28 octobre 2008

Article sur la crise pour le bulletin d'ARRI

Platier 28 octobre. La crise financière est d’abord une crise bancaire. Les banques américaines ont consenti des prêts hypothécaires dont le remboursement devenait aléatoire si la hausse de l’immobilier se renversait. Les mensualités faibles au départ mais rapidement croissantes ensuite ne pouvaient être couvertes qu’au moyen de nouveaux emprunts. La pratique de la titrisation permettait de noyer dans des produits composites et opaques toute sortes de créances immobilières ou autres et de les céder aux banques du monde entier. On croyait réduire les risques en les diluant. En fait, on généralisait la fragilité d’un système bancaire largement mondialisé. Dans le même temps, les opinions étaient scandalisées par une sorte de mégalomanie du monde de la finance se traduisant par des rémunérations astronomiques et des parachutes dorés consentis parfois à des dirigeants en échec.
La faillite de Lehman Brothers qu’on croyait trop grosse pour tomber et l’effondrement des cours de Bourse ont contraint les gouvernements à agir. Après une première réunion limitée aux Européens membres du G8, un accord est intervenu au sein de l’eurogroupe sur une proposition du Premier ministre britannique judicieusement invité au conseil de l’euro. Une garantie publique sera donnée par chaque Trésor national aux crédits interbancaires asséchés par la méfiance généralisée. De surcroît, les Etats procèderont, si besoin est, à la recapitalisation des banques en difficulté. Des sommes considérables ont été annoncées. Il ne s’agit pas de crédits budgétaires mais de garanties financées par l’emprunt auxquelles il ne sera pas ou peu nécessaire de faire appel si, comme on l’espère, la confiance revient.
Le Secrétaire américain au Trésor Paulson, après avoir difficilement obtenu du Congrès 700 milliards de dollars en vue du rachat des actifs pourris des banques semble s’être résigné à suivre l’exemple européen. Enfin, lors d’une réunion au sommet à Pékin, il a été décidé qu’une une conférence de remise à plat générale du système monétaire et financier mondial s’ouvrirait le 15 novembre à Washington.
La crise devrait avoir des suites positives si elle conduit à la construction d’un ordre mondial rénové. La supervision des banques, les agences de notation, les normes comptables, les paradis fiscaux, les fonds spéculatifs, le rôle du FMI seront à l’ordre du jour. Au plan européen, elle a montré la solidité et l’utilité de l’euro sans lequel la crise bancaire se serait accompagnée d’une crise monétaire au détriment des pays à monnaie faible. Plusieurs pays dont l’Irlande et la Hongrie ont échappé à la faillite grâce à l’aide de la BCE.
Reste enfin à savoir quelles conséquences aura la crise des banques sur l’économie réelle. L’effondrement des cours de Bourse révèle l’extrême pessimisme des opérateurs. L’Union ne dispose ni des instruments étatiques que seraient un budget et un trésor fédéraux, ni de la volonté politique d’utiliser sa capacité d’emprunt. Il n’est même pas certain que les Etats s’accordent sur un système intégré de contrôle bancaire ou sur une représentation commune au FMI. En cas d’aggravation de la crise, on devrait s’inspirer de ce formidable facteur de confiance et de sécurité que constituent, l’euro et la Banque centrale dont la prudence contraste rétrospectivement et heureusement avec le laxisme de la Réserve fédérale américaine.
L’opinion publique a du mal à comprendre que les Etats puissent dégager des sommes gigantesques pour sauver les banques alors que l’argent public manque pour tout le reste , y compris pour sauver les milliers d’enfants qui chaque jour meurent de faim comme aime à nous le rappeler le très médiatique socialiste genevois Jean Ziegler.
Quelques mots enfin sur les autres priorités d’une présidence française très active.
Sauver le traité de Lisbonne après l’échec du referendum irlandais n’est pas facile. Le risque est grand de voir le traité abandonné si l’on ne parvient pas à faire revoter les Irlandais. La présidence tournante est devenue une absurdité. Que se serait-il passé si la présidence avait été tchèque comme elle le sera à partir du 1er janvier ?
En plein mois d’août, la tentative légitime mais imprudente du président géorgien de rétablir son autorité en Ossétie du Sud, province sécessionniste soutenue par la Russie et la réaction brutale et disproportionnée de cette dernière constituait un autre défi pour la Présidence. Il faut être reconnaissant au Président de la République de la promptitude de sa réaction.
Les autres priorités de la présidence française suivent leur cours. Un compromis sur la libération de l’énergie vient d’être obtenu. Le pacte sur l’immigration très controversé vient également d’être approuvé, mais son application ne sera pas facile. La hausse des produits alimentaires a réduit les pressions que subissait la PAC. La crise financière a conduit deux pays, l’Italie et la Pologne à demander une atténuation des engagements concernant la lutte contre le changement climatique et les émissions de gaz à effet de serre. Une accélération des plans d’isolement des logements n’en serait pas moins un utile élément de relance. Une sortie de crise rapide à laquelle l’Union aurait efficacement contribué lui donnerait un élan qui lui serait bien utile.
Enfin je signale trois ouvrages d’un vif intérêt : les Mémoires pour aujourd’hui et pour demain de l’ancien ministre Jean François-Poncet, l’Europe frigide d’Elie Barnavi, ancien ambassadeur d’Israël et promoteur d’un musée de l’Europe à Bruxelles et l’Union européenne dans le temps long de notre ami, le professeur Quermonne.
Robert Toulemon

22 octobre 2008

Quelques leçons à tirer de la crise

Paris, 22 octobre. A ceux qui douteraient de l’utilité de l’Europe organisée, la crise actuelle devrait achever d’ouvrir les yeux. Sans les institutions européennes et le cadre de travail en commun construit au long des années, le plan d’ensemble de sauvetage du crédit n’aurait pu être adopté, sans la monnaie unique les devises seraient sous tension, sinon déjà dévaluées ou réévaluées, sans la BCE l’Irlande et la Hongrie seraient en faillite. Hier à Strasbourg, Sarkozy a reçu l’accueil qu’il méritait et a félicité le Parlement d’avoir tiré depuis longtemps la sonnette d’alarme. La Commission peu présente au cours de la crise, bien que Sarkozy ait eu la sagesse d’associer son président à toutes ses démarches, devrait maintenant reprendre l’initiative face à la crise économique et sociale qui menace. L’approche des élections européennes de juin prochain devrait inciter les partis pro-européens à en débattre au lieu de s’enfermer dans leurs traditionnels débats nationaux. Pendant ce temps les Villiers et autres Dupont-Aignan s’emploient à rassembler les europhobes de toute l’Europe en vue d’un vote contre le traité de Lisbonne dont la ratification devient d’autant plus urgente.

14 octobre 2008

Une heureuse issue mais des questions sans réponses

Paris, 14 octobre. La panique devant l’aggravation de la crise a permis à l’activisme de notre Président d’aboutir à un résultat inespéré : rétablir la confiance par une manifestation d’unité européenne à laquelle on ne croyait plus. La conférence de presse de dimanche soir au cours de laquelle se sont exprimés d’une seule voix, Sarkozy, Barroso, Juncker et Trichet manifestait de manière éclatante cette unité retrouvée. En début de séance de l’eurogroupe, Gordon Brown était venu présenter son plan de garantie aux prêts interbancaires qui s’est révélée la mesure la mieux adaptée. Même l’eurosceptique anglais avait soudain réalisé qu’une manifestation d’unité européenne était la condition d’un retour de la confiance. Même les Américains ont reconnu la pertinence du plan européen. Notre satisfaction ne doit pas nous dispenser de nous poser plusieurs questions. Que se serait-il passé si la présidence avait été exercée par une personnalité ne disposant pas de l’énergie et du volontarisme de Sarkozy ? Le président à temps complet et à mandat prolongé du traité de Lisbonne aurait-il eu l’autorité suffisante ? Sarkozy ne s’est-il pas substitué à une Commission dont on aurait pu attendre plus d’initiative ? Et surtout quelles leçons tirera-t-on de ce désastre d’une finance devenue folle ? Les Belges n’ont pas obtenu le principe d’un régulateur bancaire unique qui serait seul en mesure de connaître la situation de l’ensemble du système bancaire de l’Union. On parle d’un nouveau Bretton Woods mais on ne parle pas de l’unité de représentation de l’Union au FMI. Enfin et surtout, osera-t-on financer par des emprunts communautaires le plan de relance qui serait nécessaire pour éviter que la crise financière ne se transforme en crise économique et sociale ? Qu’on ne nous parle pas de l’excès d’endettement public alors que toutes les vannes du crédit ont été ouvertes, à juste titre, pour sauver les banques.

09 octobre 2008

L'Europe sans Etat

Paris, 10 octobre. Dans la crise bancaire qui ne cesse de s’aggraver, l’Europe ne dispose que d’une institution capable d’agir, sa Banque centrale. Nous payons cher l’absence d’un ministre européen des Finances, d’une fiscalité, d’un Trésor et d’un budget fédéraux. En leur absence, les gouvernements ne peuvent que tenter de coordonner des actions inévitablement inspirées davantage par les intérêts nationaux que par l’intérêt commun. L’Irlande privilégie ses banques en leur consentant une garantie exclusive, l’Allemagne qui supporte mal son rôle de payeur, ne veut pas payer pour les erreurs des autres, avant de s’apercevoir que l’une de ses principales banques est en faillite, la France, par les déclarations maladroites d’un conseiller du Président donne l’impression de vouloir laisser filer un peu plus ses déficits. Il faudra peut-être s’y résigner momentanément. Mais est-ce le moment de le dire ? En fait c’est ce fameux super-Etat dénoncé par les souverainistes de tout bord, qui nous manque, non certes un super-Etat mais un Etat minimum doté des outils sans lesquels l’organisation de la solidarité et la défense des intérêts communs est impossible.

02 octobre 2008

Que fait la Commission?

Paris, 2 octobre. A qui se fier dans la tourmente ? Sarko fait ce qu’il peut mais l’éternel boulet de notre déficit décrédibilise ses initiatives comme on vient de le voir encore aujourd’hui avec le refus des Allemands de financer un fonds de sauvetage des banques que souhaitent, parait-il, les Néerlandais. Dans des circonstances aussi sérieuses, on aimerait que la Commission se fasse entendre et dissipe le soupçon de demeurer paralysée par l’ultra-libéralisme du commissaire Mc Creevie. A ma connaissance, sa principale proposition vise la création d’un superviseur commun des banques qui n’a que trop tardé. Qu’attend-elle pour proposer la représentation commune au FMI dans le cadre duquel devra se reconstruire le nouvel ordre financier et monétaire d’un monde multipolaire et globalisé devenu fou faute d’un minimum de pilotage commun ? L’éclatement des représentations au FMI est « ridicule », suivant le mot de Juncker qui, lui, parvient un peu mieux à se faire entendre. Seule la BCE tient le cap, injecte les milliards nécessaires au maintien de la liquidité et résiste aux pressions démagogiques. Tous ceux qui s’extasiaient sur le génial Greenspan opposé au maniaque de la lutte contre l’inflation font profil bas.