28 novembre 2008

De Prague à Dublin et à Bruxelles

Paris, 28 novembre. A peine rentré de Dublin, où il avait osé comparer les adversaires du traité de Lisbonne aux dissidents de l’ère soviétique, le président europhobe Klaus n’a pas pu empêcher la Cour constitutionnelle tchèque de donner son feu vert à la ratification. L’Irlande sera bientôt le seul pays récalcitrant, ce qui est un comble de la part d’un pays qui a tant reçu de l’Union et qui n’a échappé à la faillite que grâce à son appartenance à la zone euro. Il serait temps de montrer un peu plus de fermeté à l’égard des Irlandais, notamment en refusant de céder à leur exigence de disposer en permanence d’un Commissaire, ce qui aurait pour résultat de rendre tout nouvel élargissement impossible. Les médias ont signalé la décision irlandaise de donner une garantie discriminatoire aux titulaires de comptes des banques irlandaises. Mais on a omis de préciser qu’ils avaient du rapporter cette mesure sur intervention de la Commission. Serait-ce le début d’une attitude plus ferme ?
Quant au plan de relance de la Commission, il vient bien tard et apparait plus comme l’habillage européen de plans nationaux que comme un plan réellement européen et à la mesure de l’enjeu qui est considérable tant la crise menace d’être profonde et durable.

24 novembre 2008

Les institutions européennes face à la crise.

Paris, 24 novembre. Il est possible de dresser un premier bilan de l’efficacité des institutions européennes face à la crise. Celle qui s’en tire le mieux est la BCE dont la rigueur naguère critiquée s’est révélée justifiée et qui a dès cet été contribué puissamment à maintenir la liquidité du système bancaire tout en venant au secours de pays membres en difficulté. Jamais le rôle stabilisateur de l’euro n’a été aussi évident. La Présidence française a réussi à réunir au sommet le Conseil de l’euro en y invitant Gordon Brown qui y a apporté un concours utile ainsi qu’à obtenir d’un Bush réticent la convocation à Washington d’un groupe des 20 - ou 22 si on y ajoute l’Espagne et les Pays-Bas - pays qui dominent l’économie mondiale. La présence de la Chine, de l’Inde, du Brésil est une novation capitale qui laisse espérer l’édification d’un ordre mondial monétaire et financier plus consensuel. L’activisme de Sarkozy n’a cependant pas été sans agacer une Allemagne qui supporte mal les initiatives improvisées et redoute de devoir payer pour les erreurs des autres. D’où les difficultés d’aujourd’hui. Le bilan de la Commission est aussi contrasté. Bonne réaction au titre de la concurrence qui a obligé l’Irlande à renoncer à une politique discriminatoire de soutien des avoirs bancaires mais jusqu’à présent défaut d’initiative de relance économique. Le Parlement qui peut se flatter d’avoir été le premier à agiter la sonnette d’alarme exerce une forte pression sur la Commission. Il reste que les opinions comprennent mal que tant d’argent ait été mobilisé au profit des banques et si peu pour faire face aux conséquences d’une crise qui est désormais autant économique et sociale que financière. C’est dans ce domaine qu’on attend une initiative, par exemple une augmentation significative des moyens et un élargissement des critères d’intervention du Fonds d’adaptation à la mondialisation dont la mission est de contribuer à la reconversion des salariés qui perdent leur emploi.

17 novembre 2008

Le silence des socialistes

Paris, 17 novembre. Le peu de place apparemment accordé aux enjeux européens dans les débats chaotiques du PS sont une autre source d’étonnement. Ni la préparation des élections européennes de l’an prochain, ni l’avenir du traité de Lisbonne, ni le concours que l’Europe pourrait apporter à la sortie de crise ne semblent avoir retenu l’attention des protagonistes du congrès. Seul l’appel de Benoit Hamon à des protections contre la concurrence des pays à bas salaires a fait surface mais ne semble pas avoir donné lieu au débat de fond qu’il méritait. A vrai dire, les gouvernements, après avoir condamné à Washington la tentation du protectionnisme, se préparent, Etats-Unis en tête, à protéger leur industrie automobile, non par des droits de douane ou des mesures de contingentement mais par des subventions dont l’effet sur la concurrence ne sera pas négligeable.

11 novembre 2008

La querelle des commémorations

Paris, 11 novembre. Le rapport Kaspi proposant de limiter les commémorations nationales aux 8 mai, 14 juillet et 11 novembre donne lieu à l’un de ces débats dont raffolent les médias. Une fois de plus notre pays se tourne vers son passé et ferme les yeux sur l’avenir. Mieux vaudrait s’interroger sur le sens nouveau qui pourrait être donné à des commémorations un peu moins guerrières. Vous trouverez ci-dessous un article paru sous ma signature dans la Croix du 30 avril dernier.


Européaniser les commémorations guerrières

La mort du dernier poilu, Lazare Ponticelli, immigré italien engagé volontaire, renvoyé dans l’armée italienne et devenu pacifiste au contact des réalités atroces de la guerre est l’occasion d’une réflexion sur nos commémorations des tragédies qui ont marqué le dernier siècle. Le moment n’est-il pas venu de transformer la signification de ces manifestations en les orientant davantage vers l’avenir, vers la communion des mémoires, vers la réconciliation des anciens ennemis, vers l’unité de l’Europe ?
La prochaine présidence française de l’Union européenne pourrait donner à notre pays l’occasion d’avancer deux propositions qui compenseraient, dans une certaine mesure, le signe négatif donné par l’élimination des symboles du nouveau traité européen.
L’une de ces propositions consisterait à joindre, du moins pour les pays qui, comme la France, commémorent la victoire finale de la Seconde Guerre mondiale le 8 mai, en une seule célébration l’effondrement du nazisme et l’appel de Robert Schuman ; chaque pays qui accepterait cette proposition serait alors libre de fixer cette célébration le 8 ou le 9 mai. La justification est claire : sans la chute du nazisme qui fut pour l’Allemagne autant une libération qu’une défaite, le démarrage de la construction européenne n’aurait pas été possible.
L’autre proposition serait de célébrer en novembre à la fois la réconciliation des anciens ennemis et la chute du mur de Berlin, prélude à la libération de la moitié orientale du continent. Là encore, chaque Etat serait libre du choix du jour, 9 ou 11, mais l’hommage aux victimes serait associé à la joie de la libération.
Ces deux propositions devraient faire l’objet d’un accord franco-allemand et, si possible, franco-anglais, avant d’être officialisées. Un accord des Allemands pour associer le souvenir des morts de la première guerre mondiale et la chute du mur ne se conçoit que dans le contexte d’une démarche à fort contenu européen. Les diverses associations européennes pourraient s’unir pour promouvoir cette démarche dans les deux pays, puis dans l’ensemble de l’Union européenne.
Les commentaires exprimés à l’occasion de la mort du dernier poilu et du voyage du président de la République au plateau des Glières permettent de penser que ces propositions répondent à une attente d’un large public et seraient favorablement accueillies par l’opinion, du moins en France. Elles contribueraient à rajeunir des commémorations qui risquent de perdre toute signification pour les générations à venir. Toutefois elles ne répondraient pleinement à leur objet – conforter l’image de l’Europe en l’associant au concept de paix et de réconciliation – qu’à la condition d’être adoptées par un nombre significatif d’Etats, anciens ou nouveaux membres. L’appui d’organisations européennes représentatives de la société civile serait hautement souhaitable pour vaincre l’inertie naturelle des gouvernements.



Robert Toulemon

04 novembre 2008

Deux signes d'espoir

Platier 4 novembre. Submergés par les débats relatifs à la crise et à l’élection américaine, deux événements heureux risquent de passer inaperçus. D’une part, la première conférence de l’Union pour la Méditerranée tenue à Marseille ne s’est pas bornée à fixer le siège de ladite Union à Barcelone, gage de continuité, mais à adopter une longue déclaration dont le principal intérêt est qu’elle a été signée à la fois par les pays arabes et par Israël. D’autre part, les ministres britannique et français des Affaires étrangères se sont rendus ensemble au Congo pour tenter de mettre fin aux massacres dans la région du Kivu, partie est du pays proche du Rwanda. Ce voyage commun marque une heureuse rupture avec une vieille et encore récente tradition de rivalité franco-britannique en Afrique qui explique, pour une part, l’incapacité des Européens à mettre fin, sinon à prévenir le génocide des Tutsis. .