29 mars 2009

L'Europe insuffisamment unie à la veille du G 20

Platier, 29 mars. Dominique Strauss-Kahn a regretté, dans son intervention télévisée de jeudi, l’incapacité des Européens à mettre en œuvre un plan commun de sauvetage des banques. Il aurait aussi bien pu regretter l’éclatement de la représentation de l’UE et même de la zone euro au FMI. Or il est essentiel que les Européens s’accordent sur la réforme du système monétaire international et pas seulement sur de nouveaux plans de relance ou des mesures de régulation financière. Certes la tâche est difficile car il faudrait combiner une création immédiate de liquidités à court terme et un plan de sortie de crise destiné à faire face à la menace inflationniste que risque de créer l’hyper-endettement de la plupart des grands Etats. Curieusement ce sujet majeur demeure l’Arlésienne des débats préparatoires au 2 avril.
Je signale l’intérêt exceptionnel de la page Débats Horizons du Monde (page 17) daté du samedi 28 mars. On y trouve deux appels au sursaut de l’Europe, l’un du philosophe allemand Beck, l’autre signé des enfants d’Erasmus et un article collectif sur les « paradis fiscaux » signé entre autres par Lebègue, Rosanvallon et Viveret.

25 mars 2009

Le scandale des listes bloquées

Paris, 25 mars. La désignation des candidats des deux principaux partis de gouvernement aux élections européennes semble obéir dans notre pays à des critères étrangers à la compétence, à l’expérience, à la capacité d’influence au sein du Parlement. Les plus actifs des parlementaires sortants sont ainsi écartés des listes ou des positions éligibles. Ce scandale conduit à en dénoncer un autre : la règle peu démocratique des listes bloquées qui prive les électrices et électeurs de la possibilité de modifier l’ordre des listes, de rayer des noms, voire d’en ajouter et, tout au moins, d’indiquer des préférences, droits reconnus sous des formes variables dans la plupart des pays de l’Union. Cette règle donne en fait aux partis un droit quasi exclusif de désignation des futurs élus et contribue, avec la pauvreté des relais médiatiques, à une abstention massive. Qui prendra l’initiative d’une pétition citoyenne contre les listes bloquées ?

24 mars 2009

Un appel qui vient à son heure

Paris, 24 mars. Sept personnalités européennes, Carlo Azeglio Ciampi, Jacques Delors, Mario Soares, Jerzy Buzek, Peter Sutherland, Jean-Luc Dehaene et Guy Verhofstadt, ont lancé, jeudi 19 mars, un appel à la mobilisation des citoyens en vue des prochaines élections européennes. Rédigé par l'ancien ministre italien Tommaso Padoa Schioppa avec l'aide de cinq Think Tanks (Istituto Affari Internazionali (Roma), Centro Studi sul Federalismo (Turin), Institut für Europäische Politik (Berlin), Notre Europe (Paris), Federal Trust (Londres), demande aux forces politiques nationales et européennes de: - mobiliser l'opinion publique dans un véritable débat sur l'avenir de l'UE ; - sélectionner des candidats qualifiés et engager à construire une UE plus forte ; - élaborer des programmes d'esprit européen ; - refuser le déclassement des élections sous la forme d'une compétition nationale ; - utiliser pleinement les pouvoirs du Parlement européen ; - présenter aux élections un candidat du parti ou de la coalition pour le poste de président de la Commission de façon à permettre aux électeurs de se prononcer directement sur ce choix ; - réformer le budget de l'UE pour en faire un instrument plus efficace au service du développement des politiques communes.

19 mars 2009

Une bombe à retardement

Paris,19 mars. Face à une crise qui s’aggrave sans cesse, le seul remède envisagé jusqu’alors est celui de l’endettement. Ce phénomène prend des proportions gigantesques aux Etats-Unis, dont le penchant pour un endettement sans contrôle a conduit la plupart des institutions financières à la faillite. Aussi bien l’administration Obama exerce-t-elle des pressions considérables sur les Européens en vue d’une plus grande contribution de leur part au redémarrage d’une économie mondiale en état d’asphyxie. Disposant d’une monnaie encore jeune et privée de l’appui d’un budget fédéral, les Européens ne peuvent avoir la même indifférence que les Américains aux conséquences d’un endettement excessif. Même s’ils ne le reconnaîtraient pas volontiers, les Américains, sans la souhaiter, n’écartent pas l’hypothèse d’une solution à leur endettement par une inflation qu’ils espèrent, sans doute imprudemment, pouvoir garder sous contrôle. Les Chinois dont les avoirs en dollars viennent de dépasser ceux du Japon manifestent leur inquiétude.
Pour l’Europe en revanche, le recours à l’inflation ne saurait être une solution. On sait l’allergie à l’inflation que conserve l’Allemagne de son expérience historique. Face à une menace inflationniste, les tensions au sein de la zone euro deviendraient vite insupportables et destructrices. Elles représenteraient un péril redoutable pour la monnaie unique. Céder aux pressions de Washington en vue d’une augmentation massive des plans de relance européens constituerait une véritable bombe à retardement. S’ajoutant au fait que la situation de l’Europe, notamment continentale, est un peu moins préoccupante que celle des Etats-Unis (situation moins catastrophique de la plupart institutions financières, filets sociaux de sécurité), la conscience de ce danger explique l’appel à la résistance que Français et Allemands viennent de lancer.
Faut-il pour autant se résigner à la prolongation d’une crise qu’un processus cumulatif mondial ne cesse d’aggraver ? Faut-il laisser sans réponse l’appel de Washington à une relance plus forte ? N’est-il pas temps d’envisager des remèdes sans précédent à une crise sans précédent ? N’existe-t-il pas d’autres instruments que le recours à toujours plus d’endettement ? Pourquoi ne pas donner au FMI le mandat de soutenir une demande mondiale qui s’étouffe par l’octroi exceptionnel et strictement encadré d’un montant de droits de tirage spéciaux à répartir entre tous les Etats de la planète, suivant des critères intégrant à la fois la satisfaction des besoins humains fondamentaux, l’encouragement à la bonne gestion et l’adaptation de l’appareil productif aux exigences du développement durable ? Les objections à cette proposition d’une « planche à billets » mondiale sont certes considérables : risque de dérapage démagogique, difficultés de répartition, atteinte à la souveraineté des Etats. Ils sont à mettre en regard des avantages à attendre d’une mesure qui combinerait la sortie de crise par stimulation de la demande et une réponse plus rapide à une menace de changement climatique dont chaque jour confirme l’urgence et le sérieux.
Outre son principal avantage, la réduction du recours à l’endettement, la mise en œuvre d’un plan de relance conçu à l’échelle mondiale devrait faciliter la mise en cohérence des plans nationaux. L’exemple de l’industrie automobile est particulièrement éclairant. Au lieu de maintenir des productions ne correspondant plus à la demande en sauvant de la faillite des entreprises qui n’ont pas su prévoir une évolution inéluctable, les aides seraient réservées à la conception de voitures propres.

13 mars 2009

Réédition d'Aimer l'Europe. Une colère d'Alfred Grosser

Paris, 13 mars. Mon livre publié en février 2007 étant épuisé, l’approche des élections européennes ont conduit l’éditeur Lignes de Repères à prendre le risque, avec l’appui d’ARRI, d’une réédition. Cette nouvelle édition contient diverses mises à jour et un dernier chapitre entièrement nouveau portant sur « l’Europe dans les crises ». J’espère que cette réédition sera utile à ceux qui, candidats ou simples électeurs, voudront mettre à profit la campagne des élections européennes pour rappeler tout ce que nous devons à l’Europe et, plus encore, ce qu’elle pourrait nous apporter si les Etats lui donnaient les moyens de répondre aux attentes.
Hier matin, Alfred Grosser a dénoncé, lors d’un petit-déjeuner sur les relations franco-allemandes, organisé par le Mouvement européen, la fermeture des centres culturels français dans les pays de l’UE, notamment en Allemagne, et la fin des émissions de RFI à destination de ces pays. Observateur attentif des sociétés allemande et française, l’éminent professeur s’attend à une révolte sociale dans les deux pays, face au chômage mais aussi au cynisme révélé par la crise financière.

08 mars 2009

L'UE bouclier contre la xénophobie selon The Economist

Paris, 8 mars. Le célèbre hebdomadaire anglais qui, naguère, destinait la constitution européenne à la corbeille, dénonce dans son dernier numéro les tentations populistes et xénophobes que la crise suscite dans de nombreux pays de l’UE et pas seulement à l’Est. Il se réjouit du rôle de bouclier contre ces éventuelles dérives qui résulte de l’appartenance à l’Union. Il est rare de trouver dans la presse britannique, même de qualité, un éloge de l’UE portant sur autre chose que le marché unique. Saluons donc cette prise de position judicieuse mais inhabituelle.

04 mars 2009

A crise mondiale remèdes mondiaux

Paris, 4 mars. Le dernier sommet européen de dimanche n’a marqué aucun progrès en direction d’un plan cohérent de sortie de crise. La bénédiction donnée à des plans nationaux mal coordonnés et qui parfois se contrarient est affligeante. Face à une demande qui s’est effondrée, à quoi sert-il de soutenir la production d’automobiles invendables ? La logique voudrait que les aides publiques soient strictement réservées à la mise au point de voitures propres et à l’aide aux travailleurs privés d’emploi. Un signe d’espoir cependant : dans un article paru dans le supplément économie du Monde daté du 3 mars, le célèbre éditorialiste du Financial Times, Martin Wolf fait appel au FMI, considère que ses ressources « doivent atteindre un tout autre ordre de grandeur » et se déclare favorable à l’émission de droits de tirage spéciaux. Quand les gouvernements admettront-ils que, hormis le sauvetage nécessaire des banques, leurs interventions individuelles par la course à l’endettement et au déficit budgétaire ne font que ruiner un peu plus la confiance et ne sont pas à la mesure d’une crise mondiale qui appelle des remèdes mondiaux ?