29 avril 2008

Les enseignements du rapport Cohen-Tanugi

Paris 29 avril. Une des principales leçons à tirer du rapport est le fiasco de la
« méthode ouverte de coordination » que j’ai, en son temps, qualifiée de morale sans obligation ni sanction. Il s’agissait, pour les gouvernements de faire semblant d’agir en échappant à toute contrainte et surtout en évitant tout transfert de fonds on de moyens d’action à l’UE. De même, La combinaison des pulsions souverainiste et ultra-libérale fait obstacle à la pourtant nécessaire et urgente réglementation des activités bancaires L’échec sera toujours la rançon du refus de l’intégration récusée au profit de la coopération. De même encore, les Européens se condamnent au ridicule et à l’impuissance en se montrant incapables de coordonner leurs positions dans les institutions financières et monétaires internationales et en se refusant à envisager, même à terme et même pour les membres de la zone euro, une représentation unifiée au FMI, à la Banque mondiale et à la Banque des Règlements Internationaux. Souhaitons que l’excellent rapport de Laurent Cohen-Tanugi fasse émerger ces questions lors des débats préalables à la présidence française.

26 avril 2008

Dialogue de sourds à propos de la crise alimentaire

Platier, 26 avril. Les conséquences à tirer de la crise alimentaire pour la politique agricole commune donnent lieu à un dialogue de sourds qui augure mal des discussions prévues sur la réforme de la PAC. Pour les uns, la menace d’un déficit alimentaire mondial devrait conduire à maintenir, voire à renforcer, l’ensemble des mesures de soutien à la production agricole ; pour les autres, la hausse des prix, qui s’annonce durable, rend désormais inutiles et injustifiées les aides aux agriculteurs. Les uns et les autres ont tort et raison à la fois. Les premiers ont raison de rappeler l’utilité d’une production accrue. Ils ont tort de demander le maintien de subventions présentement injustifiées. Les seconds ont raison de dénoncer des aides présentement inutiles. Ils ont tort de négliger les garanties dont doivent disposer les agriculteurs face à des marchés instables et soumis aux aléas climatiques.
Le moyen intelligent de réconcilier ces points de vue en apparence contradictoires est de s’attaquer à un vice majeur des politiques européennes qui n’est pas propre au secteur agricole, la rigidité. Cesser de verser les aides au revenu dès que le niveau des prix assure un revenu suffisant, les rétablir dès que les conditions de marché, voire les conditions climatiques, le justifient et ne fonction de la situation des diverses catégories de producteurs, voilà ce qu’il faudrait faire. Pourquoi est-ce aussi difficile ? Parce que les gouvernements, ne faisant pas confiance à la Commission et ne se faisant pas confiance à eux-mêmes, ont préféré s’engager dans des accords budgétaires pluri-annuels rigides, inadaptables à une conjoncture changeante, plutôt que de laisser à la Commission le soin d’adapter les interventions aux nécessités du moment.
Bien entendu, au-delà de ces divergences, tout le monde devrait s’accorder pour la suppression des subventions à l’exportation qui ruinent les agricultures vivrières du Sud, notamment en Afrique, et pour l’augmentation corrélative de l’aide alimentaire sans laquelle la famine menace de frapper de nombreux pays, tout en veillant à ce que cette aide ne fasse pas obstacle au développement des productions locales, ce qui, de nouveau, suppose une grande souplesse dans les modalités de l’action et son adaptation à des réalités diverses et changeantes.

23 avril 2008

Tibet et Jeux olympiques: le gâchis

Platier 23 avril. Les manifestations violentes contre la flamme olympique et ses porteurs étaient bien la forme la plus inappropriée de protestation en faveur d’un peuple adepte de la non violence. Avoir bousculé une jeune handicapée chinoise vaut à la France une ire toute particulière des Chinois et oblige notre Président à dépêcher à Pékin trois envoyés de haut rang, pour une démarche pénible d’excuses. Nous payons le prix de l’erreur qui a consisté à ne pas donner une absolue priorité à la recherche d’une attitude européenne commune, alors que devant exerçer la présidence au moment des Jeux, il nous appartenait de prendre l’initiative. Peut-être n’est-il pas trop tard. On voit bien ce que l’Europe gagnerait, en prestige et en influence, à subordonner la participation de ses dirigeants à la cérémonie d’ouverture, à un geste de Pékin en direction du Dalaï Lama. On voit aussi ce qu’elle perdrait à se diviser ou à se laisser aller, dans le désordre, à des manifestations intempestives que la propagande chinoise ne manque pas d’utiliser au risque d’alimenter des passions nationalistes effrayantes si l’on met en perspective l’ascension désormais prévisible de la Chine au premier rang des puissances mondiales.

21 avril 2008

Adieu à René Foch

Platier 21 avril. René Foch nous a quittés dans les premiers jours d’avril. Cette triste nouvelle m’est parvenue à mon retour du voyage ARRI dans le Caucase sans que j’ai pu connaître les circonstances de ce décès et la date d’un éventuel hommage de ses amis. Je ne veux pas tarder davantage pour saluer la mémoire de ce grand Européen. Depuis sa retraite après une brillante carrière à la Commission d’Euratom, puis à la Commission européenne, René Foch n’a cessé de suivre avec une attention vigilante et éclairée l’actualité européenne, livrant ses analyses en particulier dans l’excellente revue France-Forum dont il était un collaborateur régulier. Il avait participé dés les années soixante-dix aux activités de l’AFEUR, se signalant par la régularité de sa participation et la pertinence des questions qu’il posait. Proche de Valéry Giscard d’Estaing, il s’efforçait de contribuer à une orientation plus franchement européenne de la politique française que rendait difficile le poids des post-gaullistes dans sa majorité. Particulièrement averti des questions de défense, René Foch avait compris, avant beaucoup d’autres, que le chemin de la Défense européenne passait par une OTAN rééquilibrée.

14 avril 2008

Retour d'Arménie et de Géorgie

Paris 14 avril L’association Réalités et Relations Internationales (ARRI) qu’a rejoint l’AFEUR en 2004 organise des voyages combinant la découverte et les contacts. S’agissant de l’Arménie et de la Géorgie, où nous étions ces jours derniers, ceux-ci ont été riches d’enseignements. Le découpage de frontières arbitrairement tracées par Staline ont placé le Nagorny-Karabagh en Azerbaïdjan alors qu’il est peuplé d’Arméniens qui se sont soustraits à l’autorité de Bakou, l’Abkhasie et l’Ossétie du Sud en Géorgie, alors que ces deux territoires échappent à l’autorité de Tbilissi et bénéficient d’un appui de la Russie. Ces conflits qualifiés de basse intensité par les diplomates peuvent à tout moment dégénérer, tant sont grandes les tensions ethniques, politiques et religieuses dans ce Caucase déchiré. L’influence de l’UE dans cette zone où s’applique la politique de voisinage est considérable et s’exerce en faveur de la paix et de la lutte pour l’Etat de droit et le développement. Elle le serait plus encore si l’Europe affirmait davantage son unité. Tandis que la Géorgie affiche son intention de rejoindre l’Union et de s’en rendre digne, fût-ce à long terme, l’Arménie, désireuse de conserver les sympathies de Moscou, se montre plus prudente. Curieusement, elle souhaite l’adhésion de la Turquie à l’UE qui serait pour elle une garantie de sécurité. Moins attachée que la diaspora à la dénonciation du génocide, elle n’en fait pas moins une condition de la réconciliation qu’elle souhaite avec la Turquie, notamment pour des raisons de désenclavement économique.
Les pays du Caucase sont reliés à la Méditerranée par la mer Noire. Pourquoi ne pas les inviter à participer à la future Union pour la Méditerranée ? Ainsi s’établirait un lien entre les politiques de voisinage en direction du Sud et de L’Est

01 avril 2008

Deux exemples de la "non Europe"

Paris, 1er avril
L’actualité nous offre deux exemples des carences de l’Europe, de son refus d’exister, qui ne suscitent pas même l’attention des médias et demeurent inconnus des citoyens.
On débat, à longueur d’émissions ou de pages de journaux sur l’éventuel boycottage des Jeux olympiques ou de leur cérémonie d’ouverture, sans que soit le plus souvent posée la seule question qui importe : comment assurer une position commune de l’UE, à défaut de quoi les prises de position diverses et contradictoires et les protestations individuelles n’auront aucune portée et aucun effet sinon celui de faire éclater aux yeux du monde l’inexistence de l’Europe.
Même spectacle lamentable sur un tout autre sujet. Les commentaires relatifs à la réforme du FMI ignorent le plus souvent la question fondamentale qui est celle d’une représentation commune de la zone euro que devrait rendre possible la réforme des statuts. Il semble que nul n’envisage de soulever la question. Comment dès lors oser parler de l’influence de l’Europe, de sa prétendue volonté de civiliser la mondialisation ?