu plus encourageants sur la gouvernance économique. Un débat préalable au vote des budgets nationaux est acquis. Pervenche Bérès, présidente de commission au Parlement européen, a fait une proposition intéressante au sujet des sanctions à prévoir à l’encontre des pays en infraction : une hausse obligatoire de leur taux de TVA, ce qui, contrairement aux amendes, accroîtrait leurs recettes. Mais, peut-on créer une sanction sans un amendement aux traités ?

04 juillet 2010

Un succès peu médiatisé

Platier, 4 juillet. Conseil, Commission et Parlement sont parvenus à un accord sur les conditions de mise en œuvre des dispositions du traité de Lisbonne prévoyant la création d’un Service européen d’action extérieure (SEAE), autrement dit d’un ministère des Affaires étrangères et d’un corps diplomatique européen dans lequel s’intègreront les délégations établies par la Commission dans les principales capitales, des agents du Secrétariat du Conseil et des diplomates venus des Etats membres. Les agents venus de la Commission représenteront au moins 60% de l’ensemble. Il est juste d’attribuer en grande part le mérite de ce succès à Lady Ashton qui a réussi à rapprocher les positions au départ fort éloignées du Conseil et du Parlement. La tâche de ce service sera d’abord de rapprocher les positions des diplomaties nationales sur les grands sujets qui agitent la scène mondiale afin d’élargir peu à peu le domaine dans lequel une politique étrangère commune devient possible. Il lui appartiendra ensuite de veiller à la bonne application de cette politique par les Etats membres et à sa compréhension par les partenaires extérieurs. On sous-estime généralement ce que l’Europe perd, y compris au plan de l’économie, à demeurer un nain politique faute de disposer d’une politique étrangère commune. Jamais la coopération interétatique ne permettra à l’Union de devenir un acteur mondial. Soumise au bon vouloir des grands Etats, elle demeure précaire et suscite la méfiance des moyens et des petits. L’Europe existera quand Washington, Pékin, Moscou et les autres s’apercevront qu’il vaut mieux traiter avec l’Union plutôt qu’avec chacun des Etats. On en est encore loin.

29 juin 2010

Less leçons du G 20

Platier, 29 juin Des résultats du G20 de Toronto, ou plutôt de son absence de résultats, se dégagent quelques enseignements. Tout d’abord la stérilité de la coopération interétatique en l’absence d’une instance indépendante d’initiative et de proposition. Seul le Secrétariat général des Nations Unies serait en mesure de défendre le bien public mondial. Ainsi le projet visant à substituer le G20 à l’ONU n’a pas d’avenir. Ensuite nul ne sait où situer le curseur entre la lutte contre la spirale des endettements et la relance de l’économie. Le fait que chacun des Européens entend déterminer lui-même la positon du curseur aggrave les difficultés globales de l’Europe et de l’euro. Les discussions sur le futur financement de l’Union vont commencer. Ce devrait être l’occasion d’envisager la substitution d’une fiscalité européenne aux contributions nationales suivant les propositions d’Alain Lamassoure, président de la commission des budgets au Parlement européen. Ce devrait être aussi l’occasion de compléter les plans de rigueur nationaux par un programme commun de relance par l’investissement et l’innovation. Qu’attend la Commission pour faire entendre la voix du long terme et de l’intérêt général ?

25 juin 2010

Campagne électorale au Mouvement européen France

Platier, 25 juin. Sylvie Goulard dont il est juste de saluer l’action à la présidence du Mouvement européen France a jugé incompatible la poursuite de sa présidence avec son mandat de députée européenne obtenu en Bretagne à la tête d’une liste du Modem. Les conditions dans lesquelles elle a préparé sa succession au profit de Christian Philip sont controversées. Ce dernier comme ses concurrents, Jean-Marie Cavada, lui aussi député européen, le professeur Jean-Luc Sauron et Guy Hollman ont largement utilisé Internet pour faire connaître des projets et des intentions aussi sympathiques les uns que les autres. Espérons que la vigueur de leur compétition de les empêchera pas de travailler ensemble quand l’un d’entre eux aura triomphé. Espérons aussi que le nouveau président s’efforcera de faire du MEF le point de rencontre de tous les Mouvements qui militent pour l’intégration européenne et de renforcer les liens avec à la fois les Mouvements des autres pays de l’Union et avec le Mouvement européen international. Meilleurs vœux à celui qui sera élu ce soir.

16 juin 2010

Un texte de Churchill daté d'octobre 1942

Paris, 16 juin 2010 Mon fils Etienne me communique une lettre écrite par Churchill à son Secrétaire aux Affaires étrangères Anthony Eden, reproduite par le grand homme dans ses Mémoires. En voici un extrait : « C’est surtout à l’Europe que je pense, à la restauration de la splendeur de l’Europe, mère des nations modernes et de la civilisation. Ce serait un désastre immense si la barbarie russe submergeait la culture des anciens Etats européens. Quoi qu’il soit bien difficile d’en juger actuellement, j’aime à croire que la famille européenne pourra se rassembler afin d’agir en commun sous l’autorité d’un Conseil de l’Europe. Ce que j’attends, ce sont des Etats-Unis d’Europe dans lesquels les barrières entre nations seraient considérablement réduites, et où l’on pourrait circuler sans restriction. J’espère que l’on étudiera l’économie de l’Europe comme un tout. J’espère que l’on instituera un conseil, qui … disposerait d’une police internationale… Nous aurons, naturellement, à travailler avec les Américains… mais l’Europe reste notre premier souci.» Cette lettre est datée du 27 octobre 1942.

11 juin 2010

Ce qui manque à l'euro

Paris, 11 juin. La constitution d’un fonds de soutien de l’euro dont les emprunts seront garantis à 120% par chacun des Etats participants et auquel Polonais et Suédois ont annoncé leur volonté d’adhérer est une excellente nouvelle. Cependant la confiance dans la monnaie européenne ne semble pas encore totalement rétablie. Un débat difficile est ouvert entre ceux qui, tels les Allemands et les Néerlandais, donnent priorité au rétablissement de finances publiques rongées par le recours excessif à l’endettement et ceux qui, tels que nous, redoutent le risque de casser une reprise à peine amorcée. Ce devrait être le rôle de la Commission de proposer un compromis entre deux thèses dont chacune recèle une part de vérité. L’Europe retrouvera la confiance du monde quand elle adoptera un plan à moyen terme de réduction de la dette assorti de garanties politiques et juridiques et mieux encore si elle décidait d’utiliser sa capacité d’emprunt au soutien de la recherche et de l’innovation et pas seulement à des fins de garantie monétaire. Le meilleur atout des Européens, c’est leur unité.

03 juin 2010

Un conseil de Jacques Barrot

Paris, 3 juin A la fin d’un déjeuner-débat du club Europe-AFEUR d’ARRI, où il avait avec beaucoup de talent dressé un tableau de l’Europe à la lumière de son expérience de Commissaire, Jacques Barrot m’a mis en garde contre un excès de pessimisme de nature à encourager l’euroscepticisme. En effet pour le commentateur engagé de l’actualité européenne, la marge est étroite entre la dénonciation de ce que pourrait faire l’Union si on lui en donnait les moyens et la reconnaissance des bienfaits que nous lui devons et de ses progrès peu médiatisés car moins spectaculaires que les échecs. Un exemple : faut-il se réjouir de la création d’un mécanisme de garantie financière ou déplorer qu’il prenne la forme de 27 fonds nationaux plutôt que celle d’un fonds commun ? Autre indication inquiétante donnée par Barrot : l’impossibilité de recourir au vote au sein d’une Commission composée d’un commissaire par Etat, sans considération des populations avec pour résultat l’affaiblissement de la collégialité, un Commissaire pouvant s’opposer à la volonté majoritaire, comme on l’a vu à propos de l’harmonisation de l’assiette de l’impôt sur les sociétés. Qu’attend-on pour réfléchir à ce que deviendra la Commission après l’adhésion des nombreux petits Etats des Balkans occidentaux ?

27 mai 2010

Quelle crédibilité pour une union monétaire intergouvernementale ?

Paris, 27 mai. Hier soir, lors d’un dîner-débat organisé par Jacques Moreau autour de Stefan Seidendorf de l’Institut franco-allemand de Ludwigsburg et de René Lasserre du CIRAC, confirmation nous a été donnée de la conversion de l’Allemagne à l’Europe des Etats du général de Gaulle. A ceux qui s’en réjouiraient, je signale une information parue dans le Monde daté de ce jour, suivant laquelle la solidité de la monnaie unique ne sera assurée, aux yeux des Etats-Unis, tant que le système décisionnel de l’Union ne sera pas plus efficace. Mieux encore, le Secrétaire américain au trésor Geithner se serait plaint du renouveau du nationalisme économique allemand et aurait regretté que les Européens ne fassent pas l’effort nécessaire pour assurer une croissance forte. Il est vrai que la baisse du cours de l’euro inquiète d’autant plus les Américains qu’elle rend plus difficile la réévaluation du yen. La crédibilité de la gouvernance européenne en cours d’élaboration dépend du degré de fédéralisme qu’accepteront les gouvernements.

20 mai 2010

Concilier croissance et rigueur pour sauver l'euro

Paris 20 mai. Pour la première fois depuis sa création, l’existence de la monnaie unique est ouvertement mise en cause. Un assainissement des finances publiques des Etats membres de la zone plus rapide que prévu s’impose pour rassurer l’Allemagne et décourager la spéculation. Mais cet assainissement se révèlera socialement, donc politiquement, impossible sans un rythme de croissance sensiblement supérieur à celui des années qui ont précédé la crise. Il importe donc que les plans d’assainissement s’accompagnent d’un plan de développement ambitieux conçu et financé par l’UE. La réduction de l’endettement des Etats membres devrait s’accompagner d’un endettement de l’Union dont le crédit est intact. L’objectif du plan serait de mettre à profit la baisse de l’euro pour asseoir la compétitivité de tous les Etats membres de la zone dans un esprit de solidarité et d’acceptation d’une spécialisation industrielle plus poussée. La gouvernance économique commune dont le principe est enfin admis ne peut se borner à un système punitif à l’encontre des membres en difficulté. Elle doit comporter un aspect positif sans lequel le projet européen achèverait de perdre le soutien populaire sans lequel aucun progrès durable n’est possible.

17 mai 2010

Que voulons-nous ?

Platier, 17 mai
Voilà des années (depuis le temps où Bérégovoy était aux Finances) que la France réclame un « gouvernement économique » de la zone euro. A peine la Commission propose-t-elle un examen préalable des projets de budget nationaux que les protestations s’élèvent de toute part. A quoi servirait un gouvernement économique s’il ne pouvait exercer la moindre contrainte sur les Etats dont l’endettement excessif est à l’origine de la crise actuelle ? Le rétablissement de la confiance dans la monnaie unique ne dépend plus seulement du degré de solidarité consenti par l’Allemagne mais de l’acceptation par tous les Etats membres d’un exercice en commun de leur souveraineté dans le domaine de la politique économique, fiscale et budgétaire. Tant que des pas décisifs dans cette direction ne seront pas franchis, l’euro demeurera sous pression.
La question des dépenses militaires grecques est enfin posée à l’occasion du voyage de réconciliation à Athènes du premier ministre turc. Le doute ne subsiste pas moins sur la capacité de la Grèce d’honorer sa signature sans une profonde réforme de ses structures et de ses mœurs.

11 mai 2010

Une fois de plus l'Europe progresse dans la crise

Paris, 11 mai
De retour de Montréal où j’ai trouvé des admirateurs de l’œuvre de Monnet et Schuman et où nous avons débattu de l’avenir du couple franco-allemand, j’apprends à mon arrivée à Paris qu’un progrès inespéré est sorti de la crise : la création d’un mécanisme de soutien aux pays en difficulté et surtout la possibilité reconnue à la BCE de soutenir le crédit des pays membres de la zone euro. Mes doutes n’en demeurent pas moins sur trois points : le taux excessif des concours à la Grèce, le silence sur les réformes de l’Etat grec et la lutte contre la corruption, l’absence de mise en cause des dépenses militaires grecques.
Je joins copie de ma réponse à un eurosceptique périgourdin :
Les mauvais conseils d’Alain Bournazel
Sortez de l’euro, tel est l’impératif conseil qu’Alain Bournazel se croit en droit d’adresser à ses amis grecs dans l’Essor du 7 mai. A vrai dire, le conseil ne s’adresse pas qu’aux Grecs. C’est la monnaie unique qualifiée de piège qui est prise pour cible. A l’en croire, les Grecs nous rendraient service en nous montrant l’exemple. Comme beaucoup d’eurosceptiques, Alain Bournazel ignore que l’union monétaire répond à une nécessité plus politique que technique, celle de consolider l’œuvre de paix et de réconciliation entamée, il y a exactement soixante ans, par Jean Monnet et Robert Schuman, et cela alors que la réunification de l’Allemagne suscitait des doutes sur l’avenir du seul grand dessein qui ait illustré le dernier siècle.
Quelques questions ou observations :
1. Le prix pour la Grèce, en termes de niveau de vie, ne serait-il pas pire si elle devait faire face à ses dettes libellées en euros, avec une monnaie profondément dévaluée, conséquence inéluctable de son éventuelle sortie de l’union monétaire ?
2. La meilleure chance pour la Grèce de sortir d’un système de corruption généralisée qui l’apparente aux pays du tiers-monde, n’est-elle pas de resserrer ses liens avec l’UE, quitte à accepter une sorte de mise en tutelle provisoire, comme l’ont fait ses voisins des Balkans ?
3. On voit bien, par l’importance de décisions qui n’avaient que trop tardé, le prix que tous les pays membres de la zone euro attachent à la sauvegarde et à la pérennité d’un des acquis les plus précieux de leur entreprise.
4. L’Europe et son union ont souvent progressé dans les crises. Celle de la dette grecque aura démontré que partager une monnaie suppose une convergence des politiques et une organisation de la solidarité.

Robert Toulemon

04 mai 2010

Un accord tardif et contestable

Paris, 4 mai
L’accord enfin obtenu entre la Grèce, l’UE et le FMI sera beaucoup plus coûteux que ne l’aurait été une garantie donnée trois mois plus tôtpar l’UE aux emprunts grecs en contrepartie d’une mise en tutelle provisoire ayant pour objet la modernisation des administrations à commencer par l’administration fiscale. On ne voit pas comment la Grèce condamnée à un plan de rigueur si sévère qu’il condamne le pays à une période de récession pourra dégager les ressources nécessaires pour rembourser des prêts consentis au taux relativement élevé de 5%. On s’étonne que, Cohn-Bendit ait été seul à réclamer une réduction drastique du budget de défense grec, un des plus élevés d’Europe par tête d’habitant. Selon toute vraisemblance, cela se terminera par un rééchelonnement de la dette grecque. N’eut-il pas été préférable de consentir à la Grèce des prêts à taux modéré en contrepartie de réformes fondamentales de son Etat plus utiles dans le moyen terme que des mesures d’une rigueur si extrême qu’elles font courir le risque d’une explosion anarchique et d’un effondrement d’une démocratie encore fragile ?

27 avril 2010

Crise grecque = crise de l'Europe des Etats

Platier, 27 avril
Non seulement les gouvernements ont fermé les yeux sur les comptes fantaisistes de la Grèce lors de son admission dans la zone euro, mais j’apprends qu’ils ont interdit à Eurostat, office statistique de la Commission, de vérifier l’évolution de ces comptes en lui imposant de passer par un interlocuteur unique pour ses contacts avec les administrations nationales. Le respect du pacte de stabilité devait, selon Jean-Claude Trichet, pallier l’absence d’un budget fédéral significatif. L’expérience a montré que ce pacte était inadapté : trop laxiste en période de haute conjoncture, trop restrictif en période de croissance molle. La logique eut été de le remplacer par une harmonisation contraignante et, si nécessaire, décidée à la majorité qualifiée, des politiques budgétaires nationales, en attendant la mise sur pied de finances fédérales alimentées par une fiscalité également fédérale. La crise grecque comme celle du cafouillage dans la gestion de l’espace aérien signe l’échec de l’Europe des Etats.

21 avril 2010

Les Etats généraux de l'Europe

Paris, 21 avril
Réunion sympathique à Strasbourg des Etats généraux de l’Europe, rendez-vous annuel des militants de la cause européenne. Tommaso Padoa-Schioppa qui présidait a fait observer que l’Europe sortirait transformée de la crise, en recul ou en progrès. La réunion a commencé par la lecture par Paul Collowald, ancien collaborateur de Robert Schuman de la Déclaration du 9 mai 1950, point de départ de la réconciliation franco-allemande et de l’Europe communautaire dont on ccélèbre cette année le soixantième anniversaire. L’intervention très ferme de Barroso a été très applaudie, comme celle de Sylvie Goulard, présidente du Mouvement européen-France. Je suis intervenu dans deux ateliers pour demander une réflexion sur la réforme du mode d’élection du Parlement dont la crédibilité accrue par la qualité de ses travaux est menacée par la montée de l’abstentionnisme. Le thème a été retenu dans les conclusions des ateliers présentées par Gaétane Ricard-Nihoul de Notre Europe et Pauline Gessant du Mouvement européen. J’ai rencontré deux lecteurs de ce blog dont j’avais fait la connaissance dans l’île de Ventotene. Nous devions nous revoir après la séance de clôture qui a duré plus que prévu. J’ai du partir avant et je les prie de m’en excuser.
La gestion discutable parce qu’éclatée de l’espace aérien européen redonne vie au projet d’une gestion unifiée qui serait à la fois plus efficace et moins coûteuse mais qui se heurte à des intérêts corporatistes déguisés sous l’étendard des souverainetés nationales.

10 avril 2010

Interrogations sur le couple franco-allemand

Paris, 10 avril
Le couple franc¬o-allemand : noces de diamant ou chronique d’un divorce annoncé ? Tel est le titre de la conférence que je suis invité à présenter conjointement avec une universitaire berlinoise au colloque qu’organise l’Université de Montréal à l’occasion du soixantième anniversaire de la Déclaration Schuman. Longtemps l’Allemagne militait en faveur d’une Europe fédérale sans en faire un préalable de son étroite entente avec une France allergique à la supranationalité. A deux reprises, depuis la réunification, de hauts responsables allemands, les chrétiens-démocrates Lamers et Schaüble en 1994, Fischer en 2000, ont avancé l’idée d’un noyau dur fédéral sans obtenir de réponse d’une France paralysée par la cohabitation. Aujourd’hui, la génération au pouvoir à Berlin n’a connu ni la guerre, ni la rédemption par l’Europe de l’immédiat après-guerre. Elle entend défendre les intérêts allemands avec la même fermeté que la France ou la Grande-Bretagne. Elle s’irrite à juste titre du laxisme budgétaire de ses partenaires et le fait savoir, s’agissant de la Grèce, dans des termes inutilement méprisants. Nous avons eu tort de reprocher à l’Allemagne, par la voix de Mme Lagarde généralement mieux inspirée, ses efforts pour rétablir sa compétitivité alors que rien ne nous interdisait d’en faire autant. Mais l’Allemagne a tort de refuser toute solidarité. Fallait-il ajouter au plan de rigueur imposé à la Grèce fautive, des taux d’intérêt pénalisants ? L’Allemagne a intérêt à conserver des partenaires solvables. Elle pourrait contribuer à redynamiser une économie européenne languissante en acceptant une utilisation raisonnable de la capacité d’emprunt de l’Union, seul moyen de compenser l’effet récessif des politiques nationales de retour à l’équilibre des finances publiques.
D’autres reproches parfois adressés à l’Allemagne depuis Paris ne sont pas justifiés. Elle ne ferait pas assez d’efforts pour sa défense. Elle ne partagerait pas notre ambition de faire de l’Europe une puissance. Ce discours n’aurait de sens que si nous étions prêts à partager notre souveraineté, notre statut de puissance nucléaire et notre siège au Conseil de Sécurité. Tel n’est évidemment pas le cas. Or à abuser de reproches injustifiés, nous affaiblissons nos rappels légitimes à la solidarité européenne.
Je développerai ces thèmes lors du prochain Observatoire de l’Europe d’ARRI qui se tiendra mardi à 17h, 288, bld St Germain. Qui voudrait y assister peut téléphoner à ARRI de ma part : 01 45 27 46 17.

01 avril 2010

Une bonne nouvelle

Paris, 1er avril
Le récent vote du Parlement serbe reconnaissant, après un long débat télévisé, la responsabilité de la Serbie dans le massacre de plusieurs milliers de musulmans bosniaques en 1995 à Srebrenica et présentant regrets et excuses aux familles des victimes n’est pas un poisson d’avril mais un témoignage de l’esprit de réconciliation que répand l’influence de l’UE. Notons cependant que le vote a été obtenu de justesse et qu’il a suscité la fureur de députés nationalistes acclamant le criminel de guerre Mladic que recherche en vain la Justice internationale. Seule l’adhésion des peuples de l’ex Yougoslavie à l’UE mettra un terme définitif à ce dernier drame européen qu’une intervention préventive aurait sans doute permis d’éviter. Mais cette adhésion, en accroissant de manière considérable le nombre des Etats membres à faible population, posera des problèmes institutionnels auxquels personne ne semble réfléchir. Mais ceci est une autre histoire…

29 mars 2010

Que penser de l'aaccord sur la Grèce?

Paris, 29 mars.
D’abord se féliciter qu’on soit parvenu à un accord. Ensuite s’interroger sur la suite. Qui décidera de la nécessité de prêts à la Grèce ? Suivant quels critères ? Peut-on imposer à ce pays, certes gravement fautif, la double peine d’un plan draconien de rigueur et des taux d’intérêt doubles de ceux de l’Allemagne ? Comment les prêts des Etats se combineront-ils avec ceux du FMI ? Plus généralement, comment les membres de la zone euro, y compris la France, pourront-ils rétablir leurs finances et rattraper leur retard de compétitivité par rapport à l’Allemagne sans s’imposer eux aussi des plans de rigueur impliquant blocage sinon baisses de prix, de salaires et de prestations sociales ayant les effets qui eussent été ceux d’une dévaluation avant la réalisation de l’union monétaire ? Ne sera-t-il pas impératif de compenser l’effet récessif de ces inévitables plans de rigueur par d’ambitieux programmes de recherche et d’investissements financés par le crédit intact de l’Europe et plus précisément de la BEI ?

23 mars 2010

Un triste spectacle

Paris, 23 mars
Une interruption de connexion a retardé l’expression de la tristesse que je ressens face au spectacle que donnent les Européens face à la crise grecque que leurs divisions et récriminations mutuelles pourraient bien finir par transformer en crise de l’euro. Les appels de l’Allemagne à la discipline sont justifiés, non son refus de toute solidarité. Les Français sont mal placés pour critiquer la désinflation compétitive allemande alors qu’ils ont sollicité la complicité des Allemands pour s’affranchir des obligations du pacte de stabilité. On a peine à imaginer Mme Lagarde dans le rôle de la cigale faisant leçon à la fourmi. La Commission ne se fait guère entendre alors qu’il lui appartient de montrer la voie de l’intérêt général européen. Or cette voie est assez claire : 1. Sauver la Grèce de préférence en garantissant ses emprunts pour autant qu’elle applique effectivement son nécessaire plan de rigueur. 2. Revenir à l’équilibre des finances publiques nationales suivant un programme réaliste mais fermement tenu. 3. Compenser l’effet restrictif des plans nationaux de retour à l’équilibre par un programme ambitieux de recherche et d’investissements financé par des emprunts communautaires émis par la Banque européenne d’investissements dont c’est le métier.

07 mars 2010

Pour une européanisation du mode d'élection du Parlement européen

Paris, 7 mars.
Je viens de découvrir dans la dernière livraison de la Revue Commentaire une proposition du spécialiste bien connu des systèmes électoraux Alain Lancelot. A partir du constat qu’une somme de débats nationaux ne crée pas un débat européen, Lancelot propose que les trois quarts des listes se présentent avec le même programme et sous la même appellation, présentent leurs programmes et leurs candidats 3 mois avant l’élection à Bruxelles ou à Strasbourg. Il propose aussi de porter à 12,5 % le seuil permettant d’avoir des élus et une règle stricte de non cumul et de non démission sauf pour une nomination européenne. Ces propositions sont discutables, celle notamment des 12,5, mais elles ont le mérite d’ouvrir le débat. Personnellement j'ajouterai l’application du système allemand (scrutin uninominal ou de liste majoritaire de circonscription corrigé par l’attribution de 10 à 20 % des sièges sur listes européennes transnationales). Le Mouvement européen et en tête les fédéralistes devraient se manifester maintenant. Sinon, les partis et les gouvernements objecteront comme d’habitude la proximité des prochaines élections.

04 mars 2010

Education et mondilisation

Paris, 4 mars 2010
Les fermetures d’usines se multiplient, par suite de l’évolution de la demande (raffinerie de Dunkerque produisant du carburant de moins en moins demandé) ou par manque de compétitivité. S’opposer par des aides à des transformations inévitables ne fait que reporter la solution à plus tard et la rendre plus douloureuse. C’est dans la création d’activités dans les technologies nouvelles que se trouve le remède au mal qui ronge nos sociétés européennes et la nôtre tout particulièrement. Chacun s’accorde à préconiser un plus grand effort de recherche et d’innovation et une meilleure coordination européenne dans ce domaine. C’est ce que propose la Commission. Mais la résorption du chômage structurel par le développement de nouvelles technologies rencontrera des difficultés insurmontables tant qu’existera un pourcentage aussi élevé de quasi-illettrés inaptes à occuper un emploi qualifié. Notre adaptation à la mondialisation requiert un énorme effort d’amélioration de notre enseignement de base et de nos systèmes de formation des adultes.

27 février 2010

Faut-il s'inquiéter de la baisse de l'euro ?

Paris, 27 février.
Après des mois de lamentations au sujet du niveau excessif de l’euro qui pénalisait nos exportations hors d’Europe ou, comme pour les avions libellées en dollars, voilà que certains commentateurs s’alarment de la baisse, à vrai dire très limitée de l’euro. On nous dit même que certains spéculateurs se seraient donné pour objectif de ramener l’euro à la parité avec le dollar. Voilà qui contribuerait bien utilement à notre sortie de crise même si la BCE, décidait de relever ses taux d’intérêt pour combattre l’inflation importée. Souvenons-nous de la placidité avec laquelle les autorités des Etats-Unis ont accueilli les crises récurrentes de faiblesse du dollar et gardons notre sang-froid. Ce qui ne nous dispense pas de renforcer la discipline et la solidarité qui sont indispensables pour assurer l’avenir de notre monnaie commune qui demeure notre meilleure protection contre la spéculation et les dévaluations.

20 février 2010

Un gouvernement sans Etat ?

Paris, 20 février
Le président Van Rompuy a remis à l’ordre du jour le projet d’un gouvernement économique de la zone euro, vieille revendication française jusqu’à présent récusée par l’Allemagne qui y voyait une menace pour l'indépendance de la Banque centrale. La crise grecque a montré les faiblesses d’une monnaie sans Etat. On peut à bon droit s’interroger sur la pertinence d’un gouvernement sans Etat. Ce qui manque à l’Europe, c’est un gouvernement tout court, un gouvernement qui serait distinct des gouvernements nationaux, qui aurait sa légitimité propre et de réels pouvoirs. Le vent ne souffle pas dans cette direction. Cependant la nécessité d’imposer à la Grèce une vraie discipline en contrepartie de la solidarité qui lui a été promise obligera les gouvernements à reconnaître le rôle irremplaçable de la Commission. De même, à l’échelle mondiale, l’absence d’une Autorité commune de proposition explique les difficultés à traduire dans la réalité les orientations du G 20. Les gouvernements adorent l’intergouvernementalisme qui, croient-ils, préserve leur souveraineté, mais qui les condamne à l’impuissance.

12 février 2010

La crise grecque ou comment rendre l'Europe impopulaire

Paris, 12 février.
Il suffirait d’utiliser le crédit de l’UE pour sauver la Grèce sans que cela ne coûte un euro aux contribuables européens. Le traité de Maastricht (art.103A) autorise l’octroi d’une aide à un Etat victime de circonstances exceptionnelles. Les difficultés que rencontre la Grèce sont en partie la conséquence de sa mauvaise gestion. Mais elles résultent aussi de la crise dont le caractère d’exceptionnelle gravité n’est pas contestable. Une interprétation souple du traité permettrait donc de donner à la Grèce une garantie qui lui permettrait d’obtenir de nouveaux crédits à coût modéré le temps nécessaire au rétablissement de sa situation. Cette solution simple qui ne coûterait rien à personne est écartée pour la simple raison que les Etats, en particulier l’Allemagne, refusent de reconnaitre à l’Union toute compétence pour agir en tant que telle sur les marchés financiers et ajouter son propre endettement à celui de ses Etats membres. L’octroi par l’UE d’une garantie devrait aller de pair avec une mise en tutelle de l’Etat qui y aurait recours, solution mieux adaptée que celle de sanctions financières prévues dans le traité et dont le premier effet serait d’aggraver la situation de l’Etat en difficulté.
La présentation donnée des solutions envisagées semble faite pour rendre l’Europe impopulaire: auprès des pays appelés à venir au secours de la Grèce à qui on laisse entendre que les contribuables seront mis à contribution ; auprès des Grecs à qui l’on refuse la solidarité de l’Union au profit de prêts bilatéraux éventuels assortis d’une cure d’austérité renforcée.

08 février 2010

Sortir de la crise par le haut

Paris, 8 février
Les attaques spéculatives contre la Grèce pourraient être l’occasion d’un renforcement des structures de la zone euro. En contrepartie d’une solidarité que ne prévoit pas le traité de Maastricht mais qui est dans l’intérêt de tous les membres, une discipline collective devra être acceptée, non seulement par la Grèce qui a gravement failli en truquant ses statistiques, mais par tous les Etats ayant adopté l’euro et dont aucun ne respecte les critères de Maastricht. Une fois de plus, la faiblesse d’une Europe tournant le dos au fédéralisme éclate au grand jour. On peut le constater dans les domaines les plus divers : le mépris d’Obama pour une Union impuissante et ridiculisée par la multiplicité de ses porte-parole, la faillite de la « méthode ouverte de coopération » qui devait mettre en œuvre l’agenda de Lisbonne. Combien d’échecs et d’humiliations devront-nous subir pour revenir dans le seul chemin d’espoir, celui de la souveraineté partagée ?

03 février 2010

Face à la sous-évaluation du yuan, il est temps de réagir

Paris, 3 février.
La décision du président Obama d’en finir avec une politique de main-tendue à la Chine qui ne lui a rien rapporté offre aux Européens l’occasion de mettre la Chine en demeure de réévaluer sa monnaie à défaut de quoi ils appliqueraient des droits compensateurs à l’ensemble des importations en provenance de l’empire du milieu. Le yuan n’étant pas convertible, ce qui est légitime pour un pays émergent, son cours dépend entièrement de la décision des autorités chinoises. En vertu des règles du FMI, le cours d’une monnaie non convertible doit s’établir à un niveau qui permette un développement équilibré des échanges. La méconnaissance de cette règle par la Chine est à l’origine des énormes excédents commerciaux et monétaires engrangés par la Chine au détriment des anciens pays industrialisés et de sa propre population dont la plus grande part est soumise à des conditions de vie et de travail sans rapport avec le niveau de développement du pays. Un geste de fermeté de l’UE aurait par ailleurs l’avantage de montrer à Obama que l’UE existe et qu’il faut compter avec elle ce dont il parait, à juste titre, douter, comme vient de le montrer l’annonce de son absence à la rencontre euro-américaine de Madrid.

27 janvier 2010

Pourquoi l'Europe apparait-elle impuissante?

Sarlat, 27 janvier.
Aux questions financières sur lesquelles j’avais annoncé que je reviendrai s’est ajoutée la querelle sur l’absence de Mme Ashton à Haïti. Il me semble que la présence du commissaire aux affaires humanitaires Karel de Gucht qui, à ma connaissance, s’est rendu sur place suffisait. En revanche, on regrette que l’opposition des Britanniques et des Allemands à la création d’un corps de défense civile un moment proposé par Michel Barnier n’ait pas été plus vigoureusement dénoncée et que la proposition ne soit pas reprise avec une énergie nouvelle.
Parmi les trois questions évoquées dans mon précédent message, celle de la réglementation des banques est devenue la plus urgente. La nouvelle posture d’Obama enlève aux Européens un prétexte à l’inaction – ne pas favoriser la concurrence des banques d’outre-atlantique – et devrait les obliger à harmoniser leurs positions naturellement divergentes. Ce devrait être le rôle d’une Commission responsable de placer les Etats devant leur responsabilité en faisant appel à l’appui du Parlement et à travers lui à l’opinion. Il appartient aussi à la Commission de déterminer les possibilités qu’offre en la matière le recours à la majorité qualifiée et, si nécessaire, aux coopérations renforcées. Tant que subsistera l’illusion de la coopération intergouvernementale comme substitut à la méthode communautaire, l’Europe continuera à donner le spectacle de son impuissance

22 janvier 2010

Retour aux questions de fond

Saint-Raphaël, 22 janvier.
Les difficultés financières de la Grèce, la sous-évaluation du yuan chinois et les décisions d’Obama relatives aux banques devraient obliger les institutions européennes à sortir d’un immobilisme que ne justifie pas le retard d’approbation de la nouvelle Commission par le Parlement après la longue période d’attente qui a précédé l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Je reviendrai sur chacun de ces points dans les prochains jours. Je note dès à présent le contraste entre la vigueur des décisions d’un président américain, souvent présenté comme velléitaire, et la lenteur désespérante des procédures européennes.

16 janvier 2010

Capitalisme, communise et mondialisme

St Raphaël, 16 janvier 2010
Les incroyables dérives du capitalisme financier ont rendu quelque vigueur aux avocats d’une société communiste. On a pu s’en apercevoir par les commentaires qui ont accompagné le décès de Daniel Bensaïd ou lors du débat organisé par Frédéric Taddéi sur FR3 autour du Slovène Slavoj Zizek. On pourrait croire que certains des plus puissants maîtres de la finance mondialisée se sont efforcés de donner des arguments à leurs pires ennemis. Je relève au moins trois phénomènes hautement condamnables même si leur caractère criminel n’est apparemment sanctionné par aucun de nos codes nationaux.
1. L’octroi de crédits immobiliers à des masses d’ emprunteurs pauvres à des conditions telles que le défaut de remboursement était certain dès le départ et la diffusion de ces créances pourries dans une bonne partie du système bancaire occidental, avec pour conséquence l’obligation faite aux Etats de venir au secours de banques devenues insolvables.
2. La pratique permettant aux grandes firmes d’échapper à l’impôt par un jeu de filiales établies dans des paradis fiscaux (tout comme les facilités d’évasion fiscale offertes aux vraies grandes fortunes), ce qui a pour résultat une inégalité devant les charges publiques dont le Conseil constitutionnel vient de rappeler l’illégalité à propos de la taxe carbone.
3. L’élargissement constant de l’échelle des rémunérations et la reprise obscène de la pratique des bonus bancaires, en dépit des admonestations du président des Etats-Unis.

Sorman et Glucksman qui étaient, dans l’émission de Taddéi, appelés à répondre au réquisitoire de Zizek ont évoqué, comme on pouvait s’y attendre les capacités d’adaptation d’un capitalisme démocratique et les dérives criminelles des expériences révolutionnaires impliquant le recours à la violence. Mais, ni l’un ni l’autre, ni la jeune universitaire socialiste qui était sur le plateau, n’a fait observer que le pouvoir financier était mondialisé mais non le pouvoir politique alors qu’aucune des dérives mises en cause n’est susceptible d’être durablement éliminée par des mesures se limitant au cadre national. Ce devrait être le rôle d’une Europe plus sûre d’elle-même de rappeler la nécessité d’une gouvernance mondiale du capitalisme. Le culte des souverainetés nationales est plus vivant que jamais, de Washington à Pékin et dans les capitales du Sud. Il n’en demeure pas moins le principal obstacle à tout progrès en direction d’un ordre mondial plus juste et donc plus sûr.

07 janvier 2010

Identités

Saint-Raphaël 7 janvier
Ma retraite de quelques semaines dans le Sud m'a donné le loisir d'une réflexion sur nos identités multiples que je vous livre ci-dessous en espérant quelques échos, réactions, contestations et, pourquoi pas, approbations.

IDENTITE NATIONALE, IDENTITE EUROPEENNE
Notre identité signifie aussi bien ce que nous sommes que ce que nous souhaitons être : identité objective, identité volontariste. La première contient nos succès mais aussi nos revers, nos gloires mais aussi nos remords. La seconde nous projette dans l’avenir, nous incite à tirer les leçons du passé. Le grand dessein européen n’est rien d’autre qu’une audacieuse tentative de construire un avenir meilleur pour nous et pour les générations futures. Il peut s’analyser comme la recherche d’une identité à la fois correctrice et complémentaire de l’identité nationale, d’une identité construite et pas seulement héritée.
L’identité comme héritage
Tout comme notre identité nationale, notre identité européenne comprend des lumières et des ombres. D’Athènes nous vient le logos, de Rome nous vient le droit, de Jérusalem la transcendance. De ces trois sources nous viennent aussi l’esprit de domination et de conquête. Charlemagne fut un moment d’unité retrouvée avant le chaos féodal. Les cathédrales dessinent l’une des cartes de l’unité européenne, tout comme plus tard, la Renaissance, l’art baroque et l’esprit des Lumières, non sans que les guerres de religion, conflits interchrétiens d’une extrême violence, n’inscrivent une page noire dans notre héritage commun. La découverte des autres continents et bientôt leur conquête est une autre aventure collective dont les excès qui les ont accompagnées, esclavage et colonialisme, nous font hésiter à nous prévaloir et nous valent aujourd’hui encore quelques ressentiments dans nos empire défunts. Après l’optimisme scientiste du XIXème siècle, les horreurs et les crimes du premier XXème siècle seraient le pire élément de notre héritage collectif si nous n’en avions pas tiré les leçons. La répudiation des hégémonies, l’esprit de réconciliation sont, avec la protection des droits fondamentaux, la solidarité sociale, l’abolition de la torture et de la peine de mort des acquis que nous, Européens, partageons avec d’autres, mais dont nous pouvons nous flatter d’avoir été les promoteurs. Ultime élément d’une identité commune héritée, le chagrin d’avoir détruit par nos querelles nationalistes la position dominante qui fut longtemps la nôtre.
L’affirmation de cette nouvelle identité se heurte à deux résistances dont nous devons mesurer la vigueur pour mieux les combattre : la résistance compréhensible mais vaine des souverainetés nationales, la déception de celles et ceux qui attendaient plus de l’Union que ce qu’elle pouvait, dans son état d’inachèvement, leur apporter et qui ont vu en elle une menace plutôt qu’une protection.

L’identité comme projet
Une conception de l’identité nationale se limitant au culte de l’héritage, fût-il critique, serait bien incomplète. Toute communauté humaine vivante doit se projeter dans l’avenir. Hier, l’avenir, pour les nations européennes, était le progrès auquel elles accordaient une confiance excessive, mais aussi la conquête territoriale ou coloniale, la préparation de victoires rêvées. Après la catastrophe des deux derniers conflits mondiaux nés en Europe, la honte de la shoah, l’effondrement des idéologies totalitaires, le seul projet possible, le seul grand dessein est celui de la création sur ce continent, berceau du nationalisme, de la première expérience de mise en commun des souverainetés. Pour avoir trop longtemps limité l’entreprise à l’économie, pour n’en avoir pas suffisamment mis en exergue la dimension éthique et culturelle, pour n’y avoir pas associé la masse des citoyens, en particulier les jeunes et le monde de l’enseignement, la tentative d’inscrire le projet européen dans un texte constitutionnel fondateur a échoué. Le retrait des symboles du texte du traité de Lisbonne est lui-même symbolique de cet échec. On ne fera pas de progrès vers l’Europe politique sans la construction volontariste d’une identité européenne qui n’est encore qu’une virtualité. Cela passe par la reconnaissance de la révolution que représente le règlement des conflits entre nations par le droit et les juges, la création d’une institution vouée à la promotion de l’intérêt collectif, l’élection d’un Parlement commun partageant désormais le pouvoir législatif avec les représentants des Etats, enfin la création ex nihilo d’une monnaie unique qui vient de faire la preuve de sa solidité et de son rôle protecteur. Mais, si admirables soient ces accomplissements, le discours sur l’identité européenne ne sera crédible qu’à partir du moment où l’Union démontrera sa capacité à répondre aux aspirations fondamentales des peuples qu’elle réunit. Elle leur a apporté la paix et un niveau de sécurité économique, sociale et monétaire sans égal. Cela ne suffit pas. Il y faut ajouter une double action collective beaucoup plus visible et déterminée qu’elle ne l’est aujourd’hui : pour une sortie de crise fondée sur l’innovation, la formation et l’emploi, contre le terrorisme et toutes les formes de criminalité internationale.

La reconnaissance des identités multiples, élément d’une politique de civilisation.
Avant de proposer aux Français un débat sur leur identité nationale, le président de la République leur avait annoncé une politique de civilisation. Un lien entre ces deux concepts devrait s’imposer. Toute politique de civilisation passe nécessairement par le rejet d’une conception fermée, agressive, exclusive de l’identité nationale. Dénoncer les crimes commis au nom des nations n’est pas manquer de patriotisme, bien au contraire. Sans aller aussi loin que Montesquieu affirmant la primauté de l’intérêt collectif de l’humanité sur celui de son pays, de l’intérêt de son pays sur celui de sa province ou de sa cité, le moment est venu d’apprendre les pluralités d’identité et d’appartenance, d’en faire la base de toute formation civique adaptée au monde d’aujourd’hui. Ce n’est pas par hasard que le même Edgar Morin nous a engagé à « penser l’Europe » et nous a proposé « une politique de civilisation ».

02 janvier 2010

Mes voeux pour 2010

Paris, 1er janvier 2010

Parmi les multiples vœux que je suis tenté de former Blog 2010
pour notre Europe j’en retiendrai six :
1. Un plan européen d’accompagnement de la reprise fondé sur une intégration des politiques nationales d’aide à la recherche et à l’innovation.
2. Un renforcement significatif des moyens affectés à la reconversion des salariés ayant perdu leur emploi.
3. La mise en place d’une réglementation des activités bancaires de nature à empêcher le renouvellement des pratiques qui ont été à l’origine de la crise.
4. La définition d’une stratégie commune en Afghanistan en vue d’un dialogue euro- américain plus équilibré.
5. La reprise des négociations sur le climat sur la base d’un accord confirmé entre Européens
6. Un accord entre Van Rompuy et Barroso pour mettre un coup d’arrêt à la dérive intergouvernementale qui condamne l’UE à l’impuissance.

J’ adresse en même temps mes meilleurs vœux à mes lecteurs