25 février 2009

Un changement de paradigme. Suite

Paris, 25 février. A quoi sert-il d’aider à maintenir des productions pour lesquelles la demande s’est effondrée ? A moins que l’on ne compte sur la stimulation de la demande chez les autres. La nécessité d’un équilibre entre offre et demande à l’échelle européenne est aussi évidente que jusqu’à présent méconnue. L’industrie automobile a besoin d’aide pour concevoir des voitures propres mais cela demandera des années et ne peut donc contribuer à une relance immédiate. L’aide devrait être communautaire pour éviter toute distorsion de concurrence.
La réunion de Berlin préparatoire au G 20 de Londres a été positive, notamment en ce qui concerne la mise en cause des paradis fiscaux. Mais le problème essentiel qui consiste à rétablir au niveau mondial une demande solvable sans quoi l’économie va continuer à s’effondrer sur tous les continents demeure sans solution. Le seul plan de relance qui pourrait nous éviter la catastrophe sociale qui s’annonce ne peut qu’être mondial et stimuler la demande des consommateurs aussi bien que celle des Etats.

20 février 2009

L'avenir de l'OTAN

Platier, 20 février. La retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN sera pleinement justifiée s’il permet de nouveaux progrès en direction d’une défense européenne que devrait faciliter le traité de Lisbonne et s’il se traduit par la constitution d’un pilier européen de l’Alliance. C‘est aussi l’occasion de s’interroger sur l’avenir d’une alliance limitée à un espace géographique et destinée à faire face à une menace qui a changé de nature. Le danger extérieur vient aujourd’hui de l’existence de mouvements fanatiques utilisant le terrorisme et parvenant à se rendre maîtres de structures étatiques qui s’apparentent davantage à des bandes de malfaiteurs qu’à des Etats au sens traditionnel de ce mot. Ce danger est redoutable par la force du sentiment compréhensible de revanche des cruautés et des humiliations de l’époque coloniale et par l’existence d’armes de destruction massive pouvant un jour tomber entre les mains de fanatiques ayant recours au suicide collectif après avoir longtemps utilisé le suicide individuel comme arme de leur combat. N’est-il pas temps, dans ces conditions, de penser à la transformation de l’Alliance en une mutuelle mondiale des Etats de droit, ouverte en premier lieu aux désormais nombreuses et puissantes démocraties du tiers-monde, à commencer par l’Inde, elle-même victime du terrorisme ? La désoccidentalisation d’une Alliance vouée à la défense des valeurs démocratiques serait un acte ultime de décolonisation éminemment favorable à notre sécurité dans une perspective de long terme. Que faire de la Chine et de la Russie dans un tel schéma ? La réponse n’est pas évidente, sans doute plus ouverte envers la Chine qui, malgré son régime tyrannique, a fait des pas vers l’Etat de droit nécessaire à son développement, plus sévère envers la Russie qui parait s’en éloigner chaque jour et à qui une mise en garde collective ferait le plus grand bien. Voilà ce que les partis qui critiquent le retour dans l’OTAN avec autant de vigueur qu’ils avaient critiqué en son temps la décision du général de Gaulle devraient réfléchir s’ils avaient le sens des évolutions historiques à long terme.

12 février 2009

L'horizon s'assombrit

Paris, 12 février. Une menace nouvelle pèse sur le traité de Lisbonne. Un nouveau recours a été déposé contre sa ratification devant la Cour constitutionnelle allemande de Karlsruhe dont on devrait connaître la décision au printemps. Le président de la République fédérale ne déposera les instruments de ratification qu’après un arrêt de la Cour constatant la conformité du traité avec la loi fondamentale. Aux incertitudes polonaise, tchèque et irlandaise vient s’ajouter une incertitude allemande. N’oublions pas enfin le risque d’une élection anticipée en Grande-Bretagne qui pourrait amener au pouvoir un parti conservateur eurosceptique qui s’empresserait d’organiser un référendum sur Lisbonne en préconisant le non. En revanche, les sondages sont devenus très favorables en Irlande à telle enseigne que certains envisageraient de hâter le nouveau vote irlandais.s Or l’entrée en vigueur du nouveau traité est plus nécessaire que jamais pour améliorer les chances d’une stratégie commune face à une crise qui menace d’être encore plus grave qu’on ne l’imaginait et surtout de rétablir une confiance que menacent de détruire les politiques désastreuses du chacun pour soi.

07 février 2009

Sarkozy et le marché unique

Paris, 7 février. Dans son intervention télévisée de jeudi soir, le président de la République a semblé conditionner l’aide à l’industrie automobile à l’engagement de ne pas importer en France de voitures fabriquées hors de nos frontières. En mentionnant expressément la république tchèque, il s’est attiré une protestation des autorités de ce pays. En affirmant le droit de leur pays d’exporter des voitures en France, même fabriquées par des entreprises françaises, le gouvernement de Prague n’a fait que rappeler un principe fondamental du marché unique. Du strict point de vue des intérêts français, est-il opportun d’interdire aux constructeurs français de mettre à profit les coûts de production inférieurs des nouveaux Etats membres alors que leurs concurrents allemands ne s’en privent pas ? D’un point de vue plus général, n’est-il pas dans notre intérêt que ces Etats se développent et deviennent des partenaires solvables dont le niveau des salaires se rapprochera des nôtres ? Le protectionnisme qui menace d’aggraver la crise n’est plus celui des contingents et des droits de douane. Il prend la forme d’engagements demandés aux firmes bénéficiaires d’aide des gouvernements.

02 février 2009

Un changement de paradigme

Paris, 2 février. La persistance de la crise bancaire et l’avalanche de licenciements et de fermetures d’entreprises qui déferle sur tous les continents montre que, comme dans les années trente, nous changeons de paradigme. La lutte contre la rareté n’est plus de mise. La demande solvable correspond de moins en moins à des capacités de production inemployées qui, en disparaissant, provoquent un nouvel effondrement de la demande. Keynes est de retour. Les politiques de création monétaire nationales sous la forme d’une bulle d’emprunts publics, loin de rétablir la confiance, affectent la crédibilité des monnaies. La stabilité de l’euro tient plus à la faiblesse du dollar qu’à la santé des économies européennes, celle du dollar plus à la faiblesse de l’euro qu’à la santé de l’économie américaine. La solution rationnelle consisterait, comme Keynes le proposait en 1945, lors de la création du FMI, à créer une monnaie mondiale gérée en fonction de l’intérêt général d’une économie depuis longtemps mondialisée. Mais les grands Etats ne sont pas plus prêts à renoncer à leur souveraineté monétaire qu’ils ne l’étaient en 1945. Aucun d’entre eux n’ose afficher le recours à la création monétaire pure et simple, la bonne vieille planche à billets, alors que leurs pratiques s’en rapprochent de plus en plus. Nul ne semble se souvenir que le FMI a la faculté de créer de la monnaie en émettant des droits de tirage. A défaut d’une monnaie mondiale encore utopique, ne pourrait-on imaginer un plan mondial de relance alimenté, non par une bulle de crédits, mais par une émission monétaire temporaire et encadrée, ne profitant pas qu’aux pays riches ? Bien sûr la répartition entre les Etats et les conditions exigibles seraient un casse-tête diplomatique, mais l’aggravation et le prolongement de la crise, désormais prévisible à défaut d’un plan mondial, ne constitue-t-elle pas un bien plus grave casse-tête ?