31 décembre 2008

Les dix ans de l'euro

Paris, 31 décembre. Les dix ans de l’euro auraient mérité une célébration à la mesure des services que nous a rendus la monnaie unique. Chacun sait que les monnaies affaiblies par une gestion laxiste des finances publiques, à commencer par la nôtre, auraient été emportées par la tourmente de l’automne. Il eut été juste de reconnaître la sagesse dont avait fait preuve la Banque centrale en dépit de critiques démagogiques venues de tous côtés. On aurait aussi pu rappeler que loin d’avoir fait monter les prix, l’euro nous a valu dix ans sans inflation. Aux onze fondateurs de 1999 se sont joints Chypre, Malte, la Grèce et la Slovénie le 1er janvier 2002. Les seize seront demain dix-sept avec l’adhésion de la Slovaquie. Malheureusement, l’euro et la politique monétaire sont de peu de secours face à la crise qui va rendre plus difficiles, mais aussi plus désirables, les adhésions ultérieures. A supposer qu’elle souhaite adopter l’euro, ce qui n’est pas le cas pour des raisons politiques, la Grande-Bretagne ne répondrait à aucun des critères. La livre sterling qui avait atteint un cours de 1,7 euro est désormais à parité avec la monnaie européenne.
Que 2009 nous soit favorable!

24 décembre 2008

Bon Noël !

Paris, 24 décembre. Une sévère bronchite m’a mis sur le flan, m’a contraint de rester à Paris et a retardé mon travail de mise à jour de mon livre « Aimer l’Europe » qui devrait être réédité en avril pour la campagne des élections européennes de juin. En attendant, les bilans de la présidence française vont se multiplier. Bilan à la fois brillant et contrasté, brillant par la capacité exceptionnelle de réaction et d’initiative dont a fait preuve Nicolas Sarkozy face aux trois crises auxquelles il eut à faire face, contrasté par suite du refroidissement avec l’Allemagne provoqué principalement par le lancement particulièrement mal conçu du projet d’Union méditerranéenne. On peut aussi s’interroger sur le relatif effacement de la Commission qu’à mon avis les commentateurs exagèrent. Barroso a été associé mais n’a guère fait preuve d’initiative. Etait-ce de son fait ? La facilité avec laquelle on a cédé aux Irlandais sur leur exigence d’avoir toujours un commissaire en dit long sur ce que les Etats attendent de la Commission. Un jour viendra où ils regretteront de l’avoir systématiquement affaiblie. Bon Noël à mes lecteurs !

15 décembre 2008

La désinvolyure de France 2

Paris, 15 décembre. Les lecteurs de ce blog partagent sans doute l’indignation qui m’a fait envoyer la lettre ci-dessous à Patrick de Carolis. N’’hésitez pas à joindre votre protestation à la mienne !

Monsieur le Président,

Les habitués du journal de 20 heures de France 2 déploraient depuis longtemps que la chaîne emblématique du service public donne systématiquement priorité aux faits divers sur l’information politique nationale et internationale et n’accorde qu’un intérêt restreint aux enjeux européens. Vendredi soir 12 décembre, cette désinvolture a dépassé les bornes. Alors que venait de s’achever le dernier Conseil européen tenu sous présidence française et alors qu’un accord historique sur la lutte contre le changement climatique avait été obtenu, il a fallu attendre 20 h 15 pour que le sujet soit brièvement traité. Auparavant un long moment avait été consacré à l’important problème du mode d’envoi des contraventions au code de la route à leurs destinataires.
Au moment où la suppression de la publicité tend à souligner la vocation particulière des chaînes du service public permettez à l’un des animateurs d’une association qui s’attache à développer la connaissance des réalités européennes et internationales de protester contre une attitude qui tend, pour flatter ce qu’on suppose, sans doute à tort, être la préférence du public, à privilégier l’accessoire au détriment de l’essentiel.
Je vous prie d’agréer, monsieur le Président, l’expression de ma considération distinguée.
Robert Toulemon

10 décembre 2008

Inquiétudes sur la relation franco-allemande

Paris, 10 décembre. A la veille du dernier Conseil européen sous présidence française, l’état des relations franco-allemandes a de quoi inquiéter. Est-il vrai que Mme Merkel a été tenue à l’écart de la réunion de Londres ? Le rapprochement avec la Grande-Bretagne est une excellente chose mais ne doit pas s’accompagner d’un refroidissement avec Berlin. Alors que nous sommes menacés de la pire crise économique depuis la dernière guerre, le moment est venu de resserrer les rangs. Nous devrions avoir plus de compréhension pour un pays viscéralement attaché au bon ordre de ses finances et plus familier des longues concertations que des initiatives improvisées. Nous payons aujourd’hui le prix des refus opposés aux offres allemandes répétées d’union politique fédérale au sein de la grande Europe, à Maastricht avec Kohl en 1990, au moment du mémorandum Schaüble – Lamers de 1994, puis en 2000 lors du discours de Fischer à l’Université Humboldt. Nous payons aussi le prix de tant d’années de laxisme budgétaire qui nous laissent fort dépourvus alors que la bise est venue.

03 décembre 2008

Un plan de relance mal parti

Paris, 3 décembre. On mesure aujourd’hui les conséquences de la décision prise jadis, avec l’accord de la France, de limiter le budget européen à 1% du produit communautaire. Sans les instruments étatiques que seraient un Trésor public européen et un vrai budget, couvrant l’essentiel des dépenses de recherche et d’innovation civile et militaire, ce qui serait source d’économies par élimination des doublons, il est illusoire d’attendre un plan européen de relance à la mesure de la gravité de la crise. A cette difficulté structurelle s’ajoute l’attitude décevante d’Angela Merkel, de plus en plus critiquée dans son pays. Là encore, les torts sont partagés. Nous serions mieux placés pour plaider en faveur d’une relance keynésienne si nous avions mis nos finances en ordre quand la croissance était là. La partie ne sera pas facile pour la présidence française au prochain Conseil européen, d’autant que les nouveaux Etats membres ne veulent pas compromettre leurs chances d’intégrer l’euro en mettant leur budget en déficit.
Pendant ce temps les Chinois dévaluent leur yuan déjà sous-évalué ! Oserons-nous réagir et comment ?

28 novembre 2008

De Prague à Dublin et à Bruxelles

Paris, 28 novembre. A peine rentré de Dublin, où il avait osé comparer les adversaires du traité de Lisbonne aux dissidents de l’ère soviétique, le président europhobe Klaus n’a pas pu empêcher la Cour constitutionnelle tchèque de donner son feu vert à la ratification. L’Irlande sera bientôt le seul pays récalcitrant, ce qui est un comble de la part d’un pays qui a tant reçu de l’Union et qui n’a échappé à la faillite que grâce à son appartenance à la zone euro. Il serait temps de montrer un peu plus de fermeté à l’égard des Irlandais, notamment en refusant de céder à leur exigence de disposer en permanence d’un Commissaire, ce qui aurait pour résultat de rendre tout nouvel élargissement impossible. Les médias ont signalé la décision irlandaise de donner une garantie discriminatoire aux titulaires de comptes des banques irlandaises. Mais on a omis de préciser qu’ils avaient du rapporter cette mesure sur intervention de la Commission. Serait-ce le début d’une attitude plus ferme ?
Quant au plan de relance de la Commission, il vient bien tard et apparait plus comme l’habillage européen de plans nationaux que comme un plan réellement européen et à la mesure de l’enjeu qui est considérable tant la crise menace d’être profonde et durable.

24 novembre 2008

Les institutions européennes face à la crise.

Paris, 24 novembre. Il est possible de dresser un premier bilan de l’efficacité des institutions européennes face à la crise. Celle qui s’en tire le mieux est la BCE dont la rigueur naguère critiquée s’est révélée justifiée et qui a dès cet été contribué puissamment à maintenir la liquidité du système bancaire tout en venant au secours de pays membres en difficulté. Jamais le rôle stabilisateur de l’euro n’a été aussi évident. La Présidence française a réussi à réunir au sommet le Conseil de l’euro en y invitant Gordon Brown qui y a apporté un concours utile ainsi qu’à obtenir d’un Bush réticent la convocation à Washington d’un groupe des 20 - ou 22 si on y ajoute l’Espagne et les Pays-Bas - pays qui dominent l’économie mondiale. La présence de la Chine, de l’Inde, du Brésil est une novation capitale qui laisse espérer l’édification d’un ordre mondial monétaire et financier plus consensuel. L’activisme de Sarkozy n’a cependant pas été sans agacer une Allemagne qui supporte mal les initiatives improvisées et redoute de devoir payer pour les erreurs des autres. D’où les difficultés d’aujourd’hui. Le bilan de la Commission est aussi contrasté. Bonne réaction au titre de la concurrence qui a obligé l’Irlande à renoncer à une politique discriminatoire de soutien des avoirs bancaires mais jusqu’à présent défaut d’initiative de relance économique. Le Parlement qui peut se flatter d’avoir été le premier à agiter la sonnette d’alarme exerce une forte pression sur la Commission. Il reste que les opinions comprennent mal que tant d’argent ait été mobilisé au profit des banques et si peu pour faire face aux conséquences d’une crise qui est désormais autant économique et sociale que financière. C’est dans ce domaine qu’on attend une initiative, par exemple une augmentation significative des moyens et un élargissement des critères d’intervention du Fonds d’adaptation à la mondialisation dont la mission est de contribuer à la reconversion des salariés qui perdent leur emploi.

17 novembre 2008

Le silence des socialistes

Paris, 17 novembre. Le peu de place apparemment accordé aux enjeux européens dans les débats chaotiques du PS sont une autre source d’étonnement. Ni la préparation des élections européennes de l’an prochain, ni l’avenir du traité de Lisbonne, ni le concours que l’Europe pourrait apporter à la sortie de crise ne semblent avoir retenu l’attention des protagonistes du congrès. Seul l’appel de Benoit Hamon à des protections contre la concurrence des pays à bas salaires a fait surface mais ne semble pas avoir donné lieu au débat de fond qu’il méritait. A vrai dire, les gouvernements, après avoir condamné à Washington la tentation du protectionnisme, se préparent, Etats-Unis en tête, à protéger leur industrie automobile, non par des droits de douane ou des mesures de contingentement mais par des subventions dont l’effet sur la concurrence ne sera pas négligeable.

11 novembre 2008

La querelle des commémorations

Paris, 11 novembre. Le rapport Kaspi proposant de limiter les commémorations nationales aux 8 mai, 14 juillet et 11 novembre donne lieu à l’un de ces débats dont raffolent les médias. Une fois de plus notre pays se tourne vers son passé et ferme les yeux sur l’avenir. Mieux vaudrait s’interroger sur le sens nouveau qui pourrait être donné à des commémorations un peu moins guerrières. Vous trouverez ci-dessous un article paru sous ma signature dans la Croix du 30 avril dernier.


Européaniser les commémorations guerrières

La mort du dernier poilu, Lazare Ponticelli, immigré italien engagé volontaire, renvoyé dans l’armée italienne et devenu pacifiste au contact des réalités atroces de la guerre est l’occasion d’une réflexion sur nos commémorations des tragédies qui ont marqué le dernier siècle. Le moment n’est-il pas venu de transformer la signification de ces manifestations en les orientant davantage vers l’avenir, vers la communion des mémoires, vers la réconciliation des anciens ennemis, vers l’unité de l’Europe ?
La prochaine présidence française de l’Union européenne pourrait donner à notre pays l’occasion d’avancer deux propositions qui compenseraient, dans une certaine mesure, le signe négatif donné par l’élimination des symboles du nouveau traité européen.
L’une de ces propositions consisterait à joindre, du moins pour les pays qui, comme la France, commémorent la victoire finale de la Seconde Guerre mondiale le 8 mai, en une seule célébration l’effondrement du nazisme et l’appel de Robert Schuman ; chaque pays qui accepterait cette proposition serait alors libre de fixer cette célébration le 8 ou le 9 mai. La justification est claire : sans la chute du nazisme qui fut pour l’Allemagne autant une libération qu’une défaite, le démarrage de la construction européenne n’aurait pas été possible.
L’autre proposition serait de célébrer en novembre à la fois la réconciliation des anciens ennemis et la chute du mur de Berlin, prélude à la libération de la moitié orientale du continent. Là encore, chaque Etat serait libre du choix du jour, 9 ou 11, mais l’hommage aux victimes serait associé à la joie de la libération.
Ces deux propositions devraient faire l’objet d’un accord franco-allemand et, si possible, franco-anglais, avant d’être officialisées. Un accord des Allemands pour associer le souvenir des morts de la première guerre mondiale et la chute du mur ne se conçoit que dans le contexte d’une démarche à fort contenu européen. Les diverses associations européennes pourraient s’unir pour promouvoir cette démarche dans les deux pays, puis dans l’ensemble de l’Union européenne.
Les commentaires exprimés à l’occasion de la mort du dernier poilu et du voyage du président de la République au plateau des Glières permettent de penser que ces propositions répondent à une attente d’un large public et seraient favorablement accueillies par l’opinion, du moins en France. Elles contribueraient à rajeunir des commémorations qui risquent de perdre toute signification pour les générations à venir. Toutefois elles ne répondraient pleinement à leur objet – conforter l’image de l’Europe en l’associant au concept de paix et de réconciliation – qu’à la condition d’être adoptées par un nombre significatif d’Etats, anciens ou nouveaux membres. L’appui d’organisations européennes représentatives de la société civile serait hautement souhaitable pour vaincre l’inertie naturelle des gouvernements.



Robert Toulemon

04 novembre 2008

Deux signes d'espoir

Platier 4 novembre. Submergés par les débats relatifs à la crise et à l’élection américaine, deux événements heureux risquent de passer inaperçus. D’une part, la première conférence de l’Union pour la Méditerranée tenue à Marseille ne s’est pas bornée à fixer le siège de ladite Union à Barcelone, gage de continuité, mais à adopter une longue déclaration dont le principal intérêt est qu’elle a été signée à la fois par les pays arabes et par Israël. D’autre part, les ministres britannique et français des Affaires étrangères se sont rendus ensemble au Congo pour tenter de mettre fin aux massacres dans la région du Kivu, partie est du pays proche du Rwanda. Ce voyage commun marque une heureuse rupture avec une vieille et encore récente tradition de rivalité franco-britannique en Afrique qui explique, pour une part, l’incapacité des Européens à mettre fin, sinon à prévenir le génocide des Tutsis. .

28 octobre 2008

Article sur la crise pour le bulletin d'ARRI

Platier 28 octobre. La crise financière est d’abord une crise bancaire. Les banques américaines ont consenti des prêts hypothécaires dont le remboursement devenait aléatoire si la hausse de l’immobilier se renversait. Les mensualités faibles au départ mais rapidement croissantes ensuite ne pouvaient être couvertes qu’au moyen de nouveaux emprunts. La pratique de la titrisation permettait de noyer dans des produits composites et opaques toute sortes de créances immobilières ou autres et de les céder aux banques du monde entier. On croyait réduire les risques en les diluant. En fait, on généralisait la fragilité d’un système bancaire largement mondialisé. Dans le même temps, les opinions étaient scandalisées par une sorte de mégalomanie du monde de la finance se traduisant par des rémunérations astronomiques et des parachutes dorés consentis parfois à des dirigeants en échec.
La faillite de Lehman Brothers qu’on croyait trop grosse pour tomber et l’effondrement des cours de Bourse ont contraint les gouvernements à agir. Après une première réunion limitée aux Européens membres du G8, un accord est intervenu au sein de l’eurogroupe sur une proposition du Premier ministre britannique judicieusement invité au conseil de l’euro. Une garantie publique sera donnée par chaque Trésor national aux crédits interbancaires asséchés par la méfiance généralisée. De surcroît, les Etats procèderont, si besoin est, à la recapitalisation des banques en difficulté. Des sommes considérables ont été annoncées. Il ne s’agit pas de crédits budgétaires mais de garanties financées par l’emprunt auxquelles il ne sera pas ou peu nécessaire de faire appel si, comme on l’espère, la confiance revient.
Le Secrétaire américain au Trésor Paulson, après avoir difficilement obtenu du Congrès 700 milliards de dollars en vue du rachat des actifs pourris des banques semble s’être résigné à suivre l’exemple européen. Enfin, lors d’une réunion au sommet à Pékin, il a été décidé qu’une une conférence de remise à plat générale du système monétaire et financier mondial s’ouvrirait le 15 novembre à Washington.
La crise devrait avoir des suites positives si elle conduit à la construction d’un ordre mondial rénové. La supervision des banques, les agences de notation, les normes comptables, les paradis fiscaux, les fonds spéculatifs, le rôle du FMI seront à l’ordre du jour. Au plan européen, elle a montré la solidité et l’utilité de l’euro sans lequel la crise bancaire se serait accompagnée d’une crise monétaire au détriment des pays à monnaie faible. Plusieurs pays dont l’Irlande et la Hongrie ont échappé à la faillite grâce à l’aide de la BCE.
Reste enfin à savoir quelles conséquences aura la crise des banques sur l’économie réelle. L’effondrement des cours de Bourse révèle l’extrême pessimisme des opérateurs. L’Union ne dispose ni des instruments étatiques que seraient un budget et un trésor fédéraux, ni de la volonté politique d’utiliser sa capacité d’emprunt. Il n’est même pas certain que les Etats s’accordent sur un système intégré de contrôle bancaire ou sur une représentation commune au FMI. En cas d’aggravation de la crise, on devrait s’inspirer de ce formidable facteur de confiance et de sécurité que constituent, l’euro et la Banque centrale dont la prudence contraste rétrospectivement et heureusement avec le laxisme de la Réserve fédérale américaine.
L’opinion publique a du mal à comprendre que les Etats puissent dégager des sommes gigantesques pour sauver les banques alors que l’argent public manque pour tout le reste , y compris pour sauver les milliers d’enfants qui chaque jour meurent de faim comme aime à nous le rappeler le très médiatique socialiste genevois Jean Ziegler.
Quelques mots enfin sur les autres priorités d’une présidence française très active.
Sauver le traité de Lisbonne après l’échec du referendum irlandais n’est pas facile. Le risque est grand de voir le traité abandonné si l’on ne parvient pas à faire revoter les Irlandais. La présidence tournante est devenue une absurdité. Que se serait-il passé si la présidence avait été tchèque comme elle le sera à partir du 1er janvier ?
En plein mois d’août, la tentative légitime mais imprudente du président géorgien de rétablir son autorité en Ossétie du Sud, province sécessionniste soutenue par la Russie et la réaction brutale et disproportionnée de cette dernière constituait un autre défi pour la Présidence. Il faut être reconnaissant au Président de la République de la promptitude de sa réaction.
Les autres priorités de la présidence française suivent leur cours. Un compromis sur la libération de l’énergie vient d’être obtenu. Le pacte sur l’immigration très controversé vient également d’être approuvé, mais son application ne sera pas facile. La hausse des produits alimentaires a réduit les pressions que subissait la PAC. La crise financière a conduit deux pays, l’Italie et la Pologne à demander une atténuation des engagements concernant la lutte contre le changement climatique et les émissions de gaz à effet de serre. Une accélération des plans d’isolement des logements n’en serait pas moins un utile élément de relance. Une sortie de crise rapide à laquelle l’Union aurait efficacement contribué lui donnerait un élan qui lui serait bien utile.
Enfin je signale trois ouvrages d’un vif intérêt : les Mémoires pour aujourd’hui et pour demain de l’ancien ministre Jean François-Poncet, l’Europe frigide d’Elie Barnavi, ancien ambassadeur d’Israël et promoteur d’un musée de l’Europe à Bruxelles et l’Union européenne dans le temps long de notre ami, le professeur Quermonne.
Robert Toulemon

22 octobre 2008

Quelques leçons à tirer de la crise

Paris, 22 octobre. A ceux qui douteraient de l’utilité de l’Europe organisée, la crise actuelle devrait achever d’ouvrir les yeux. Sans les institutions européennes et le cadre de travail en commun construit au long des années, le plan d’ensemble de sauvetage du crédit n’aurait pu être adopté, sans la monnaie unique les devises seraient sous tension, sinon déjà dévaluées ou réévaluées, sans la BCE l’Irlande et la Hongrie seraient en faillite. Hier à Strasbourg, Sarkozy a reçu l’accueil qu’il méritait et a félicité le Parlement d’avoir tiré depuis longtemps la sonnette d’alarme. La Commission peu présente au cours de la crise, bien que Sarkozy ait eu la sagesse d’associer son président à toutes ses démarches, devrait maintenant reprendre l’initiative face à la crise économique et sociale qui menace. L’approche des élections européennes de juin prochain devrait inciter les partis pro-européens à en débattre au lieu de s’enfermer dans leurs traditionnels débats nationaux. Pendant ce temps les Villiers et autres Dupont-Aignan s’emploient à rassembler les europhobes de toute l’Europe en vue d’un vote contre le traité de Lisbonne dont la ratification devient d’autant plus urgente.

14 octobre 2008

Une heureuse issue mais des questions sans réponses

Paris, 14 octobre. La panique devant l’aggravation de la crise a permis à l’activisme de notre Président d’aboutir à un résultat inespéré : rétablir la confiance par une manifestation d’unité européenne à laquelle on ne croyait plus. La conférence de presse de dimanche soir au cours de laquelle se sont exprimés d’une seule voix, Sarkozy, Barroso, Juncker et Trichet manifestait de manière éclatante cette unité retrouvée. En début de séance de l’eurogroupe, Gordon Brown était venu présenter son plan de garantie aux prêts interbancaires qui s’est révélée la mesure la mieux adaptée. Même l’eurosceptique anglais avait soudain réalisé qu’une manifestation d’unité européenne était la condition d’un retour de la confiance. Même les Américains ont reconnu la pertinence du plan européen. Notre satisfaction ne doit pas nous dispenser de nous poser plusieurs questions. Que se serait-il passé si la présidence avait été exercée par une personnalité ne disposant pas de l’énergie et du volontarisme de Sarkozy ? Le président à temps complet et à mandat prolongé du traité de Lisbonne aurait-il eu l’autorité suffisante ? Sarkozy ne s’est-il pas substitué à une Commission dont on aurait pu attendre plus d’initiative ? Et surtout quelles leçons tirera-t-on de ce désastre d’une finance devenue folle ? Les Belges n’ont pas obtenu le principe d’un régulateur bancaire unique qui serait seul en mesure de connaître la situation de l’ensemble du système bancaire de l’Union. On parle d’un nouveau Bretton Woods mais on ne parle pas de l’unité de représentation de l’Union au FMI. Enfin et surtout, osera-t-on financer par des emprunts communautaires le plan de relance qui serait nécessaire pour éviter que la crise financière ne se transforme en crise économique et sociale ? Qu’on ne nous parle pas de l’excès d’endettement public alors que toutes les vannes du crédit ont été ouvertes, à juste titre, pour sauver les banques.

09 octobre 2008

L'Europe sans Etat

Paris, 10 octobre. Dans la crise bancaire qui ne cesse de s’aggraver, l’Europe ne dispose que d’une institution capable d’agir, sa Banque centrale. Nous payons cher l’absence d’un ministre européen des Finances, d’une fiscalité, d’un Trésor et d’un budget fédéraux. En leur absence, les gouvernements ne peuvent que tenter de coordonner des actions inévitablement inspirées davantage par les intérêts nationaux que par l’intérêt commun. L’Irlande privilégie ses banques en leur consentant une garantie exclusive, l’Allemagne qui supporte mal son rôle de payeur, ne veut pas payer pour les erreurs des autres, avant de s’apercevoir que l’une de ses principales banques est en faillite, la France, par les déclarations maladroites d’un conseiller du Président donne l’impression de vouloir laisser filer un peu plus ses déficits. Il faudra peut-être s’y résigner momentanément. Mais est-ce le moment de le dire ? En fait c’est ce fameux super-Etat dénoncé par les souverainistes de tout bord, qui nous manque, non certes un super-Etat mais un Etat minimum doté des outils sans lesquels l’organisation de la solidarité et la défense des intérêts communs est impossible.

02 octobre 2008

Que fait la Commission?

Paris, 2 octobre. A qui se fier dans la tourmente ? Sarko fait ce qu’il peut mais l’éternel boulet de notre déficit décrédibilise ses initiatives comme on vient de le voir encore aujourd’hui avec le refus des Allemands de financer un fonds de sauvetage des banques que souhaitent, parait-il, les Néerlandais. Dans des circonstances aussi sérieuses, on aimerait que la Commission se fasse entendre et dissipe le soupçon de demeurer paralysée par l’ultra-libéralisme du commissaire Mc Creevie. A ma connaissance, sa principale proposition vise la création d’un superviseur commun des banques qui n’a que trop tardé. Qu’attend-elle pour proposer la représentation commune au FMI dans le cadre duquel devra se reconstruire le nouvel ordre financier et monétaire d’un monde multipolaire et globalisé devenu fou faute d’un minimum de pilotage commun ? L’éclatement des représentations au FMI est « ridicule », suivant le mot de Juncker qui, lui, parvient un peu mieux à se faire entendre. Seule la BCE tient le cap, injecte les milliards nécessaires au maintien de la liquidité et résiste aux pressions démagogiques. Tous ceux qui s’extasiaient sur le génial Greenspan opposé au maniaque de la lutte contre l’inflation font profil bas.

26 septembre 2008

Une chance pour l'Europe?

Paris, 26 septembre. La reconnaissance générale de la nécessité d’une régulation des marchés financiers qui ne se conçoit pas à l’échelle nationale offre une chance à l’Europe d’échapper à la conjonction de l’ultra-libéralisme et du souverainisme qui la condamnent à l’impuissance. Attali a raison d’affirmer la nécessité d’une régulation non seulement européenne mais mondiale. La vocation de l’Europe est de montrer la voie, en mettant à profit le choc de la crise, pour proposer notamment l’élimination des paradis fiscaux. Faute d’initiatives rapides et audacieuses, le sentiment que l’Europe ne sert à rien alimentera la vague d’euroscepticisme qui déferle même dans les pays qui en ont été les plus grands bénéficiaires. Ce sentiment, l’impasse institutionnelle résultant du non irlandais et l’aggravation prévisible de la conjoncture économique créent une situation dangereuse qui rappelle de mauvais souvenirs. Le chacun pour soi est plus tentant mais aussi dangereux que jamais en temps de grandes difficultés.

16 septembre 2008

L'Europe face à la crise

Platier, 16 septembre. La faillite de Lehman Brothers ouvre une phase nouvelle de crise dont il est difficile de prévoir les conséquences pour l’Europe. Seule mesure prise face à la crise avant sa subite aggravation, la Banque européenne d’investissement est invitée à accroître ses concours aux petites et moyennes entreprises. C’est un moyen d’utiliser la capacité d’emprunt de l’Europe, la BEI obtenant des concours aux meilleures conditions. Encore faudrait-il faire connaître aux PME françaises ces nouvelles possibilités qu’elles ignorent largement si j’en crois les remarques de Colombani lors de l’émission la rumeur du monde de France-Culture de samedi dernier. Mme Lagarde voudrait aller plus loin dans la voie d’une coordination des politiques économiques. Malheureusement l’état désastreux de ses finances publiques affaiblit la voix de la France dans ce domaine. Faire financer le revenu de solidarité active par les épargnants (à l’exception des bénéficiaires du bouclier fiscal) est sans doute politiquement habile. Mais n’était-il pas possible de trouver les ressources nécessaires dans des économies plutôt que dans un nouvel impôt ?

08 septembre 2008

Sarkozy, Barroso, Solana : un progrès de l'Europe politique

Platier, 8 septembre. Le voyage à Moscou du président du Conseil européen accompagné du président de la Commission et du Haut-Représentant pour la politique étrangère marque un progrès de l’union politique de l’Europe par rapprochement de l’intergouvernemental et du communautaire qui anticipe sur le traité de Lisbonne. Sur le fond des relations avec la Russie, je salue la déclaration de Kouchner envisageant la création d’une « centrale européenne d’achat de gaz », proposition contenue dans mon dernier message. L’appui des Allemands à une telle initiative changerait le rapport de forces au profit de l’Europe. Peut-on l’espérer ? L’avenir nous le dira.

03 septembre 2008

Un succès de l'Europe à confirmer

Platier, 3 septembre. La résolution commune adoptée par le Conseil européen extraordinaire après un débat où, comme il est normal, des opinions diverses ont été exprimées, est un incontestable succès pour l’Europe et pour le président du Conseil européen. La relative modération des Européens est justifiée par les responsabilités d’un président géorgien coupable d’une initiative brutale et mal venue qui revenait à se jeter dans le piège tendu par les Russes. Il faut aussi se souvenir de l’abolition des autonomies abkhazes et ossètes décidée par nationalisme aussitôt après l’indépendance. Bien entendu, cela ne saurait justifier l’extrême brutalité et l’excès de la réaction russe qui rappelle fâcheusement un temps qu’on croyait révolu. Il reste aux Européens à se doter de la seule arme qui leur permette de faire bouger Moscou : confier à l’Union les négociations sur l’approvisionnement en énergie. Nous sommes dépendants du gaz russe. Mais à qui les Russes vendraient leur gaz si nous cessions de l’acheter ?

27 août 2008

L'épreuve géorgienne

Platier, 27 août. La réunion du Conseil européen judicieusement convoqué par son président sera, pour l’Europe, une redoutable épreuve : celle de définir une attitude commune qui ne soit pas le plus petit commun dénominateur. Au stade actuel de la construction européenne, ce n’est pas la règle d’unanimité en politique étrangère qui est la plus gênante, mais l’absence d’une Autorité commune reconnue comme telle par les Etats dont la mission serait d’exprimer l’intérêt commun européen et de mobiliser l’appui des gouvernements. Ni la Commission, ni le Haut représentant, ni le président du Conseil européen ne sont en mesure d’assumer ce rôle. La première est affaiblie et les gouvernements ne lui reconnaissent pas ce rôle en politique étrangère, le second n’a pas un mandat et une visibilité suffisants, le troisième est chef d’un Etat national, donc toujours suspect de faire passer le point de vue de son pays avant celui de l’Europe. On voit par là combien désastreux a été le refus de ratification du traité de Lisbonne par les Irlandais. Le ministre irlandais des Affaires européennes vient de préconiser un nouveau vote, à titre personnel. Mais l’opinion y demeure hostile. Voilà à quoi tient l’avenir de notre continent!

21 août 2008

Hommage à Henri Cartan

Platier, 20 août. J’apprends avec tristesse la mort à 104 ans d’Henri Cartan. Cet éminent mathématicien, fondateur du groupe Bourbaki qui a renouvelé les mathématiques à l’Ecole normale, titulaire des distinctions les plus prestigieuses, a terminé sa longue vie en militant européen exemplaire. Membre particulièrement actif et fidèle de l’AFEUR, il fait partie de ces personnalités de qualité exceptionnelle, telles le professeur Leprince-Ringuet, le philosophe Alexandre Marc, les ambassadeurs Soutou et Hessel, les professeurs Gerbet, Grosser, Quermonne, Rovan, mes anciens collègues Albert et Berthoin, l’ancien ministre Hubert Curien, Marcel Boiteux qui ont encouragé et soutenu mon action européenne. La particularité d’Henri Cartan était sa conviction absolue que seule une Europe dotée d’institutions fédérales pouvait répondre à la double exigence de démocratie et d’efficacité. La force de cette conviction était telle qu’elle l’a conduit, alors qu’il avait quatre-vingts ans, à une candidature de témoignage aux élections européennes de 1984. Henri Cartan s’était aussi mobilisé, avec son ami Laurent Schwartz, en faveur des mathématiciens soumis aux persécutions de la tyrannie soviétique. On ne faisait jamais appel en vain à la générosité de ce grand citoyen dont les titres éminents n’avaient en rien affecté la modestie.

12 août 2008

A propos de la guerre en Géorgie

Platier, 12 août. Aux confins de notre continent, le conflit russo-géorgien nous rappelle que la paix demeure fragile et que la guerre est une horreur, le pire moyen de régler les différends entre Etats. Il devrait aussi nous inviter à une réflexion sur la défense européenne et l’avenir de l’OTAN. Au lieu de nous interroger sur le bien-fondé d’une réintégration, acquise en fait depuis longtemps, des structures de l’Alliance, mieux vaudrait nous préparer à proposer au futur président des Etats-Unis une réflexion commune sur le rôle de l’OTAN dans l’après-guerre froide. Cela supposerait un débat intense entre Européens, y compris bien sûr avec les nouveaux Etats membres de l’Est. Pour moi, la question fondamentale est de décider si l’OTAN doit demeurer une alliance régionale traditionnelle fondée sur des intérêts essentiellement stratégiques et occidentaux, ou se donner comme objectif la défense de l’Etat de droit, d’abord en Europe, dans notre voisinage et, dans la mesure du possible, partout dans le monde. La deuxième formule me parait la seule défendable à long terme. Elle devrait conduire à ouvrir une Alliance devenue multipolaire à celles des puissances émergentes qui ont choisi ou choisiraient, sinon la démocratie, du moins l’Etat de droit. L’évolution de la Russie serait peut-être moins inquiétante si un réel partenariat stratégique avec l’Alliance lui avait été offert. Qu’attendons-nous pour établir, sur cette base, des relations étroites avec le Japon, l’Inde, l’Afrique du Sud, les démocraties latino-américaines ? Ne serait-ce pas le meilleur moyen d’éviter ce conflit des civilisations tant redouté et de préparer la nécessaire et toujours différée réforme des Nations-Unies ?

07 août 2008

Echec à Pékin, succès dans les Balkans

Platier, 7 août. Sarkozy assistera à l’ouverture des Jeux et ne verra pas le Dalaï Lama. Il est lamentable que les pays membres de l’UE aient été incapables d’adopter une attitude commune. L’ont-ils même tenté ? En contraste, saluons le succès que représente pour l’UE le fait que la Bulgarie et la Roumanie aient accepté sans protester les observations sévères de la Commission sur la persistance d’un niveau inacceptable de corruption, observations assorties de sanctions financières. Echec dans le premier cas de la méthode intergouvernementale exigeant l’unanimité des 27, succès dans le second de la méthode communautaire, pré-fédérale, qui permet de décider par délégation et à la majorité. Bien entendu l’échec est plus médiatisé et commenté que le succès !

03 août 2008

OMC : la gouvernance mondiale en recul

Platier, 3 août. Plus que les conséquences économiques, douloureuses surtout pour les petits pays pauvres, dont la capacité de négociation bilatérale est faible, c’est le signal que donne l’échec des négociations de Genève qui est désastreux. Un pas en arrière est fait sur la route de cette gouvernance mondiale dont le monde a plus que jamais besoin. C’est l’Inde qui porte la principale responsabilité de l’échec. Mais l’UE n’a pas joué le rôle moteur qui aurait pu être le sien si elle s’était montrée plus unie. Contribuer à cette union était le devoir du président du Conseil européen, tenu par ses fonctions de modérer la défense des seuls intérêts nationaux.

23 juillet 2008

Bruxelles bouc émissaire, ça continue de plus belle.

Platier, 23 juillet. Bien que nombre de nos dirigeants reconnaissent l’effet dévastateur sur l’opinion de la pratique consistant à utiliser « Bruxelles » comme bouc émissaire, cette pratique se poursuit de plus belle, dans les déclarations gouvernementales et dans les médias sous influence. La Commission veut la mort des pêcheurs, alors qu’elle suit les avis des scientifiques sur la menace de disparition de la ressource et s’oppose à une forme de subvention illégale au regard du droit de la concurrence. Idem pour la TVA sur le pétrole, alors que le gouvernement peut abaisser la TIPP ou consentir des aides sociales aux catégories victimes de la hausse des carburants. Quant à la TVA sur les restaurants, est-ce raisonnable de se priver d’une recette de plusieurs milliards dans l’état de déficit de nos finances publiques ?

20 juillet 2008

L'émiettement conduit au directoire

Platier, 20 juillet. Une rumeur inquiétante voudrait que, pour les amadouer, on promette aux Irlandais qu’ils auront toujours leur commissaire. La formule du traité constitutionnel, reprise dans le traité de Lisbonne, celui de la rotation égalitaire, était mauvaise. Revenir à la règle d’un commissaire par Etat serait pire. Elle encouragerait la partition, l’éclatement. Imagine-t-on une Commission où l’ancienne Yougoslavie disposerait de six ou sept commissaires ? Pourquoi pas deux commissaires belges, un Flamand et un Wallon ? Les petits pays ne se rendent pas compte qu’en exigeant d’être « représentés » dans la Commission, ils affaiblissent l’institution qui les protège contre la tentation des grands de constituer un directoire des puissants, qui conduirait bientôt à l’éclatement de l’Union. La seule solution compatible avec l’adhésion programmée des pays balkaniques non encore membres est de confier la composition de la Commission à son président, sur le seul critère de la compétence et sans autre contrainte que celle de ne pas nommer plus de deux commissaires de la même nationalité. Il appartiendra au président de composer un collège équilibré susceptible de recueillir l’approbation du Parlement et du Conseil européen.

17 juillet 2008

Un succès qui revient de loin

Platier, 13 juillet. La réunion à Paris de tous les leaders arabes riverains ou proches de la Méditerranée, à la seule exception de Khadafi, des premiers ministres turc et israélien et des 27 de l’UE, est en elle-même un incontestable succès. Succès d’autant plus remarquable qu’il revient de très loin ! Trois erreurs majeures avaient été commises dans le lancement du projet, sous l’influence du souverainiste Henri Guaino. Présenter ce projet comme celui d’une Union méditerranéenne calquée sur le modèle de l’UE, en exclure les Etats européens non riverains, ignorer le processus de Barcelone tout en prétendant utiliser les crédits prévus dans ce cadre. Voilà qui augurait mal de l’avenir d’un projet lancé, de surcroît, sans consultation préalable au mépris de nos engagements franco-allemands et européens. Le mérite d’Angela Merkel fut de s’opposer à une initiative qui, ignorait, au départ, la politique étrangère et de voisinage de l’Europe et le processus de Barcelone, celui de Jean-Pierre Jouyet de convaincre Nicolas Sarkozy de se replier, non pas comme on le dit à tort sur un projet moins ambitieux, mais sur le seul projet susceptible de rassembler les Méditerranéens sans diviser les Européens et de bénéficier des acquis de Barcelone.
Le plus, par rapport à Barcelone, est le caractère paritaire de la nouvelle structure. A vrai dire cette parité demeurera précaire et artificielle tant qu’aux 27 de l’UE feront face seize pays divisés et parfois en état de conflit permanent, et pas seulement au Moyen-Orient. Ces conflits sont autant d’obstacles à surmonter pour assurer l’avenir de la nouvelle union et pour justifier son nom. Puisse-t-elle aussi contribuer, comme l’a fait avec succès l’UE, à répandre l’état de droit et, si possible, la démocratie et le respect des droits humains, y compris la liberté de religion, dans des pays qui en sont encore, pour la plupart bien éloignés. Quoi qu’il en soit, une différence majeure différenciera l’Union pour la Méditerranée de l’Union européenne : la libre circulation des personnes, objectif de la première, pomme de discorde pour la seconde.
J’apprends à l’instant l’accident mortel dont Bronislaw Geremek vient d’être victime. Il était, avec Vaçlav Havel, la plus grande figure d’Européen venue des nations-soeurs enfin libérées. Comme Havel, il ne séparait pas le combat pour la liberté du combat pour l’Europe. Il avait été récemment appelé à la présidence de la Fondation Jean Monnet qui conserve à Lausanne les archives du Père de l’Europe.
Le retard de la diffusion de ce message est dû à une panne que je vous prie d’excuser.

09 juillet 2008

L'Europe et l'arrogance chinoise

Platier, 9 juillet. Il est satisfaisant que la décision du président Sarkozy d’assister à la séance d’ouverture des Jeux olympiques ait été prise avec l’accord de ses collègues. Il l’est moins qu’elle coïncide avec les menaces proférées par l’ambassadeur de Chine en France dans le cas où le Président recevrait le Dalaï Lama. Cette affaire apporte une nouvelle démonstration de l’urgence d’une attitude commune des Européens à l’égard d’une Chine de plus en plus arrogante.

07 juillet 2008

De nouveau la BCE bouc émissaire

Platier, 7 juillet. Le président de la République a cru bon de critiquer, certes modérément, la nouvelle hausse des taux annoncée par la Banque centrale européenne. Or la faiblesse des réactions de l’Europe face aux menaces que les crises bancaires et pétrolières font peser sur la croissance est d’abord le résultat du refus des gouvernements d’utiliser la capacité d’action de l’Union, notamment sa capacité d’emprunt qui est potentiellement considérable. L’endettement excessif de plusieurs Etats membres, dont la France, est le principal argument des adversaires d’un endettement de l’Union. En effet, une politique anti-crise cohérente consisterait en un effort de désendettement des Etats qui serait facilité par le relais d’un budget communautaire prenant en charge une part significative des investissements d’avenir, notamment dans les économies d’énergies, les énergies renouvelables, la recherche, l’innovation, la création de centres d’excellence universitaires. La fonction de l’Europe n’est pas seulement d’être protectrice. Elle est aussi, elle devrait être de préparer l’avenir.

20 juin 2008

Gordon Brown sauveur du traité de Lisbonne ?

Platier, 20 juin. Après un vote ultime de la Chambre des Lords, la reine a signé hier l’acte de ratification par le Royaume-Uni. Ainsi le premier ministre Gordon Brown qu’on prétend eurotiède n’a pas saisi le prétexte du vote des Irlandais pour suspendre ou retarder le processus de ratification. Désormais l’obstacle principal se situe à Prague où le Parlement est divisé et le président Klaus violemment europhobe. Le gouvernement sera-t-il en mesure d’imposer au président une signature qu’il sera porté à refuser ? En cas de défaillance des Tchèques, le même choix devrait leur être proposé qu’aux Irlandais : se rallier à la majorité ou transformer leur adhésion en simple association, suivant le modèle norvégien ou suisse.
Autre sujet d’inquiétude, le désaccord franco-allemand sur un éventuel plafonnement de la TVA sur les carburants. Notre situation budgétaire nous place en bien mauvaise position pour proposer des mesures visant à réduire les recettes fiscales, au risque en outre d’atténuer l’effet dissuasif de la hausse des prix sur la consommation.
La Commission est invitée à faire des propositions sans qu’une orientation lui soit indiquée. On lui souhaite bien du plaisir. Le Conseil européen n’a pas non plus jugé utile de s’interroger sur le fossé qui s’est creusé entre les élites et les peuples, ni sur le bien-fondé de la règle d’unanimité pour toute révision des traités. C’eut été trop demander !
Je me mets en congé de blog pour deux semaines. Rendez-vous le 7 juillet

15 juin 2008

Le non dfes Irlandais ne doit pas être pris à la légère

Platier, 15 juin. L’histoire de la construction européenne est ponctuée de succès mais aussi d’échecs, celui de la Communauté de Défense en 1954, du plan Fouchet en 1962, du traité constitutionnel en 2005. Les échecs ont été surmontés mais toujours au prix d’un retard dans l’intégration et d’un amoindrissement des ambitions. Le rejet du traité de Lisbonne par le peuple irlandais, en dépit des avantages dont l’Irlande a bénéficié et malgré les prises de position quasi-unanimes des cadres du pays, ne doit pas être pris à la légère. Il revêt selon moi une gravité exceptionnelle et ceci pour deux raisons. Tout d’abord, les chances de sauver le traité sont faibles quoiqu’en disent les dirigeants français et allemands. Les eurosceptiques britanniques et tchèques, en tête desquels le président Klaus proclament déjà la mort du traité et demandent l’arrêt du processus de ratification. En second lieu, le vote des Irlandais, après celui des Français et des Néerlandais démontre le lamentable échec des élites politiques, sociales, économiques, intellectuelles, spirituelles de la plupart de nos pays à faire percevoir aux citoyennes et citoyens ordinaires, aux jeunes en particulier, la véritable dimension de l’entreprise européenne. On ne tombe pas amoureux d’un marché disait Jacques Delors. Non l’Europe n’est pas qu’un marché. C’est le seul grand dessein à notre portée, un moyen inespéré d’échapper au déclin que nous promet notre affaiblissement démographique dans un monde de colosses émergents, une recette pour défendre ensemble nos intérêts plutôt que nous affaiblir dans ces conflits sans fin qui ont jalonné notre Histoire, une entreprise sans précédent de construction d’une nation de nations modèle de réconciliation que tant de régions du monde nous envient sans se montrer capables de le reproduire et qui s'imposera à l'échelle mondiale pour faire face aux défis planétaires.
Certains rêvent d’une Europe des projets qui se substituerait à celle des institutions, comme si les projets pouvaient se passer d’un cadre institutionnel légitime et efficace. D’autres rêvent d’une avant-garde fédérale dont s’excluraient les sceptiques. Mais où est la volonté politique extrêmement forte sans laquelle un tel projet ne pourrait surmonter les oppositions de tous ceux qui refusent une Europe forte et plus encore si elle devait s’organiser sans eux. Au-delà de la recherche nécessaire d’une sortie de cette nouvelle crise, l’essentiel pour nos dirigeants est de parvenir à faire « aimer l’Europe ». C’est ce qui explique le titre donné à mon dernier livre. Il reste hélas plus actuel que jamais !

10 juin 2008

Le referendum irlandais ou la démonstration par l'absurde

Paris, 10 juin. Que le sort d'un continent dépende de l'humeur des seuls Irlandais met en lumière deux absurdités du mode de révision des traités européens.
En premier lieu, il est déraisonnable et même contraire aux exigences démocratiques de demander aux simples citoyens de se prononcer sur des textes qu'ils ne sont pas en mesure de lire ni de comprendre s'ils avaient le courage de les lire. Le referendum ne se justifie que pour des questions simples, claires et qui puissent s'exprimer en peu de mots.
En second lieu, dans une Union de près de trente membres, la révision des traités ne peut être soumise à la règle d'unanimité qui a pour résultat qu'un seul puisse imposer sa volonté à tous les autres. Il est aisé de concevoir une autre procédure démocratique et respectueuse des souverainetés. La réforme serait adoptée dès lors qu'elle serait approuvée par une majorité d'Etats à définir (deux tiers ou trois quarts) représentant la majorité de la population de l'Union. Les pays minoritaires auraient le choix de se rallier à la majorité ou de se retirer de l'UE et de négocier un accord d'association. Si l'on souhaitait néanmoins recourir au referendum, celui-ci devrait intervenir le même jour dans tous les Etats membres, les citoyens étant informés des conséquences d'un éventuel vote négatif.
Il est inadmissible que le pays qui a tiré le plus de profit de son appartenance à l'Union pusse condamner l'Union à une paralysie durable. Le pire n'est jamais sûr mais il faudra tirer les leçons de cet épisode quel que soit le résultat.

06 juin 2008

Un surprenant article du Financial Times

Paris, 6 juin. Un article paru dans le Financial Times rapporté dans l’excellente lettre « Oui à l’Europe » de Francis Fontaine du 6 juin se prononce vigoureusement en faveur d’une adhésion du Royaume-Uni à Schengen et à l’euro, faute de quoi le Royaume demeurera dans une position marginale. L’auteur de l’article, Willem Buiter, écrit cette phrase surprenante dans un journal britannique : « The future of Europe is federal » Quel lecteur de ce message pourra me dire qui est ce Willem Buiter ?

02 juin 2008

Nos contradictions face à la hausse des prix du pétrole

Paris, 2 juin. De retour après un bref voyage aux USA, je retrouve les contradictions françaises. Alors que tout commande la réduction de nos consommations de combustibles fossiles et d’émission de CO2, nous envisageons de subventionner pêcheurs, camionneurs, taxis et agriculteurs douloureusement frappés par la hausse des prix du pétrole. Ne serait-il pas plus raisonnable de reconnaître et d’accompagner la nécessité d’une reconversion partielle de ces activités ? Trop de pêcheurs recherchent des poissons en voie de raréfaction si bien que le tonnage de gazole par tonne de poisson pêché ne cesse d’augmenter, trop de camions encombrent nos routes pour des transports souvent irrationnels ou que le fer ou le cabotage maritime pourraient assurer s’ils étaient mieux organisés, trop d’agriculteurs utilisent trop d’engrais et de pesticides ou herbicides coûteux et dangereux. Demandons à l’Europe de faciliter ces reconversions et non d’abaisser la TVA ou d’accroître des quotas de pêche déjà jugés excessifs par les scientifiques. Le refus prévisible et justifié des subventions, allègements fiscaux et autres mesures démagogiques permettra une fois de plus de faire porter le chapeau à « Bruxelles ».

19 mai 2008

Démocratiser la désignation des hauts dirigeants européens

Platier 19 mai. Le député européen Alain Lamassoure, reprenant une suggestion de Valéry Giscard d’Estaing relative à la sélection des candidats à la nouvelle présidence du Conseil européen, propose de démocratiser en la faisant précéder de débats publics télévisés la sélection des candidats et la désignation des futurs hauts dirigeants de l’Union. Ainsi pourraient être appréciées les qualités de représentation et de conciliation requises pour la présidence du Conseil européen, de dynamisme et d’impulsion requise du président de la Commission, de diplomatie et de sagesse politique requises du haut-représentant. Ainsi l’opinion publique n’aurait pas le sentiment d’être tenue à l’écart avant de se prononcer lors des élections européennes. Il serait à cet égard souhaitable que les grands partis s’entendent sur la désignation de leurs candidats notamment pour la présidence de la Commission, désormais soumise à l’élection par le Parlement.
Malgré les souhaits de Nicolas Sarkozy de situer plusieurs de ces nominations au cours de sa présidence, la tentation sera grande de les différer jusqu’aux élections européennes du printemps 2009 afin de faciliter l’équilibre entre grands et petits, anciens et nouveaux, centre gauche et centre droit. L’essentiel est que l’opinion n’ait pas le sentiment d’être une fois de plus tenue à l’écart et que les citoyens, percevant mieux les enjeux soient incités à participer au vote.
Hélas nos médias portent peu d’intérêt à ces questions, retenus qu’ils sont par les relations au sein de la majorité ou par la compétition au sein du parti socialiste. Il est vrai que tout est suspendu au vote des Irlandais. Que ne leur a-t-on donné le choix entre approuver le traité ou quitter l’Union !

16 mai 2008

Une réaction salutaire

Platier, 16 mai. Faisant suite à une déclaration vigoureuse de son président Jean-Claude Juncker s’élevant contre le scandale des primes de départ mirobolantes accordées à certains hauts dirigeants d’entreprises, y compris après de mauvaises performances, le Conseil des ministres des finances de la zone euro s’est prononcé le 13 mai pour plus de modération dans la rémunération des dirigeants au moment où la lutte contre l’inflation renaissante conduit la BCE à recommander la modération salariale. Espérons que J-C Juncker ne s’en tiendra pas là mais s’engagera dans la lutte contre les paradis fiscaux et autres niches accueillantes de l’argent du crime et de la corruption. Une action vigoureuse et visible de l’Europe dans ces domaines sensibles serait un moyen, parmi d’autres, de lui rendre sa crédibilité dans les milieux populaires.

10 mai 2008

Jouyet souhaite faire du 9 mai un jour férié

Paris, 10 mai. Hier sur le parvis de l’hôtel de ville JP Jouyet s’est exprimé après Anne Hidalgo, maire adjointe et organisatrice de la manifestation au nom de la Ville, le commissaire Jacques Barrot, l’ambassadeur de Slovénie, un représentant d’Arianespace, des délégations du Parlement et de la Commission. Il a dit notamment qu’il souhaiterait que le 9 mai devienne un jour férié dans l’ensemble des pays membres de l’UE. Peut-on espérer que la France fasse cette proposition à l’occasion de sa présidence ? De récentes déclarations de Valéry Giscard d’Estaing et avant-hier de Jean-Claude Juncker sur Europe 1 ont relancé cette bataille des symboles si importants pour la promotion de l’identité européenne. J’y ai moi-même modestement contribué par un article publié dans la Croix du 30 avril où j’ai repris l’essentiel de mon message blog du 20 mars : européaniser les commémorations guerrières.

06 mai 2008

Europe sociale, mondialisation et protection des travailleurs

Paris 6 mai La décision la plus efficace qu’ait prise l’Europe pour répondre au défi de la mondialisation demeure largement ignorée. La création récente du fonds d’adaptation à la mondialisation a déjà permis la reconversion de dizaines de milliers de salariés victimes directes ou indirectes des délocalisations. Ni à droite, ni à gauche on ne fait connaître cette action. Nul ne demande l’augmentation de dotations budgétaires encore insuffisantes et surtout l’assouplissement de critères trop rigides qui réservent le bénéfice du fonds aux victimes de licenciements massifs de la part de grandes entreprises. Quand on parle en France d’Europe sociale, on pense surtout aux services publics et davantage pour protéger les services nationaux que pour promouvoir ces services européens qui seraient source d’économie et d’efficacité dans bien des domaines. On oublie la nécessité de répondre à l’angoisse de la masse des gens qui se demandent quand viendra leur tour. Ce n’est pas en prolongeant l’agonie d’entreprises non compétitives mais en assurant la reconversion dans les meilleures conditions de leurs salariés que l’on relèvera le défi de la mondialisation. C'est en montrant à quoi sert l'Europe que l'on réduira le fossé qui s'est creusé entre elle et les catégories menacées.

29 avril 2008

Les enseignements du rapport Cohen-Tanugi

Paris 29 avril. Une des principales leçons à tirer du rapport est le fiasco de la
« méthode ouverte de coordination » que j’ai, en son temps, qualifiée de morale sans obligation ni sanction. Il s’agissait, pour les gouvernements de faire semblant d’agir en échappant à toute contrainte et surtout en évitant tout transfert de fonds on de moyens d’action à l’UE. De même, La combinaison des pulsions souverainiste et ultra-libérale fait obstacle à la pourtant nécessaire et urgente réglementation des activités bancaires L’échec sera toujours la rançon du refus de l’intégration récusée au profit de la coopération. De même encore, les Européens se condamnent au ridicule et à l’impuissance en se montrant incapables de coordonner leurs positions dans les institutions financières et monétaires internationales et en se refusant à envisager, même à terme et même pour les membres de la zone euro, une représentation unifiée au FMI, à la Banque mondiale et à la Banque des Règlements Internationaux. Souhaitons que l’excellent rapport de Laurent Cohen-Tanugi fasse émerger ces questions lors des débats préalables à la présidence française.

26 avril 2008

Dialogue de sourds à propos de la crise alimentaire

Platier, 26 avril. Les conséquences à tirer de la crise alimentaire pour la politique agricole commune donnent lieu à un dialogue de sourds qui augure mal des discussions prévues sur la réforme de la PAC. Pour les uns, la menace d’un déficit alimentaire mondial devrait conduire à maintenir, voire à renforcer, l’ensemble des mesures de soutien à la production agricole ; pour les autres, la hausse des prix, qui s’annonce durable, rend désormais inutiles et injustifiées les aides aux agriculteurs. Les uns et les autres ont tort et raison à la fois. Les premiers ont raison de rappeler l’utilité d’une production accrue. Ils ont tort de demander le maintien de subventions présentement injustifiées. Les seconds ont raison de dénoncer des aides présentement inutiles. Ils ont tort de négliger les garanties dont doivent disposer les agriculteurs face à des marchés instables et soumis aux aléas climatiques.
Le moyen intelligent de réconcilier ces points de vue en apparence contradictoires est de s’attaquer à un vice majeur des politiques européennes qui n’est pas propre au secteur agricole, la rigidité. Cesser de verser les aides au revenu dès que le niveau des prix assure un revenu suffisant, les rétablir dès que les conditions de marché, voire les conditions climatiques, le justifient et ne fonction de la situation des diverses catégories de producteurs, voilà ce qu’il faudrait faire. Pourquoi est-ce aussi difficile ? Parce que les gouvernements, ne faisant pas confiance à la Commission et ne se faisant pas confiance à eux-mêmes, ont préféré s’engager dans des accords budgétaires pluri-annuels rigides, inadaptables à une conjoncture changeante, plutôt que de laisser à la Commission le soin d’adapter les interventions aux nécessités du moment.
Bien entendu, au-delà de ces divergences, tout le monde devrait s’accorder pour la suppression des subventions à l’exportation qui ruinent les agricultures vivrières du Sud, notamment en Afrique, et pour l’augmentation corrélative de l’aide alimentaire sans laquelle la famine menace de frapper de nombreux pays, tout en veillant à ce que cette aide ne fasse pas obstacle au développement des productions locales, ce qui, de nouveau, suppose une grande souplesse dans les modalités de l’action et son adaptation à des réalités diverses et changeantes.

23 avril 2008

Tibet et Jeux olympiques: le gâchis

Platier 23 avril. Les manifestations violentes contre la flamme olympique et ses porteurs étaient bien la forme la plus inappropriée de protestation en faveur d’un peuple adepte de la non violence. Avoir bousculé une jeune handicapée chinoise vaut à la France une ire toute particulière des Chinois et oblige notre Président à dépêcher à Pékin trois envoyés de haut rang, pour une démarche pénible d’excuses. Nous payons le prix de l’erreur qui a consisté à ne pas donner une absolue priorité à la recherche d’une attitude européenne commune, alors que devant exerçer la présidence au moment des Jeux, il nous appartenait de prendre l’initiative. Peut-être n’est-il pas trop tard. On voit bien ce que l’Europe gagnerait, en prestige et en influence, à subordonner la participation de ses dirigeants à la cérémonie d’ouverture, à un geste de Pékin en direction du Dalaï Lama. On voit aussi ce qu’elle perdrait à se diviser ou à se laisser aller, dans le désordre, à des manifestations intempestives que la propagande chinoise ne manque pas d’utiliser au risque d’alimenter des passions nationalistes effrayantes si l’on met en perspective l’ascension désormais prévisible de la Chine au premier rang des puissances mondiales.

21 avril 2008

Adieu à René Foch

Platier 21 avril. René Foch nous a quittés dans les premiers jours d’avril. Cette triste nouvelle m’est parvenue à mon retour du voyage ARRI dans le Caucase sans que j’ai pu connaître les circonstances de ce décès et la date d’un éventuel hommage de ses amis. Je ne veux pas tarder davantage pour saluer la mémoire de ce grand Européen. Depuis sa retraite après une brillante carrière à la Commission d’Euratom, puis à la Commission européenne, René Foch n’a cessé de suivre avec une attention vigilante et éclairée l’actualité européenne, livrant ses analyses en particulier dans l’excellente revue France-Forum dont il était un collaborateur régulier. Il avait participé dés les années soixante-dix aux activités de l’AFEUR, se signalant par la régularité de sa participation et la pertinence des questions qu’il posait. Proche de Valéry Giscard d’Estaing, il s’efforçait de contribuer à une orientation plus franchement européenne de la politique française que rendait difficile le poids des post-gaullistes dans sa majorité. Particulièrement averti des questions de défense, René Foch avait compris, avant beaucoup d’autres, que le chemin de la Défense européenne passait par une OTAN rééquilibrée.

14 avril 2008

Retour d'Arménie et de Géorgie

Paris 14 avril L’association Réalités et Relations Internationales (ARRI) qu’a rejoint l’AFEUR en 2004 organise des voyages combinant la découverte et les contacts. S’agissant de l’Arménie et de la Géorgie, où nous étions ces jours derniers, ceux-ci ont été riches d’enseignements. Le découpage de frontières arbitrairement tracées par Staline ont placé le Nagorny-Karabagh en Azerbaïdjan alors qu’il est peuplé d’Arméniens qui se sont soustraits à l’autorité de Bakou, l’Abkhasie et l’Ossétie du Sud en Géorgie, alors que ces deux territoires échappent à l’autorité de Tbilissi et bénéficient d’un appui de la Russie. Ces conflits qualifiés de basse intensité par les diplomates peuvent à tout moment dégénérer, tant sont grandes les tensions ethniques, politiques et religieuses dans ce Caucase déchiré. L’influence de l’UE dans cette zone où s’applique la politique de voisinage est considérable et s’exerce en faveur de la paix et de la lutte pour l’Etat de droit et le développement. Elle le serait plus encore si l’Europe affirmait davantage son unité. Tandis que la Géorgie affiche son intention de rejoindre l’Union et de s’en rendre digne, fût-ce à long terme, l’Arménie, désireuse de conserver les sympathies de Moscou, se montre plus prudente. Curieusement, elle souhaite l’adhésion de la Turquie à l’UE qui serait pour elle une garantie de sécurité. Moins attachée que la diaspora à la dénonciation du génocide, elle n’en fait pas moins une condition de la réconciliation qu’elle souhaite avec la Turquie, notamment pour des raisons de désenclavement économique.
Les pays du Caucase sont reliés à la Méditerranée par la mer Noire. Pourquoi ne pas les inviter à participer à la future Union pour la Méditerranée ? Ainsi s’établirait un lien entre les politiques de voisinage en direction du Sud et de L’Est

01 avril 2008

Deux exemples de la "non Europe"

Paris, 1er avril
L’actualité nous offre deux exemples des carences de l’Europe, de son refus d’exister, qui ne suscitent pas même l’attention des médias et demeurent inconnus des citoyens.
On débat, à longueur d’émissions ou de pages de journaux sur l’éventuel boycottage des Jeux olympiques ou de leur cérémonie d’ouverture, sans que soit le plus souvent posée la seule question qui importe : comment assurer une position commune de l’UE, à défaut de quoi les prises de position diverses et contradictoires et les protestations individuelles n’auront aucune portée et aucun effet sinon celui de faire éclater aux yeux du monde l’inexistence de l’Europe.
Même spectacle lamentable sur un tout autre sujet. Les commentaires relatifs à la réforme du FMI ignorent le plus souvent la question fondamentale qui est celle d’une représentation commune de la zone euro que devrait rendre possible la réforme des statuts. Il semble que nul n’envisage de soulever la question. Comment dès lors oser parler de l’influence de l’Europe, de sa prétendue volonté de civiliser la mondialisation ?

27 mars 2008

Un discours révélateur

Platier, 27 mars Pardon d’abord pour l’erreur de date de mon précédent message. Il s’agissait du 23 mars et non du 23 janvier !
Le discours prononcé par le président de la République devant les deux Chambres du Parlement britannique en dit plus long sur la politique européenne du Chef de l’Etat que toutes ses précédentes déclarations. On ne peut qu’approuver l’hommage chaleureux rendu au parlementarisme britannique et à l’admirable résistance à Hitler. Proposer de faire de l’entente cordiale une entente amicale rompt heureusement avec une certaine hargne anti-anglaise héritée du gaullisme. Le refus de capituler en Afghanistan devant les talibans et Al Quaïda ne peut qu’être approuvé, même si l’on peut s’interroger sur un engagement toujours insuffisant, trop exclusivement occidental et pollué par le désastre irakien. Enfin l’affirmation de la solidarité atlantique achève de dissiper les illusions d’une certaine diplomatie française tentée par le tiers-mondisme et que les erreurs de Bush paraissaient justifier.
Préoccupants sont d’autres aspects du discours présidentiel. L’éloge sans nuances de la nation et de l’Etat, de la conception britannique et française de l’identité et de la souveraineté, l’appel à changer l’Europe apparemment pour limiter son champ d’action plutôt que pour la rendre plus démocratique et plus efficace, l’absence de toute référence à la méthode communautaire, l’illusion d’une politique européenne orientée sinon dictée par les trois principaux pays de l’Union sont autant de positions problématiques. Le risque est grand de ramener la politique européenne à un jeu d’équilibre de puissance à la mode du XIXème siècle, c'est-à-dire à la stérilité de la coopération inter-étatique. Un exemple : la mise en garde adressée aux dirigeants chinois aurait plus de chances d’être prise au sérieux si Sarkozy avait affirmé la nécessité d’une position commune des Vingt-sept. Il s’en est bien gardé se réservant la possibilité d’une position particulière de la France, de nul effet si elle demeurait isolée et déshonorante si la France devait se distinguer en paraissant faire prévaloir ses intérêts commerciaux sur ses principes. Enfin l’allégeance atlantique ne se conçoit que dans une perspective d’équilibre entre partenaires égaux, sinon en puissance du moins en capacité de décision, c'est-à-dire dans la perspective d’une Europe fédérale. Voilà certes le discours de vérité que les Anglais n’étaient pas prêts à entendre, pas plus que notre président n’était prêt à l’exprimer.

23 mars 2008

Les leçons du Tibet

Paris, 23 janvier L’attitude à adopter face à la répression chinoise est le type même de la question sur laquelle l’UE devrait s’exprimer d’une seule voix. En nous montrant plus accommodants que Britanniques et Allemands, nous ne gagnerons rien, sinon la perte du prestige que devrait nous valoir la présence au Quai d’Orsay de Bernard Kouchner. Seule une prise de position commune de l’UE décidant par exemple une abstention générale de participation, non aux Jeux Olympiques, mais à la séance d’ouverture, si la répression devait se poursuivre, serait de nature à impressionner les dirigeants chinois, en même temps qu’elle contribuerait à renforcer l’image de l’Union auprès de ses propres citoyens.
Autre leçon à tirer de ce triste épisode, à l’usage en particulier d’Hubert Védrine : l’attachement aux droits humains fondamentaux n’est pas l’apanage des Occidentaux. Tous les peuples y sont attachés. C’est l’honneur de l’Occident de les défendre contre tous les gouvernements tyranniques de la planète. Mais l’Occident et en particulier l’Europe devrait faire plus d’efforts pour rallier à cette cause les jeunes démocraties du Sud. La sympathie que manifeste l’Inde envers les Tibétains et le Dalaï Lama montre que la tâche n’est pas insurmontable.

20 mars 2008

Européaniser nos commémorations guerrières

Paris, 20 mars 08 La mort du dernier poilu, Lazare Ponticelli, immigré italien engagé volontaire, renvoyé dans l’armée italienne et devenu pacifiste au contact des réalités atroces de la guerre, est l’occasion d’une réflexion sur nos commémorations des tragédies qui ont marqué le dernier siècle. Le moment n’est-il pas venu de transformer la signification de ces manifestations en les orientant davantage vers l’avenir, vers la communion des mémoires, vers la réconciliation des anciens ennemis, vers l’unité de l’Europe ?

La prochaine présidence française de l’UE pourrait donner à notre pays l’occasion d’avancer deux propositions qui compenseraient, dans une certaine mesure, le signe négatif donné par l’élimination des symboles du nouveau traité européen. L’une consisterait à joindre en une seule célébration l’effondrement du nazisme et l’appel de Robert Schuman, chaque pays qui accepterait cette proposition étant libre de fixer cette célébration le 8 ou le 9 mai. La justification est claire : sans la chute du nazisme qui fut pour l’Allemagne autant une libération qu’une défaite, le démarrage de la construction européenne n’aurait pas été possible. L’autre proposition serait de faire du 11 novembre une fête de la réconciliation, toutes les victimes étant honorées sans distinction de nationalité.

Ces deux propositions devraient faire l’objet d’un accord franco-allemand avant d’être officialisées. Les diverses associations européennes pourraient s’unir pour les promouvoir dans les deux pays. Les commentaires exprimés ces jours derniers à l’occasion de la mort du dernier poilu et du voyage du président de la République au plateau des Glières permettent de penser que ces propositions répondent à l'attente d’un large public et seraient favorablement accueillies par l’opinion, du moins en France.

14 mars 2008

Heureux dénouement après une querelle dont on aurait pu faire l'économie

Platier, 14 mars L’accord unanime sur la relance du processus de Barcelone devenu Union pour la Méditerranée est une bonne nouvelle. Il reste à voir si les querelles entre les pays de la rive sud permettront des actions concrètes et d’où viendra l’argent. Qu’attend-on pour associer à l’entreprise les pays du Golfe qui ne sont pas plus éloignés de la Méditerranée que le Portugal ou la Mauritanie ?
L’énergie qu’a dû déployer la diplomatie française pour rétablir l’harmonie franco-allemande sur ce projet si mal engagé aurait été mieux employée pour faire avancer la politique d’approvisionnement énergétique, la lutte contre les paradis fiscaux, la politique du climat, le développement des actions de reconversion des travailleurs victimes des délocalisations.
Ratifier le traité de Lisbonne, c’est bien, montrer à quoi sert l’Europe, ce serait encore mieux

13 mars 2008

Réciprocité dans le marché des armements

Platier, 11 mars 08 Je suis surpris que le succès obtenu par l’industrie européenne qui vient d’obtenir une énorme commande du Pentagone pour des avions ravitailleurs en vol n’ait pas conduit à rappeler la campagne déclenchée chez nous contre l’achat de chasseurs américains par la Pologne. L’intérêt commun des Européens et des Américains est dans l’ouverture d’un vaste marché concurrentiel des armements source potentielle de rationalisation, d’élimination des doublons et d’économies. Que cet exemple, s’il est confirmé, en dépit des protestations de certains membres du Congrès, serve au moins à convaincre les Européens de réaliser chez eux un vrai marché commun des armements, seul moyen de commencer à réduire le fantastique écart de puissance qui nous sépare des Américains dans ce domaine et que ne doit pas faire oublier un succès remarquable mais isolé.

02 mars 2008

Jouyet rectifie

Paris, 2 mars 08 En transformant l’Union méditerranéenne en Union pour la Méditerranée, Jean-Pierre Jouyet fait une tentative louable pour sortir le Président de la difficulté. Sera-ce suffisant ? L’étape suivante pourrait être : l’Union européenne pour la Méditerranée, élément essentiel de la « politique de voisinage ».

29 février 2008

Un appel de Solana resté sans écho

Paris, 29 février. Je lisais récemment dans l’excellent éditorial de Riccardi de l’Agence Europe que le haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité Xavier Solana avait lancé, le 1er février, un appel à une politique extérieure de l’énergie pour l’UE, dénonçant les dangers et les répercussions graves de son absence. Solana réclamait au moins, pour commencer, un meilleur échange d’informations sur les négociations nationales qu’aujourd’hui chaque Etat membre conduit à sa guise. On peut s’étonner du faible écho de cet appel dans les médias et du silence des gouvernements à son sujet.

26 février 2008

Confusion sur l'Union méditerranéenne

Paris, 26 février. La presse française se révèle dans l’ensemble incapable d’expliquer pourquoi une idée excellente, développer des actions concrètes dans le bassin méditerranéen pour le développement, l’environnement, le progrès économique, social et humain se heurte à tant d’incompréhension. Ce fut une erreur grossière, due à la totale méconnaissance de ce qu’est l’UE de la part du conseiller du Président qui s’en est fait le promoteur, de présenter ce projet sous la forme d’une Union semblant s’apparenter à l’UE. Ce fut une autre erreur de lancer ce projet sans consultation préalable de notre principal partenaire alors que celui-ci avait mal ressenti la tendance de notre président à s’attribuer le mérite quasi-exclusif du traité « simplifié » et de la libération des infirmières bulgares. Bâtir une Union entre pays dont plusieurs sont en conflit permanent et dont la plupart sont des dictatures n’a aucun sens. En revanche l’Europe, agissant en tant que telle, ne fera jamais assez d’efforts pour favoriser une évolution positive dans une région qui lui importe au premier chef. Mais elle doit agir unie et en tant qu’Union et non se diviser en initiatives désordonnées.

24 février 2008

Du Kosovo au Tchad

Paris, 24 février. Je reprends mes commentaires de l’actualité européenne après une interruption due à une panne de mon logiciel enfin rétabli.

La proclamation de l’indépendance du Kosovo avec l’appui d’une large majorité des Etats de l’Union me paraît soulever deux questions. Est-il conforme aux valeurs européennes de reconnaître le droit à l’autodétermination d’une ancienne province de la Serbie, le Kosovo, tout en refusant de reconnaître ce même droit à la minorité serbe du Kosovo ou aux Serbes de Bosnie ? Quand va-t-on commencer à réfléchir aux modalités d’adhésion d’une multitude de petits Etats balkaniques auxquels l’application des règles actuelles, six députés au Parlement, un commissaire, un minimum de voix au Conseil, donnerait une influence totalement disproportionnée dans les institutions ?

Les récents événements du Tchad rendent problématique l’opération humanitaire européenne promue par la France à la frontière tchado - soudanienne. Devrons-nous continuer à assister impuissants à la poursuite de ce qui apparaît comme un génocide rampant ? Notons cependant la signification de la désignation d’un général irlandais à la tête des forces européennes.

18 février 2008

Deux questions à propos du Kosovo

Paris, 18 février. La proclamation de l’indépendance du Kosovo avec l’appui de l’Union me paraît soulever deux questions. Est-il conforme aux valeurs européennes de reconnaître le droit à l’autodétermination d’une ancienne province de la Serbie, le Kosovo, tout en refusant de reconnaître ce même droit à la minorité serbe du Kosovo ? Quand va-t-on commencer à réfléchir aux modalités d’adhésion d’une multitude de petits Etats balkaniques auxquels l’application des règles actuelles, six députés au Parlement, un commissaire, un minimum de voix au Conseil, donnerait une influence totalement disproportionnée dans les institutions ?
En revanche, on peut se féliciter de l’attitude constructive des gouvernements qui, tout en s’opposant à la reconnaissance de l’indépendance du Kosovo, ont accepté l’envoi par l’Union d’une mission de 2000 fonctionnaires pour conforter le nouvel Etat.

11 février 2008

Appel à Jean-Louis Bourlanges

Paris, 9 février Le Monde vient de me faire savoir qu’après avoir retenu le papier que je leur avais envoyé en décembre, ils avaient dû renoncer à le publier. Le voici donc.

Tout ceux qui aiment l’Europe ont aimé Jean-Louis Bourlanges, son engagement sans failles, ses analyses pénétrantes, ses jugements impitoyables, à la fois pertinents et excessifs. Il fut un brillant président du Mouvement européen – France. Il fut surtout un exemplaire député européen, assez indépendant pour rejeter l’adhésion de trois pays qui prétendaient adhérer à l’Union en conservant une posture de neutralité parfaitement contraire à la solidarité européenne. Et voilà que ce député qui disait tout haut ce que d’autres pensaient tout bas annonce son intention de quitter le Parlement européen !

Il est sans doute trop tard pour le faire changer d’avis. Mais il n’est pas trop tard pour examiner les raisons q’il nous donne de sa décision dans un « grand entretien » accordé au journal le Monde des 2 et 3 décembre.

Sa motivation principale est que le Parlement, tout comme la Commission, serait devenu « un simple lieu d’arbitrage entre intérêts nationaux, un double du Conseil ». Si l’on peut regretter que les intérêts nationaux pèsent parfois trop lourd dans les débats, la vérité oblige à dire que c’est très loin d’être un cas général. Deux des principaux dossiers arbitrés à Strasbourg ces derniers mois, celui de la libération des services et celui du règlement sur les produits chimiques, en apportent la démonstration. L’affaire des services a opposé la droite et la gauche, même si, pour des raisons de culture nationale, la droite française était, sur ce sujet, proche de la gauche ; celle de la chimie a opposé les défenseurs de l’industrie à ceux des consommateurs. Dans l’un et l’autre cas, le Parlement est parvenu à un compromis que le Conseil n’avait pas obtenu et auquel il s’est finalement rallié.

De même, on s’étonne que Jean-Louis Bourlanges ose affirmer que « 90% des politiques et des financements restent nationaux ». Pour ce qui est des financements, il faudrait calculer le pourcentage dans les seuls domaines de compétence communautaire. Pour ce qui est des politiques, qui peut nier que les textes adoptés à Bruxelles et à Strasbourg orientent largement la plupart des politiques nationales, de l’agriculture aux transports, des budgets à la concurrence et de la pêche à l’environnement… ? N’est-ce pas la critique inverse que l’on entend sans cesse et qui est tout aussi infondée ? A vrai dire, l’exercice consistant à distinguer dans les politiques ce qui vient de Bruxelles ou des capitales n’a guère de sens dès lors que les orientations qui dictent les décisions communautaires sont arrêtées par les gouvernements nationaux.

En revanche, on ne peut que l’approuver quand il dénonce la stérilité de « la coopération classique entre gouvernements » dont l’échec de la stratégie de Lisbonne a fourni une nouvelle et éclatante démonstration, ou quand il stigmatise « la désinvolture avec laquelle on aborde (à Paris) les questions budgétaires et monétaires et celle du respect de nos engagements envers nos partenaires ». Voilà précisément pourquoi la présence du soldat Bourlanges sur le front européen demeure utile, nécessaire, indispensable. Il ne peut quitter le Parlement sans nous dire où et comment il va reprendre son combat pour que l’Europe, enfin sortie de sa crise institutionnelle, reprenne sa marche en avant.

04 février 2008

Réponse à Guy Plantier

Paris 4 février. A Guy Plantier qui a diffusé un message appelant judicieusement les militants européens à s’intéresser au choix du futur président de l’Union et à faire part de leurs réactions, j’ai répondu ce qui suit.

Vous avez raison de souhaiter l'implication des citoyens dans le choix du futur président, non de l'Union mais du Conseil européen. Le critère essentiel devrait être l'acceptation sans réserves de la méthode communautaire. Car le danger existe que le nouveau président se considère comme le gardien de l'intergouvernemental face à la Commission et au Parlement. Pour qu'il soit le président de l'Union et pas seulement du Conseil européen, il faudrait qu'il soit élu par les peuples ou par le Parlement, ce que sera désormais le président de la Commission. Pour l'avenir deux possibilités : ou bien le président du Conseil européen se limite à un rôle symbolique et protocolaire comme les chefs d'Etat en régime parlementaire, ou bien il devient le chef de l'Exécutif. Mais la deuxième hypothèse suppose une désignation démocratique et, à terme, la fusion avec la présidence de la Commission.

J’ajouterai que certains eurosceptiques contestent la légitimité démocratique de la Commission sous prétexte qu’elle n’était pas élue mais désignée par les gouvernements. Il en sera de même du futur président du Conseil européen mais, contrairement à la Commission, celui-ci ne sera pas investi par le Parlement ni responsable devant lui. Avec le nouveau traité la Commission sera élue par le Parlement, ce qui devrait lui donner une légitimité démocratique au moins égale à celle du président du Conseil européen.

26 janvier 2008

Les hésitations britanniques : dehors ou dedans ?

Paris, 26 janvier Le débat de ratification du traité de Lisbonne qui a commencé aux Communes, la candidature éventuelle de Tony Blair à la nouvelle présidence à temps complet du Conseil européen, divers commentaires de presse mais aussi une décision peu médiatisée de la Cour de Justice rejetant la prétention britannique d’une participation partielle au système Schengen remettent au premier plan le questionnement sur l’engagement européen du Royaume-Uni. L’opinion britannique égarée par le chauvinisme d’une presse populaire fanatiquement anti-européenne rejetterait sans doute la ratification du traité si elle était soumise à referendum comme le demandent les Tories. Peut-être en serait-il autrement s’il était clair qu’un rejet contraindrait le Royaume à sortir de l’Union. Un récent sondage donne en effet une nette majorité favorable au maintien dans l’Union. Un jour viendra où la question de confiance devra être posée aux Britanniques. Encore faudrait-il que les autres membres, à commencer par nous, soient au clair sur l’ampleur des pouvoirs qu’ils sont prêts à transférer à l’Europe. Deux ans et demi après le rejet du traité constitutionnel, nous ne sommes pas en mesure de nous montrer trop exigeants. Mais soyons attentifs à l’irritation croissante que la valse – hésitation anglaise provoque désormais un peu partout. Le maintien des « opting out » arrachés par la diplomatie britannique finira par marginaliser Londres.

22 janvier 2008

Lutte contre la criminalité : le traité de Prüm ou le succès d'une avant-garde

Paris, 22 janvier. Le 27 mai 2005 était signé à Prüm, localité allemande proche de Schengen et des trois frontières, où avait été conclu, en l’an 855, le démembrement de l’empire de Charlemagne, un traité visant à renforcer la coopération policière transnationale. Les sept signataires du traité, Allemagne,Autriche,Belgique,Espagne, France, Luxembourg, Pays-Bas, avaient prévu qu’au plus tard trois ans après son entrée en vigueur une initiative serait présentée en vue de la transcription de ses dispositions dans le cadre juridictionnel de l’Union européenne. Cette transcription a été décidée sous présidence allemande en juin 2007, à l’exception d’une disposition permettant les interventions de police en territoire étranger à laquelle s’oppose le Royaume-Uni. Ainsi sept Etats ont joué le rôle d’une avant-garde bientôt suivie par l’ensemble des Vingt-sept. Ainsi la conclusion d’un traité international classique s’est révélée d’un usage plus aisé que la formule compliquée des coopérations renforcées qui suppose la consultation du Parlement et l’accord d’une majorité qualifiée du Conseil. Cette forme d’intégration à partir d’une avant-garde qui a déjà été utilisée après les accords de Schengen constitue un précédent intéressant. Mais on s’étonne une fois de plus que ces progrès dans la lutte contre le terrorisme et les autres formes de criminalité internationale, qu’il s’agisse du traité de Prüm ou de son extension à l’ensemble de l’Union, n’aient fait l’objet d’aucune diffusion alors qu’ils répondent à une attente de l’opinion. Seule à ma connaissance la revue du marché commun et de l’Union européenne y a consacré un article d’où j’ai tiré mon information.

16 janvier 2008

Les Socialistes et l'Europe

Paris, 16 janvier. Les dirigeants du PS, après un referendum des militants nettement favorable du traité constitutionnel, n’ont pas eu le courage d’imposer aux minoritaires le choix de s’incliner ou de quitter le parti. Cette faute politique continue à dérouler ses conséquences. La majorité ira à Versailles pour s’y abstenir sur la révision constitutionnelle préalable à la ratification du traité de Lisbonne alors qu’elle n’en conteste pas pour autant la nécessité. Cette abstention a pour objet de marquer le regret d’un referendum qu’en réalité ne souhaitent que les adversaires du traité. Mais cela n’empêchera pas les Fabius, Emmanuelli, Mélanchon et consorts de voter non, ni d’autres, tel Jacques Lang de voter oui, Delanoé lui-même ayant annoncé que c’est ce qu’il ferait s’il était parlementaire. Sur la ratification proprement dite, la majorité approuvera tandis que la minorité s’opposera. Quel spectacle incompréhensible pour le simple citoyen ! Comment un grand parti de gouvernement peut-il s’accommoder d’une pareille division sur une question majeure ! La rénovation du PS que d’aucuns attendent devrait commencer par la définition d’une ligne claire sur la poursuite de la construction européenne à laquelle les Socialistes ont été associés depuis l’origine et l’obligation pour tous les dirigeants du parti de respecter cette ligne.

08 janvier 2008

Un problème dont nul ne semble se préoccuper

Paris, 8 janvier. Si l’on peut se réjouir du succès que représente l’élargissement de l’Union européenne, on ne peut ignore le problème que pose la perspective de l’adhésion d’un nombre important d’Etats à faible population issus pour la plupart de l’ex-Yougoslavie. Indépendamment de leur stabilité et de leur caractère démocratique qui devront être appréciés, le moment venu, au regard des critères de Copenhague, l’adhésion de la Bosnie, de la Macédoine, du Montenegro, du Kosovo, s’ajoutant à celle déjà acquise ou envisagée de la Slovénie, de la Croatie, de la Serbie et de l’Albanie auront pour effet de donner un poids totalement disproportionné, au Parlement, au Conseil, à la Commission et à la Cour de Justice à la région des Balkans occidentaux, la seule ex-Yougoslavie ayant donné naissance à sept Etats. Le problème est plus facile à poser qu’à résoudre. Il serait en effet profondément contraire aux traditions communautaires d’établir des classes différentes d’Etats membres. Leur imposer un regroupement est également impraticable, comme on l’a vu pour les Baltes ou les Tchéco - Slovaques qui ont accru leur représentation en se fractionnant en deux Etats. Quant à constituer un noyau central fondé sur le critère de la dimension ou de l’ancienneté, c’est une illusion car les plus petits ne sont pas nécessairement les moins engagés. La réponse devra être recherchée dans à la fois plus de souplesse et plus de fédéralisme, par exemple en donnant au président de la Commission pleine latitude pour constituer son collège, en augmentant les pouvoirs de toutes les présidences, en réduisant l’effectif minimum des représentations des pays les moins peuplés au Parlement. Cela ne sera pas facile et montre combien le nouveau traité de Lisbonne, si nécessaire soit-il, demeure encore incomplet et provisoire.

04 janvier 2008

A propos de libération des échanges

Paris 4 janvier. Francis Fontaine fait état dans sa lettre « Oui à l’Europe » d’une enquête d’opinion révélant une énorme différence d’appréciation de la libération des échanges entre les Français et les autres Européens. 38% des Français y seraient favorables contre 73% des Allemands et des Italiens, 77% des Polonais et 83% des Britanniques. Les Etats-Uniens se situent à mi-chemin, à 58%. Une divergence d’une telle ampleur explique les tensions autour de la négociation de l’OMC. Elle révèle le caractère tendancieusement protectionniste de l’enseignement de l’économie dispensé par notre Education nationale et peut-être aussi celui sans doute exagérément libéral de nos partenaires. Quoi qu’il en soit un rapprochement serait souhaitable dans ce domaine aussi.